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Le livre, une marchandise ?

Les conceptions du livre aux Presses commerciales de Shanghai (1903-1937)

Jean-Pierre DRÈGE

Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (IVe Section)

La lecture d’un ouvrage intitulé Gutenberg in Shanghai1, publié récemment, m’a replongé dans le monde du livre chinois de la fin du XIXe et du début du XXe siècle que j’avais quitté il y a plus de vingt-cinq ans. L’une des perspectives de cet ouvrage est de montrer que le capitalisme de l’imprimé n’est apparu en Chine que dans la première moitié du XXe siècle. Si cette évolution paraît tardive à certains Occidentaux, l’auteur de l’ouvrage, Christopher A. Reed, estime que ce n’est pas la culture des traditions qui aurait freiné le développement technique mais simplement qu’au contraire ces techniques ont été utilisées de manière sélective et délibérée, au moment même où les valeurs traditionnelles évoluaient.

Cette réflexion recouvre partiellement une réflexion plus large et plus lourde de conséquences théoriques, celle du développement comparé du capitalisme et de la technologie en Chine avant la fin du XIXe siècle et en Europe2. Au-delà de ce débat sur les résistances aux transferts technologiques qui demeure toujours présent dans l’histoire moderne et contemporaine de la Chine, une autre perspective apparaît, qui se rapporte à un autre débat né plus récemment et d’un ordre différent, celui de la culture et de l’exception culturelle, du jeu de la culture et du capitalisme et, pour ce qui nous concerne, du livre et de l’argent. Le livre en tant que produit commercial a été et est encore l’objet de débats d’ordre politique autant que culturel. En France, la production en masse du livre de poche dans les années 1960 a suscité des controverses passionnées de la part des intellectuels. Ce type de débat a repris dans les années 1980 avec la vente de livres dans les hyper-marchés et abouti à une loi sur le prix du livre. Depuis, le débat s’est déplacé du livre vers la production cinématographique et entraîne des confrontations répétées entre l’Europe et les Etats-Unis.

Pour revenir au livre, en prolongeant en quelque sorte l’ouvrage de Christopher Reed, je voudrais montrer comment au sein des Presses commerciales (The Commercial Press) de Shanghai, le livre est devenu une marchandise ou plus exactement comment la marchandise a peu à peu pris le pas sur l’objet culturel. Pour ce faire, on peut se reporter aux objectifs et au profil de management des deux principaux dirigeants de cette entreprise qui a dominé le monde du livre chinois pendant toute la première moitié du XXe siècle, Zhang Yuanji (1867-1959) et Wang Yunwu (1888-1980).

Avant tout, il faut rappeler, avec Henri-Jean Martin et Lucien Febvre que

dès l’origine, l’imprimerie apparut comme une industrie régie par les mêmes lois que les autres industries, et le livre une marchandise que des hommes fabriquaient avant tout pour gagner leur vie3.

Il n’y a pas de différence fondamentale sur ce point entre la situation qui prévalut en Europe pour le livre typographié et celle qui prévalut en Chine prémoderne pour le livre essentiellement xylographié, même si le contexte paraît souvent bien éloigné. L. Febvre et H.-J. Martin ajoutent :

Le marché du livre fut toujours semblable à tous les autres marchés. Aux industriels qui fabriquaient le livre : les typographes ; aux commerçants qui le vendaient : les libraires et les éditeurs, se posaient des problèmes de prix et de financement4.

À cela il faut apporter, dans le cas de la Chine, plus que des nuances. Le système de production et de distribution du livre y diffère, tant en raison des techniques utilisées et des conséquences économiques qu’elles entraînent que de la variété des acteurs éditoriaux et, en particulier, du poids de l’État dans les activités éditoriales. Surtout, l’absence de séparation entre les activités d’édition, de fabrication et de vente qui est souvent le cas en Chine marque une distinction importante par rapport à l’Europe. Quoi qu’il en soit, les conditions qui se sont instaurées en Chine et qui perdurent jusqu’au XIXe siècle évoluent sensiblement au contact de la présence occidentale et notamment des missionnaires. Les premières entreprises privées d’édition faisant appel à la technologie occidentale, enfin maîtrisée pour l’impression de l’écriture chinoise à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, sont créées précisément dans un milieu étranger. Ce sont les employés chinois de ces imprimeurs étrangers qui fondent par la suite des entreprises chinoises, mais toujours en milieu étranger, dans les concessions.

Tel est le cas des Presses commerciales de Shanghai (fig. 1), fondées en 1897, qui démarrent leurs activités en tant qu’imprimerie avec un succès plutôt mitigé. Très vite cependant, l’entreprise, qui allait devenir rapidement, et jusqu’en 1949, de loin la plus importante maison d’édition et de production de livres en Chine, écrasant ses rivales de son poids, supérieur à celui de l’ensemble des entreprises concurrentes, assure les trois fonctions des maisons d’édition chinoises : édition, fabrication et diffusion5. Son succès repose en grande partie sur l’équilibre et la réussite de ces trois composantes, intellectuelle, technique et commerciale. C’est Zhang Yuanji qui assure ce premier succès, dès son recrutement dans l’entreprise. Ses atouts sont ceux d’un lettré de haut niveau, réformiste et pragmatique. Quelques années plus tard, un pas est franchi avec l’entrée aux Presses commerciales de Wang Yunwu, homme d’affaires avisé.

