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Historia de la edición y de la lectura en España (1472-1914)

bajo la dirección de Víctor Infantes, François Lopez, Jean-François Botrel, Madrid, Fundación Germán Sánchez Ruipérez, 2003, 860 p., in-4°, rel., ill., couv. ill. ISBN 84-89384-40-1

Gérard MORISSE

Cet ouvrage surprend tout d’abord, et déroute quelque peu. Il surprend agréablement par les caractéristiques du volume, la lisibilité du texte, la texture du papier glacé, la grâce des illustrations, les trouvailles dans la mise en page, toutes qualités propres aux publications de cet éditeur, que nous avons déjà mentionnées dans nos colonnes à plusieurs reprises. Par contre, ce bel ouvrage déroute quelque peu par sa conception. Il se présente comme une succession de soixante et onze contributions d’universitaires espagnols et français, mais aussi de Grande-Bretagne, Mexique et Portugal, chacune ne comportant qu’un nombre de pages réduit. Elles se répartissent en trois parties égales : 1472-1680, sous la direction de Víctor Infantes (Madrid) ; 1680-1808, sous la direction de François Lopez (Bordeaux) ; 1808-1914, sous la direction de Jean-François Botrel (Rennes).

La première partie (vingt-deux contributions), par exemple, se divise en cinq chapitres : le manuscrit et le livre (pp. 23-65), la production éditoriale (pp. 66-113), les bibliothèques (pp. 114-141), le lecteur et les groupes de lecteurs (pp.142-179), la langue et les typologies de la lecture (pp. 180-243). Le premier chapitre comprend quatre contributions : le manuscrit et sa production au temps du livre imprimé (Manuel Sánchez Mariana), l’atelier d’imprimerie (Jaime Moll), la typologie des formes éditoriales (Víctor Infantes), l’image imprimée (Ana Martínez Pereira). Il ne s’agit donc pas d’une histoire événementielle. Si vous recherchez, par exemple, la carte des premières implantations de l’imprimerie en Espagne, ou la liste des libraires de Séville du temps de Philippe II, ou la comparaison entre les lectures des nobles de Saragosse et ceux de Valladolid, il vous faudra explorer d’autres histoires de l’édition. Il s’agit donc ici plus exactement d’un manuel sur l’évolution dans le temps des pratiques de l’édition et de la lecture.

Cette frustration surmontée et cette modification du titre admise, la vision de cette imposante publication est évidemment toute autre. Il s’agit d’une perspective plus moderne. Prenons par exemple l’article précité du respecté Jaime Moll. En cinq pages et demie, il dresse un tableau magistral de l’organisation d’un atelier dans les débuts de l’imprimerie, fruit de sa longue expérience de l’étude du monde du livre. À la fin, il y a cette note (nous traduisons) : « Sur le thème de ce chapitre il faut tenir compte des références suivantes (…) ». Après chaque contribution figurent deux documents, imprimés sur fond gris, comme il est fréquent dans les ouvrages didactiques de ce pays, toujours parfaitement bien choisis. Dans ce cas, il s’agit d’un contrat d’apprentissage de 1596, et de l’inventaire en 1666 du matériel d’atelier d’un imprimeur madrilène, tous deux tirés des archives notariales. Par ailleurs, à la fin de chaque partie on trouve une série de reproductions, en général en couleurs, d’excellente qualité et souvent peu connues, lesquelles contribuent à rendre les textes encore plus concrets.

Le lecteur pourra par conséquent rechercher avec profit dans cette « histoire » quel est le point actuel, proposé par l’un des meilleurs spécialistes, sur une foule de questions générales qu’il peut se poser sur le livre et la lecture (comme, par exemple, les lectures infantiles, ou le livre comme objet, ou le livre comme édification, etc.). Les réponses sont bien entendu trop courtes, il eût fallu sinon plusieurs tomes pour pouvoir apporter systématiquement des éléments neufs, mais chaque intervenant donne les orientations nécessaires au lecteur qui souhaiterait éventuellement en savoir plus, en lui proposant un certain nombre de textes de références où ces questions ont déjà été traitées. La bibliographie couvre soixante-dix pages sur deux colonnes, mais elle ne peut pourtant pas être exhaustive. Dans ces conditions, et dans cette perspective moderne des recherches sur l’édition et la lecture, ce beau livre, qui est à conserver et à consulter comme un dictionnaire, est apte à rendre d’immenses services, donnant à son possesseur une première réponse fiable à ses interrogations et, parallèlement, s’il le désire, les moyens de poursuivre sa quête au sein des ouvrages traditionnels.