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Jean-Dominique Mellot et Élisabeth Queval, avec la collaboration d’Antoine Monaque, Répertoire d’imprimeurs/libraires (vers 1500-vers 1810), nouvelle édition mise à jour et augmentée (5200 notices)

Bibliothèque nationale de France, 2004, 668 p., 4°. ISBN 2-7177-2272-6

Yves CAMBEFORT

Voici la quatrième édition du répertoire des imprimeurs et/ou libraires, actifs après 1500 et établis avant 1810, actuellement représentés à la Bibliothèque nationale de France. Né de l’élaboration, de la « reconversion », et pour finir de l’unification des différents catalogues de la BN, devenue BnF, l’ouvrage se propose de fournir, au fur et à mesure du dépouillement et de l’exploitation de ces catalogues, toutes les données concernant les imprimeurs/libraires se situant dans ce cadre chronologique et représentés dans l’établissement. Bien que le Répertoire soit établi en partant des catalogues, la plupart des informations qu’il fournit sont prises directement à la source la plus autorisée, c’est-à-dire sur les livres eux-mêmes. La première édition (1988) ne comptait qu’un millier de notices ; les deuxième et troisième (1991 et 1997) en offraient, respectivement, quelque deux à quatre mille. De nombreuses analyses, dont ces éditions ont été l’objet dans les revues spécialisées françaises et étrangères, ont déjà fait ressortir le caractère extrêmement utile, voire irremplaçable, d’un travail fondé sur un dépôt de livres anciens parmi les plus importants qu’il y ait au monde, tout particulièrement unique pour la production française et surtout parisienne des XVIIe et XVIIIe siècles.

Cette quatrième édition est augmentée de mille deux cents notices par rapport à la précédente, les quatre mille de 1997 ayant été en outre mises à jour ou corrigées. Pour chaque imprimeur/libraire, l’ouvrage fournit une notice principale (numérotée de 1 à 5199), qui donne les informations suivantes : « forme d’autorité » (nom, prénoms et dates biographiques des personnes physiques, désignations usuelles des collectivités, voire des personnalités imaginaires) ; exercice professionnel (lieux et dates d’exercice, avec adresses et enseignes) ; puis des notes regroupant un nombre variable d’indications biographiques et professionnelles plus détaillées (variantes des nom et prénoms, devises, qualifications, titres et fonctions officielles, renseignements biographiques, résumé de l’activité dans le domaine de l’imprimerie et de la librairie, cessions d’officines, condamnations, etc.) ; enfin, les sources utilisées, publiées et non publiées. Des notices secondaires, non numérotées, renvoient aux notices principales. À la fin de l’ouvrage, un index des noms (classés par localités), suivi d’une impressionnante liste des sources citées (imprimées et manuscrites), complète l’information fournie.

C’est donc une somme de données impossible à trouver ailleurs, spécialement sur les imprimeurs et/ou libraires français des XVIIe et XVIIIe siècles, que fournit cet ouvrage, et c’est à juste titre qu’il a été salué de façon unanime, dès ses premières éditions, comme un outil de premier plan pour les bibliothécaires, les libraires, les bibliophiles, bref tous les professionnels et amateurs en contact avec les livres anciens. Les auteurs se sont notamment attachés à éclairer l’activité de personnages peu ou mal connus, par exemple ceux de la période révolutionnaire, sur lesquels ils apportent des informations partiellement ou entièrement inédites. Ainsi peut-on signaler, comme type de notice particulièrement originale et intéressante pour cette époque, celle de René-François Lebois (n° 3144), l’imprimeur de l’Ami du Peuple, ou encore celle de l’imprimeur, journaliste et avocat normand Jean-Baptiste-Magloire Robert (n° 4259). En revanche, on ne cherchera pas dans l’ouvrage d’informations spécialement neuves sur des imprimeurs ou des dynasties, qui ont fait l’objet de travaux classiques depuis le XIXe siècle, ainsi les Manuce, les Elzevier ou encore les Estienne.

Au chapitre des critiques, on peut aussi redire – avec les auteurs eux-mêmes – que ce Répertoire n’est pas, ou pas encore, exhaustif. D’abord, il ne s’agit ici « que » des imprimeurs/libraires représentés à la BnF, et ce dépôt, bien que sans doute le plus important au monde s’agissant de livres anciens, ne fournit une image réellement significative – voire quasi exhaustive pour les XVIIe et XVIIIe siècles – « que » pour les artisans parisiens. La province française y est moins bien représentée, et encore moins les pays étrangers (de façon variable suivant les hasards de la constitution des collections). Ensuite, le recensement de cet immense fonds est encore un travail en cours. Bien que le catalogue de la BnF soit maintenant unifié et entièrement informatisé, la masse d’informations disparates rendues ainsi disponibles a obligé la petite équipe des auteurs à multiplier leurs efforts, tout en saturant leurs ressources matérielles et logicielles (le présent ouvrage, virtuellement achevé dès 2001, a été retardé de trois ans par des problèmes informatiques).

Mais quel est au juste le degré d’exhaustivité de ce Répertoire ? Dans un article passionnant, et qu’il aurait été peut-être opportun de reproduire ici, Jean-Dominique Mellot se pose la question : « Pourrons-nous considérer la tâche achevée à 10 000, à 15 000 imprimeurs / libraires répertoriés ? Ce n’est pas certain… »1 En d’autres termes, la présente édition du Répertoire ne représenterait guère que la moitié, voire le tiers du corpus à inventorier. Faut-il croire, pour autant, que telle serait aussi sa représentativité réelle ? Sans doute faut-il bien faire ici la différence entre théorie et pratique. En pratique, la majorité des imprimeurs/libraires de livres anciens qu’on a des chances vraies de rencontrer, voire l’immense majorité pour les XVIIe et XVIIIe siècles français, sont bel et bien déjà dans le Répertoire. Les plus importants, comme par exemple Nicolas-Bonaventure Duchesne (notice n° 1797), qui a dominé l’édition parisienne du XVIIIe siècle, figuraient déjà dans sa première édition. Les deux tiers des imprimeurs/libraires encore à recenser n’ont le plus souvent produit en fait qu’un pourcentage réduit ou très réduit des livres anciens qui se trouvent dans les bibliothèques ou les librairies, et les chances de les rencontrer sont faibles. Cela dit, il serait intéressant bien sûr de savoir quelle proportion réelle des ouvrages anciens de la BnF n’est pas encore couverte par le Répertoire.

Pour conclure, il faut féliciter et remercier les auteurs de cet ouvrage. Le labeur auquel ils se sont attachés (si énorme qu’il a été parfois jugé excessif par certains critiques…) produit peu à peu ses effets. La présente édition du Répertoire, même si elle n’est pas exhaustive au sens strict, n’en représente pas moins la somme la plus vaste actuellement disponible – et très souvent la seule – sur la biographie, l’activité, les productions des imprimeurs/libraires de la période 1500-1810. Il faut espérer que l’amélioration constante des conditions (notamment informatiques) du travail des auteurs (voire – on peut rêver ! – l’élargissement de leur petite équipe) pourra provoquer une accélération dans le rythme de mise à disposition des ressources de cet ouvrage, qui est d’ores et déjà un classique, et que la totalité du corpus sera couverte et accessible dans un délai le plus court possible.

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1 Jean-Dominique Mellot, « Le Répertoire d’imprimeurs/libraires de la BnF (v. 1500-v. 1810) : premiers enseignements quantitatifs et qualitatifs », dans Lotte Hellinga, éd., The Scholar & the database, London, Consortium of European research libraries, 2001, pp. 66-78.