Il nous faut camper les deux hommes, sans nécessairement vouloir les opposer, comme a eu tendance à le faire Manying Ip dans son excellente biographie de Zhang Yuanji (à caractère cependant un peu trop hagiographique) 6. Elle n’est pas la seule et les raisons de le faire ne manquent pas : l’un a une formation de lettré, l’autre est un autodidacte. L’un reste un éditeur prudent, tout en étant attentif aux difficultés de ses contemporains, l’autre s’engage dans l’action politique de haut vol, l’un finalement accueille la victoire communiste comme une libération tandis que l’autre quitte le continent pour se réfugier à Taiwan avec les dirigeants du Guomindang. Ces différences humaines, psychologiques, politiques, ne sont pas sans conséquence dans l’analyse que l’on a pu faire de leur gestion éditoriale.

ZHANG YUANJI, LE LETTRÉ

Zhang Yuanji (fig. 2) n’était probablement pas prédisposé à devenir responsable d’une entreprise d’édition. Ayant réussi les examens de fonctionnaire très jeune en obtenant le doctorat en 1892, en même temps que son condisciple et ami Cai Yuanpei (1868-1940), il rejoint la célèbre Académie Hanlin et le ministère de la Justice, puis le Zongli yamen, chargé des relations extérieures, un lieu stratégique en cette période de frottement avec les puissances étrangères. C’est par ses préoccupations éducatives que Zhang Yuanji devient éditeur. Dès 1897, l’année de la fondation des Presses commerciales, et avant qu’il soit obligé de quitter la fonction publique à la suite de l’échec de la réforme des Cent jours en 1898, à laquelle il prend une part active en promouvant notamment l’étude du commerce, il crée une école du savoir occidental, Xixue tang, puis Tongyi xuetang, où l’enseignement se fait en anglais et où les six arts de l’antiquité sont mis au goût du jour. Zhang s’est lui-même mis à l’apprentissage de l’anglais depuis 1896. En 1898, contraint de quitter la capitale et s’installant à Shanghai, il devient responsable du bureau de traduction, puis président, d’une école privée, Nanyang gongxue, fondée en 1896. C’est là qu’il prépare la publication en chinois de The Wealth of nations (Yuanfu), d’Adam Smith (1723-1790), traduit par son ami Yan Fu (1866-1921) et publié en 19027. L’ouvrage y fait l’objet d’un enseignement, de même que l’« Exhortation à l’étude », Quanxue pian, de Zhang Zhidong (1837-1909).

C’est à cette époque que Zhang Yuanji rencontre Xia Ruifang (1872-1914), l’un des quatre fondateurs des Presses commerciales, qui en devient le directeur général. Les Presses commerciales, dont le nom indique qu’il s’agit avant tout d’une imprimerie, furent créées par des employés des presses presbytériennes, Meihua yinshuguan, associant savoir-faire technique et savoir-faire commercial. Elles commencèrent par l’impression de toutes sortes de documents, papier à lettre, factures et articles de papeterie, ainsi que des manuels scolaires, dont la publication était en forte croissance et la demande importante. Si le premier essai, en 1898 a été un succès, avec un manuel adapté d’un ouvrage anglais destiné aux enfants indiens, le second, en 1902, avec l’adaptation de manuels japonais est catastrophique. Cette expérience amène Xia Ruifang à rechercher un véritable éditeur et il recrute Zhang Yuanji qui, après une collaboration informelle de quelques mois, quitte l’École Nanyang pour les Presses commerciales où il prend la direction d’un bureau de compilation et de traduction. Zhang Yuanji prend des parts de la Société dont le capital est passé de 3750 yuan en 1897 à 50 000 en 1901, 200 000 en 1903 et 1 million de yuan en 1905. Cette augmentation très importante passe par l’apport d’une société japonaise, Kinkôdô, qui apporte la moitié des fonds (soit 100 000 yuan) et fournit l’assistance de techniciens japonais. On voit là l’un des signes visibles de l’influence japonaise dans le domaine culturel et industriel à cette époque8. Cette association sinojaponaise prend fin au lendemain de l’instauration de la république, les Presses commerciales étant considérées alors comme manquant d’esprit nationaliste.

LA TECHNIQUE AU SERVICE DU LIVRE

L’action de Zhang Yuanji, d’abord en tant que responsable du service de compilation et de traduction, puis comme directeur de l’entreprise (Gao Fengchi étant directeur général et Bao Xianchang [1864 ? -1929] président), illustre deux des pôles les plus importants de l’activité des Presses commerciales dans la période de la fin de l’empire, puis des premières années de la république : la compilation, c’est-à-dire d’abord la préparation de manuels scolaires, et la traduction d’ouvrages étrangers, surtout japonais, anglais et américains. Zhang Yuanji se révèle un dirigeant efficace, attentif aussi bien aux questions techniques qu’humaines et animé d’une vision éditoriale fondée sur une perspective liée à l’éducation et l’étude, matériaux d’enseignement d’une part, ouvrages d’histoire et d’érudition d’autre part.

Christopher A. Reed attache avec raison une grande importance aux machines d’impression dans le processus de montée en puissance du monde du livre chinois. L’introduction de machines importées du Japon qui reproduisent les innovations techniques européennes ou américaines et l’assistance de techniciens japonais dans les premières années du XXe siècle, entraînent un processus d’adaptation par les techniciens chinois qui se mettent d’abord à réparer, puis à fabriquer leurs propres machines. Cette explosion technique est l’une des causes essentielles du développement du marché des livres scolaires en Chine, un marché où les Presses commerciales occupent une place prédominante. Les « Nouveaux manuels scolaires » publiés en 1903 par les Presses commerciales, dès l’arrivée de Zhang Yuanji, sont un succès. Ils se décomposent en trois séries destinées aux écoles primaires, primaires supérieures et secondaires, soit quatre-vingt-onze volumes en tout, qui s’écoulent à plus de 100 000 exemplaires en quelques mois pour les deux premières séries. En 1910, trois cents titres de manuels auront été publiés sous l’impulsion de Zhang Yuanji, les Presses commerciales représentant un peu plus de la moitié du marché dès 1905. Cet écrasement par les Presses commerciales des entreprises concurrentes subsistera globalement jusqu’en 1937. Cette activité intense fait décoller le chiffre d’affaires de l’entreprise, qui passe de 300 000 yuan en 1903 à 11 millions de yuan en 1919.

Néanmoins, cette position n’est pas acquise sans effort. L’avènement de la république en 1912 se traduit par des difficultés sérieuses pour les Presses commerciales. Zhang Yuanji, monarchiste convaincu, n’avait pas prévu cette rupture ni ses conséquences. Très engagé dans le mouvement constitutionaliste, il ne se rallie que tardivement à la république et n’a pas su anticiper les changements que le passage au nouveau régime impliquerait dans la rédaction des manuels scolaires. C’est de cette occasion que profite un jeune membre de l’entreprise, employé au service de compilation et de traduction depuis 1908, pour créer sa propre maison d’édition, China Book Co., Zhonghua shuju, en préparant, avec une petite équipe, une série de nouveaux manuels « républicains ». Le coup est rude, les Presses commerciales étant signalées comme non ouvertes à l’idéologie républicaine. Zhonghua shuju, de ce fait, prend vite la seconde place sur le marché du livre, parvenant à représenter dans les années 1930 environ 30 % du marché chinois.

Cette affaire a pour conséquence de stimuler les Presses commerciales qui accentuent alors leur diversification, en produisant du matériel pédagogique et en se tournant vers la production de films documentaires. C’est aussi le moment d’un développement de l’édition de périodiques (fig. 3). Au célèbre Dongfang zazhi (Eastern Miscellany), revue généraliste d’information, créée en 1904 et qui parviendra à s’adapter aux circonstances jusqu’aux dernières heures de la Chine nationaliste en 1948, viennent s’ajouter plusieurs grandes revues qui ont marqué leur temps, qu’il s’agisse de littérature (Xiaoshuo yuebao [The Short Story Magazine]), d’éducation (Jiaoyu zazhi [The Educational Review], Xuesheng zazhi [The Students’ Magazine]), ou des femmes (Funü zazhi [The Ladies’ Journal ]). Dans le domaine littéraire en particulier, la presse périodique prenait un rôle capital dans cette période de transition entre la langue classique et la langue parlée, la plupart des textes étant d’abord publiés dans des revues, avant d’être éventuellement réimprimés sous forme de livres.

Par ailleurs, une bonne part des ouvrages de littérature qui étaient publiés se composait de traductions, d’abord du japonais, dans les premières années du XXe siècle, puis de l’anglo-américain, sans oublier que beaucoup d’ouvrages durent subir une double traduction, par l’intermédiaire du japonais. Il faut dire que le Japon est considéré alors en Chine comme exemplaire et apprécié comme un modèle de développement et d’adaptation des techniques occidentales à une civilisation asiatique. Les contacts fréquents des intellectuels chinois avec le Japon, l’envoi au Japon d’étudiants chinois, l’importation de machines industrielles japonaises en Chine nourrissent cet engouement. L’intérêt pour cette évolution réussie du Japon s’exprime par la publication d’ouvrages sur le système politique et les institutions du Japon, ses lois et ses règlements. Ces publications ne relèvent pas toujours d’un choix délibéré de la part du Bureau de compilation et de traduction des Presses commerciales, elles sont à plusieurs reprises effectuées à la demande des autorités gouvernementales, comme les trente-deux volumes du Lieguo zhengyao (Les grandes lignes des politiques de tous les pays). On peut avancer à cette occasion que les Presses commerciales furent toujours dans la ligne du pouvoir politique en place, du moins jusqu’en 1937, et cela quel qu’en soit le chef, Zhang Yuanji le modéré ou Wang Yunwu l’homme habile. Il n’est pas toujours facile de savoir quel fut la nature du soutien du gouvernement dans de grandes opérations éditoriales : financement direct, engagement d’achat en quantités ou autres9.

Zhang Yuanji montrait une réelle ouverture dans tous les domaines, technique, commercial ou éditorial. Son intérêt pour les progrès techniques le conduit par exemple à proposer une nouvelle méthode de disposition des caractères typographiques pour faciliter la composition. On sait que la résolution des difficultés causées par le grand nombre des caractères d’écriture, et donc de types, n’a été acquise que tardivement (si toutefois on peut considérer la question comme résolue) et que ces difficultés sont précisément la cause essentielle de l’adoption tardive du procédé typographique pourtant connu en Chine depuis le XIe siècle.

Le rôle de Zhang Yuanji au sein des Presses commerciales s’accroît à la mort de Xia Ruifang en 1914. Il devient directeur des Presses, sous la présidence de l’un des fondateurs Gao Fengchi. Mais, en créant un Bureau des affaires générales coiffant les trois services d’édition, d’impression et de diffusion, il a la main sur l’ensemble de l’entreprise, ce qui lui permet d’assurer son développement dans tous les domaines. Outre cette activité, Zhang Yuanji garde les préoccupations d’un lettré à l’ancienne, préoccupations bibliophiliques qui se trouvent mises en pratique dans son métier d’éditeur. C’est, semble-t-il, pour pouvoir vérifier faits et références qu’il décida de constituer une bibliothèque pour le service de compilation et de traduction des Presses commerciales. Celle-ci fut créée dès 1905 et constituée par les bibliothèques de quelques grands lettrés décédés ainsi que par des livres anciens achetés à des antiquaires. On ignore si l’idée de reproduire les meilleures éditions et les congshu (collections) de cette bibliothèque date de cette époque ou bien si elle est née plus tard, lorsque les techniques de reproduction photo-mécaniques furent adaptées, dans les années 1910. La conjoncture devenait alors favorable pour engager une opération d’envergure, ce fut le Sibu congkan, vaste et riche collection qui connut trois séries dont la première, publiée entre 1919 et 1922, comprenait trois cent vingt-trois titres et deux mille cent fascicules. La photo-lithographie permettait ainsi de livrer au lecteur une édition d’un ouvrage, choisie pour ses qualités par Zhang Yuanji lui-même. Chaque page était photographiée, puis nettoyée et éventuellement corrigée après plusieurs vérifications.

WANG YUNWU, L’AUTODIDACTE

La personne qui devait remplacer Zhang Yuanji, d’abord au Service de compilation et de traduction en 1921, puis à la tête des Presses commerciales, Wang Yunwu, présentait un profil bien différent (fig. 4). Il est né dans un milieu de commerçants modestes, à Shanghai. Ses études sont courtes et leur caractère traditionnaliste semble déplaire au jeune Wang. À 13 ans, celui-ci travaille à la boutique de quincaillerie paternelle et s’inscrit à un cours du soir pour apprendre l’anglais. C’est la connaissance de cette langue qui détermine en partie son avenir. Peu après, il fréquente une école missionnaire, puis un institut dirigé par un Américain qui le fait bénéficier de sa bibliothèque personnelle. Wang Yunwu s’essaie à la lecture de Herbert Spencer (Principles of sociology, On education) et d’Adam Smith (The Wealth of nations), dont il peut comparer les textes avec les traductions en chinois qui viennent d’être publiées. Il se risque même à retraduire lui-même en chinois des extraits des Misérables de Victor Hugo (d’après une traduction anglaise ?).

À 19 ans, il est professeur d’anglais à la New China Academy (Zhongguo xin gongxue). Parmi ses élèves, Hu Shi (1891-1962) et Zhu Jingnong (1887-1951) : le premier allait devenir le héraut de la révolution linguistique et littéraire des années 1920, avant d’être professeur (1917-1927), doyen (1930-1937) et chancelier (1945-1949) de l’université de Pékin, ainsi qu’ambassadeur aux États-Unis (1938-1942) ; le second est un spécialiste de l’éducation, auteur de manuels scolaires et d’un gros dictionnaire de l’éducation, Jiaoyu da cidian (1930), puis vice-ministre de l’Éducation (1944-1945) et président des Presses commerciales en succédant à Wang Yunwu (1946-1948). Tout en assurant ses cours, Wang Yunwu se forme aux mathématiques et à la mécanique par correspondance. La révolution de 1911 correspond à son entrée en politique. Il participe au gouvernement provisoire de Nankin, puis assume des fonctions au ministère de l’Éducation sous la responsabilité de Cai Yuanpei. Membre du Guomindang, il enseigne l’anglais aux cadres du parti. Peu après, il travaille au Bureau national du pétrole, et devient, en 1916, commissaire spécial pour la prohibition de l’opium dans la province du Jiangsu. Plus tard, en Chine continentale, on devait le soupçonner, à tort ou à raison, d’avoir profité de ses fonctions pour s’enrichir10.

En 1920, Wang Yunwu se tourne vers l’édition, en participant à une de ces nouvelles maisons d’édition créées dans la tourmente qui suivit le Mouvement du 4 mai 1919, Gongmin shuju. En un an, une vingtaine d’ouvrages sont publiés, pour la plupart des traductions de l’anglais et du japonais, ainsi qu’un ouvrage allemand et un ouvrage français, respectivement les Fondements de la métaphysique des mœurs de Kant (1724-1804) et l’Histoire diplomatique de l’Europe depuis le Congrès de Berlin jusqu’à nos jours d’Antonin Debidour (1847- 1917). Dans l’ensemble, ce sont des livres liés à l’actualité et ou relevant des sciences sociales et économiques. On peut noter, parmi ceux-ci la Theory and practice of scientific management de Bertrand Thompson. Mais surtout, ce sont les Principles of social reconstruction et les Problems of philosophy de Bertrand Russell, alors en pleine célébrité en Chine, qui font remarquer Wang Yunwu. Le premier titre obtient un grand succès et est réimprimé trois fois en un an. C’est grâce à ce succès et aux liens qu’il a maintenus avec Hu Shi que Wang Yunwu est recruté aux Presses commerciales en 1921 comme responsable du service éditorial. Il y fait une bonne part de sa carrière, jusqu’en 1946, lorsqu’il est appelé à assumer les fonctions de ministre des Affaires économiques, puis de ministre des Finances, fonctions dans lesquelles il ne parvient pas à résoudre des problèmes monétaires cruciaux. Ayant démissionné, il crée une petite maison d’édition anti-communiste à Hong Kong et publie une revue, « Les hommes libres », Ziyou ren. Rejoignant ensuite Taiwan, il y accède à de hautes fonctions, dont celle de vice-président du Yuan exécutif entre 1960 et 1963.

MANAGEMENT ET ÉDITION

Mais revenons en 1919, période où les efforts de Zhang Yuanji ont été couronnés de succès, les Presses commerciales semblant assurées d’un développement régulier et harmonieux. Les événements viennent troubler ce développement à la suite du Mouvement du 4 mai 1919, exprimant la révolte des étudiants contre le Traité de Versailles, et du Mouvement de la Nouvelle Culture qui impose l’utilisation de la langue parlée en place de la langue écrite. Le foisonnement intellectuel se traduit par une mise en cause de structures héritées de la période impériale et les Presses commerciales subissent de plein fouet ces attaques, contre les manuels scolaires, les périodiques et même les choix littéraires.

Zhang Yuanji et son directeur du Service de compilation et de traduction, Gao Mengdan, sont amenés à réagir rapidement pour redéfinir la politique éditoriale. Gao entre en contact avec Hu Shi qu’il aimerait bien faire venir, mais celui-ci, alors vedette de la nouvelle intelligentsia, ne se laisse pas convaincre et recommande son ami Wang Yunwu. Le travail que ce dernier entreprend, sous la supervision de Zhang Yuanji, fait évoluer l’entreprise. Sur le plan éditorial, il se tourne vers les ouvrages documentaires plutôt que vers la littérature, qu’il laisse à de jeunes collaborateurs turbulents, membres de la Société des études littéraires. Ceux-ci tentent de rajeunir la revue Xiaoshuo yuebao, mais l’esprit contestataire de certains cause rapidement des difficultés. Par son expérience d’autodidacte, Wang Yunwu est enclin à favoriser l’étude personnelle et donc le recours aux dictionnaires de toutes sortes et aux ouvrages de référence. Il ne semble pas s’impliquer dans les querelles avant-gardistes, littéraires ou politiques. Il réorganise le Service de compilation et de traduction et en accroît considérablement l’importance, en faisant plus qu’en doubler le nombre des personnels. Malgré les divergences de vue entre la direction éditoriale et les jeunes loups de la littérature, qui amènent plusieurs futures grandes figures à quitter leurs fonctions, les Presses commerciales développent leur emprise sur le monde du livre chinois. Le fonds d’ouvrages acquis à l’initiative de Zhang Yuanji au sein de la bibliothèque Hanfen lou sert progressivement à alimenter la production. Celle-ci s’accroît rapidement en s’enrichissant de nombreux ouvrages de référence et de beaucoup d’ouvrages étrangers. Elle prend le nom de Bibliothèque orientale (Dongfang tushuguan) en 1926 et devient la plus importante bibliothèque de Chine, avec près de 500 000 volumes.

Wang Yunwu a une conception ambitieuse de publication de collections qu’il associe à la constitution de bibliothèques entières. Il s’inscrit de plein pied dans le Mouvement des Bibliothèques qui se traduit, sous l’influence américaine, par la fondation de bibliothèques publiques dans toute la Chine. Il met en route l’édition d’une douzaine de collections, généralistes ou spécialisées, capables d’alimenter ces nouvelles bibliothèques. À côté de la Miniature Encyclopaedia (Baike xiaocongshu) comprenant plus de quatre cents titres, et des Œuvres célèbres du monde entier (Hanyi shiji mingzhu) d’environ deux cents titres, Wang prévoit des collections consacrées à l’éducation, à la médecine, à l’agriculture, au commerce, etc. Il s’agit d’ouvrages contemporains ayant pour objectif de renouveler les savoirs. Cet essai d’envergure préfigure la mise en place d’une vaste collection qui doit comprendre dix mille volumes, Wanyou wenku (The Complete Library), dont deux mille auront été publiés en 1929. Par ailleurs, Wang Yunwu s’attaque non seulement à l’édition de textes, mais aussi au problème de la diffusion. Il développe d’abord le réseau de librairies des Presses commerciales dans les provinces, mais cherche également à faciliter le maniement des livres et leur lecture, par l’adaptation du système de classification décimal de Melvil Dewey aux ouvrages chinois, puis par l’introduction d’une méthode d’indexation plus aisée que le système des 214 clés. C’est l’invention du système « des 4 coins », système encore en usage à ce jour.

L’action éditoriale de Wang Yunwu est complétée par celle de Zhang Yuanji dans la reproduction d’ouvrages anciens, avec le Sibu congkan d’abord, puis divers congshu, ainsi qu’avec l’édition du Canon taoïque, Daozang, entre 1923 et 1926. Mais surtout, après le retrait de Zhang Yuanji en 1926, qui reste seulement membre du conseil d’administration des Presses commerciales, Wang Yunwu introduit des méthodes de vente nouvelles. Ainsi, la collection du Wanyou wenku est vendue dans son entier à prix bas grâce à des techniques d’impression qui en abaissent le coût ; la collection est accompagnée de dix volumes d’ouvrages de référence et de fiches de catalogues remplies pour faciliter le travail des bibliothécaires. L’ensemble est vendu par souscription et atteint un tirage de 6000 exemplaires. C’est la première application programmée de la production de masse au monde du livre chinois.

LE LIVRE COMME PROFIT

En 1929, pour des raisons mal connues, Wang Yunwu quitte les Presses commerciales pour un poste de chercheur à l’Academia sinica11. Le décès de Bao Xianchang, président-directeur général des Presses commerciales, en novembre 1929, est l’occasion de son retour au plus haut niveau. Avant de prendre ses fonctions, Wang Yunwu entreprend un voyage de six mois aux États-Unis, au Japon et en Europe. À son retour, il restructure les Presses commerciales et y applique des méthodes de fonctionnement et de gestion inspirées de celles en vigueur aux États-Unis, dans les grandes maisons d’éditions ou entreprises industrielles (MacMillan, Ford). Un service de recherche est créé, qui a pour objectif d’étudier les transformations nécessaires. Y travaillent des collaborateurs formés aux États-Unis ou en Europe et recrutés spécialement à cet effet. Wang introduit l’usage des statistiques et le calcul des objectifs. On définit des normes de production. Les tâches sont divisées, les gestes sont étudiés, les opérations standardisées pour améliorer le rendement. On étudie tout ce qui concourt à obtenir des gains de production : position des travailleurs, éclairage, aération, rotation des équipes pour l’utilisation des machines, octroi de primes de productivité, réduction des catégories de matériel, notamment des fontes typographiques, rationalisation du stockage, etc. La comptabilité analytique est introduite dans la gestion. Pour ce qui est de la vente, Wang améliore le système d’approvisionnement des succursales et des magasins de vente, recourt à la publicité, développe le système de souscription pour l’acquisition de collections entières, ainsi que celui de remises qui peuvent atteindre parfois jusqu’à 50 %. Il met en place des opérations de promotion, avec par exemple, un « livre de la semaine ».

La quasi-destruction de l’immeuble principal des Presses commerciales de Shanghai en 1932, à la suite d’un bombardement japonais, n’a pas des conséquences aussi importantes qu’on aurait pu croire sur l’entreprise. Dès l’année suivante, celle-ci a reconquis sa place de première maison d’édition en Chine et en 1934, elle double presque sa production qui n’est pas loin du triple de celle de 1929-1930. En 1935, elle croît de 50 % par rapport à 1934 et gagne encore 15 % en 1936, à la veille du début de la guerre sino-japonaise. La production des Presses commerciales représente alors, selon Wang Yunwu, 52 % de l’ensemble des maisons d’édition chinoises12. Sur le plan des contenus, Wang Yunwu, quoique moins impliqué dans le service d’édition, insuffle les grandes lignes éditoriales. Celles-ci sont axées sur les manuels scolaires, mais, dans ce domaine, la concurrence fait rage. Les Presses commerciales s’attaquent à tous les niveaux d’acquéreurs et de lecteurs, niveau généraliste ou « universel » avec le Wanyou wenku dont une deuxième série en deux mille fascicules paraît entre 1935 et 1937, niveau primaire avec la Children’s Library, Xiaoxuesheng wenku, et même pré-primaire avec la Nursery Series, Youtong wenku, aussi bien qu’universitaire avec le Daxue congshu (Collection universitaire).

Wang Yunwu s’est fait une spécialité dans la création de vastes ensembles programmés, des collections vendues à des collectivités ou des particuliers dont l’acquisition peut être étalée dans le temps, mais dont l’écoulement est pratiquement assuré. Le Sibu congkan, dont une première série de reproduction en fac-similé d’ouvrages anciens a été publiée, est complété par deux autres séries de cinq cents fascicules. Une sélection d’ouvrages tirés des exemplaires manuscrits du célèbre recueil Siku quanshu copié sous le règne de l’empereur Qianlong, entre 1772 et 1782 en 32 675 fascicules, est par ailleurs publiée en deux mille fascicules avec le soutien financier du ministère de l’Éducation, Siku quanshu zhenben. L’un des avantages de ces collections pour l’éditeur (à l’exception du Siku quanshu zhenben) est de pouvoir publier à plusieurs reprises le même titre dans des collections différentes ou séparément. Le mouvement de reproduction d’ouvrages anciens culmine avec la publication du Congshu jicheng, une collection de collections, qui reprend, sans autre changement qu’un reclassement, les titres d’une centaine de collections précédemment publiées par les Presses commerciales, tantôt en fac-similé, tantôt dans des versions modernes ponctuées. Toute cette activité de réédition et de réimpression contribue au succès. L’entreprise ne pâtit pas des mesures de plus en plus restrictives prises par le pouvoir du Guomindang à partir de 1927 pour contenir et interdir toute expression hostile à sa politique. Presqu’aucun ouvrage publié par les Presses commerciales n’est l’objet de la censure. Cette dynamique ne sera brisée que par l’entrée en guerre du Japon et par l’occupation de Shanghai par les troupes japonaises en 1937.

Ce succès des Presses est la conséquence de l’analyse que Wang Yunwu fait du marché du livre et du monde des lecteurs. Son obsession, telle qu’elle apparaît dans les textes qu’il écrit ou dans les discours qu’il prononce, est de faire lire et en même temps de vendre. Dans un discours qu’il adresse en novembre 1934 aux stagiaires d’une session préparant de futurs vendeurs des librairies des Presses commerciales dans les provinces, il explique que le livre est un produit commercial comme un autre, au même titre qu’un paquet de cigarettes, même s’il n’est pas que cela13. Il s’étonne que le goût de la lecture soit bien moindre en Chine qu’au Japon et en cherche les motifs :

Les raisons pour lesquelles les Chinois n’aiment pas lire sont nombreuses : premièrement, l’école n’éveille pas l’intérêt des élèves pour la lecture ; deuxièmement, la société ne valorise pas la lecture, ne valorise pas la compétence, d’où l’idée que la lecture est sans importance. On doit en outre blâmer notre maison d’édition de ne pas avoir employé des méthodes de combat pour forcer les gens à lire, de ne pas avoir employé des méthodes d’agression culturelle pour forcer les gens à acheter des livres. Les méthodes employées par les marchands de cigarettes sont agressives ; même si leur but exclusif est de réaliser un profit, leurs procédés sont efficaces, c’est pourquoi nous devons faire une publicité efficace et vendre… Il n’est pas sûr que l’acheteur d’un livre le lise réellement, puisqu’en moyenne, sur trois personnes qui achètent un livre, une seule le lit vraiment ; si cette personne revient une autre fois acheter des livres, nous pouvons encore faire un pas et vendre d’autres livres. Voyez le résultat des ventes de cigarettes : partout dans le pays, même dans les villages les plus retirés, les gens ont pris goût au tabac, ne pourrions-nous pas en faire autant ? Actuellement on entend souvent dire que le pouvoir d’achat des gens du peuple est faible et qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter des livres ; en réalité, c’est faux. Si l’on dit que le pouvoir d’achat est insuffisant pour les livres, comment se fait-il qu’il soit si élevé pour les cigarettes ?

Pour Wang Yunwu, qui semble se désespérer que le chiffre d’affaires cumulé par l’ensemble des entreprises chinoises d’édition ne dépasse pas le dixième de celui de la seule British-American Tobacco Company en Chine14, les lecteurs chinois appartiennent à deux catégories :

La première regroupe ceux qui lisent par obligation, auxquels on vend des manuels scolaires, les enseignants doivent enseigner et les élèves sont astreints à lire ; la seconde catégorie se compose de gens fortunés qui achètent des séries et s’en servent seulement pour la décoration sans les lire vraiment.

Ce constat fait que bien trop peu de gens lisent. Wang Yunwu aimerait que tout le monde lise et achète des livres qui sont des marchandises et, pour ce faire, il est nécessaire de former des vendeurs compétents :

Notre entreprise est une maison d’édition, nos marchandises, ce sont les livres. Il est nécessaire que beaucoup de gens lisent pour que notre commerce se développe et il est indispensable que nos collaborateurs lisent, dans l’espoir de faire lire tout le monde. Si nous-mêmes qui vivons du commerce du livre ne lisons pas, comment espérer que les autres lisent. Si les bouchers sont tous corpulents, à les voir tout le monde comprend qu’ils mangent de la viande. De même, ceux qui vendent des cigarettes prennent inévitablement la manie de fumer. Alors, les employés de librairie ne peuvent-ils pas prendre un peu la manie de lire ? Fumer est une mauvaise chose, mais lire est une occupation excellente. Nous devons donc souhaiter que dans la société les gens instruits soient nombreux à lire et il faut espérer qu’il en aille de même pour nos collaborateurs ; plus ils seront nombreux à lire, plus ils convertiront de gens à la lecture.

Wang Yunwu estime la lecture parce qu’elle participe de l’auto-perfectionnement et il suggère que le profit est donc partagé, profit pour l’acheteur-lecteur qui se cultive et s’élève, profit pour l’entreprise qui se développe et gagne de l’argent et tout en faisant une bonne action :

Si les affaires pouvaient progresser, la capacité de production pourrait être utilisée à plein, les prix de revient pourraient diminuer. L’entreprise ferait du profit. En outre, une partie au moins des livres vendus seraient lus par les acheteurs et, par conséquent, il serait possible de développer le goût des acheteurs pour la lecture, ce qui serait tout-à-fait méritoire.

On se rend compte, avec un tel discours, que les pratiques du commerce moderne, faisant appel au marketing et à la force de vente, s’appliquaient déjà au monde du livre en Chine dans les années 1930. Le livre était devenu pleinement une marchandise. La réponse à la question de la place du livre dans un monde de consommation semblait, au moins pour certains, pratiquement résolue.

1. Les Presses commerciales à leurs débuts.

2. Zhang Yuanji (1867-1959).

3. The Youths’ Magazine.

4. Wang Yunwu (1888-1980).

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1 Christopher A. Reed, Gutenberg in Shanghai : Chinese Print Capitalism, 1876-1937, Vancouver, Toronto, University of British Columbia Press, 2004.

2 Sur ce thème de l’« avance » ou du « retard » de la Chine, ou plutôt sur la réévaluation du monde chinois dans la perspective des théories du capitalisme et du développement sans apriori européocentriste, on peut se reporter à Timothy Brook and Gregory Blue, éd., China and Historical Capitalism : Genealogies of Sinological Knowledge, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.

3 L. Febvre et H. J. Martin, L’Apparition du livre, 3e éd., Paris, Albin Michel, 1999, p. 165.

4 Ibidem.

5 Voir J.-P. Drège, La « Commercial Press » de Shanghai, 1897-1949, Paris, Institut des hautes études chinoises, 1978 ; trad. chinoise Li Tongshi, Shanghai Shangwu yinshuguan, 1897-1949, Pékin, Shangwu yinshuguan, 1996.

6 Manying Ip, From Qing Reformer to Twentieth-century Publisher : The Life and Times of Zhang Yuanji, 1867-1959, Pékin, The Commercial Press, 1985 ; Yesong Manying, Cong Hanlin dao chubanjia : Zhang Yuanji de shengping yu shiye, Pékin, Shangwu yinshuguan, 1992. Sur Zhang Yuanji, voir aussi, Zhang Shunian, Zhang Yuanji nianpu [Biographie de Zhang Yuanji], Pékin, Shangwu yinshuguan, 1991 ; Wu Fang, Renzhi de shanshui : Zhang Yuanji zhuan [Paysages de bienveillance et sagesse : une biographie de Zhang Yuanji], Shanghai, Shanghai wenyi chubanshe, 1996 ; Wang Shaozeng, Jindai chubanjia Zhang Yuanji [Zhang Yuanji, un éditeur moderne], Pékin, Shangwu yinshuguan, 1995 ; Zhang Xueji, Chuban jubo : Zhang Yuanji zhuan [Un as de l’édition : biographie de Zhang Yuanji], Hangzhou, Zhejiang renmin chubanshe, 2003. Sur Wang Yunwu, outre ses propres textes, dont Xiulu bashi zishu [80 ans de la vie de Xiulu (nom personnel public de Wang Yunwu) par lui-même], Taipei, Taiwan Shangwu yinshuguan, 1967, voir Jean-Pierre Drège, Hua Chang-ming, La Révolution du livre dans le Chine moderne, Paris, Presses orientalistes de France, 1979 ; Guo Taifeng, Wang Yunwu ping zhuan [Biographie critique de Wang Yunwu], Shanghai, Shanghai shudian, 1999 ; Wang Jianhui, Wenhua de shangwu : Wang Yunwu zhuanti yanjiu [La commercialisation de la culture : étude critique de la vie de Wang Yunwu], Pékin, Shangwu yinshuguan, 2000. Voir également Wang Jiarong, Jindai chubanren de wenhua zhuiqiu : Zhang Yuanji, Lufei Kui, Wang Yunwu de wenhua gongxian [Les recherches culturelles des éditeurs modernes : contributions culturelles de Zhang Yuanji, Lufei Kui et Wang Yunwu], Nanning, Guangxi jiaoyu chubanshe, 2003.

7 Il semble bien que cette traduction, comme plusieurs des « grandes » traductions de l’époque, ait été autant basée sur la version traduite en japonais que sur l’original anglais.

8 À propos de cette mainmise japonaise sur l’imprimerie chinoise, voir Manying Ip, From Qing Reformer to Twentieth-century Publisher, ouvr. cit., pp. 119-128, qui se fonde sur les travaux de Saneto Keishu.

9 On peut penser que cette proximité relative de la direction des Presses commerciales avec le pouvoir politique ne fut pas pour rien dans leur mise à l’écart après 1949.

10 Voir Manying Ip, From Qing Reformer to Twentieth-century Publisher, ouvr. cit., p. 196, note 7, citant Hu Yuzhi et Zhang Xichen. On peut s’interroger sur la véracité des faits énoncés dans des allégations non exemptes d’arrière-pensées.

11 Certains avancent que la cause viendrait d’une résistance aux réformes engagées par Wang Yunwu.

12 Les chiffres donnés par Wang Yunwu sont parfois considérés comme surestimés au profit des Presses commerciales.

13 Les citations qui suivent sont extraites de ce discours, « Wang zongjingli dui diyijie yewu jiangxiban xueyuan xunci » [Directives données par le président-directeur général Wang aux stagiaires de la première session du cours de formation accélérée aux affaires], noté par Gu Junquan, dans Shangwu yinshuguan renshi guanli gaikuang [L’organisation du personnel aux Presses commerciales], [Shanghai, Shangwu yinshuguan, ] 1935, pp. 121-129. Ce discours a été en grande partie traduit en français dans Jean-Pierre Drège, Hua Chang-ming, La Révolution du livre dans la Chine moderne, ouvr. cit., pp. 84-94.

14 Il faut noter que ce n’est pas la seule comparaison de l’industrie du livre avec celle du tabac. La British-American Tobacco Company semble avoir toujours été « en avance » également dans le domaine technique, en disposant de machines perfectionnées, comme les presses à imprimer en quadrichromie acquises vers 1912, la presse à photogravure en couleur importée des Pays-Bas en 1925 et cédée aux Presses commerciales, et les machines offset qu’elle possédait dans les années 1930.