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L’invention de l’imprimerie et l’économie des langues en Europe au XVe siècle

Frédéric BARBIER

Directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’École pratique des hautes études

L’invention de la typographie en caractères mobiles par Gutenberg à Strasbourg et à Mayence dans les années 1450 ouvre en Europe ce qu’il est convenu d’appeler la « première révolution du livre » et manifeste l’entrée dans l’époque moderne1. Les deux phases principales de changement dans le système des médias surviendront, ensuite, dans le dernier tiers du XVIIIe et au XIXe siècle, avec la révolution industrielle et l’invention des médias de masse (notamment la presse périodique industrielle), et dans la seconde moitié du XXe siècle, avec l’essor des « nouveaux médias »2. Les sources aujourd’hui disponibles, au premier chef les bases de données bibliographiques sur le XVe siècle, permettent de tracer une image globale des phénomènes survenus à l’époque, alors même que la chose demeure beaucoup plus difficile pour les siècles qui suivent à cause tant de la masse croissante de la production imprimée que de l’incomplétude des recensements bibliographiques. Même si la périodisation traditionnelle de ceux-ci ne répond à aucun impératif scientifique, la structure des bases de données impose pratiquement de conserver le concept d’incunables comme représentant les titres publiés avant le 1er janvier 1501.

De 1452 à 1501, la production conservée représente 30 028 titres, mais sa répartition chronologique souligne l’importance de l’accélération, sensible surtout après 1470. A titre d’exemple, nous comptons 4 titres en 1457, mais 40 en 1467, 662 en 1477, 954 en 1487 et 1255 en 1497. Ces chiffres ne sont établis que sur la base des ouvrages effectivement conservés, et ils devraient donc être augmentés en proportion de la masse des titres disparus. D’autre part, la statistique ne prend en compte que les titres, indépendamment de l’ampleur effective des volumes : un simple placard, comme celui du Grand pardon de Notre-Dame de Reims vers 14823, ne saurait être comparé avec un titre en plusieurs volumes in folio, et, lorsque l’on en a les moyens, la pondération des chiffres de production en fonction des formats introduit des correctifs très importants dans la hiérarchie des villes d’édition – par exemple, à propos des places respectives de Paris et de Venise à la fin du XVe siècle. La question des chiffres de tirage reste pareillement ouverte. Soulignons cependant l’ampleur de la mutation apportée par la typographie en caractères mobiles : si nous adoptons par hypothèse un tirage moyen de 500 exemplaires par titre, les 30 000 titres publiés au XVe siècle correspondent à une masse de quinze millions d’exemplaires imprimés mis en circulation en une cinquantaine d’années. Même si la comparaison est impossible avec la production de manuscrits, dont la statistique rétrospective reste trop incertaine4, la rupture entre les deux systèmes ne peut en rien être sous-estimée : la société d’Europe occidentale est la première du monde à avoir été soumise aux effets d’une médiation de masse, lesquels deviennent patents dès les premières décennies du XVIe siècle.

Les conséquences de ces phénomènes ne s’exercent pas de manière égale dans toute l’Europe, mais elles entraînent l’apparition d’une géographie différenciée entre régions plus ou moins en avance. La géographie du nouveau média privilégie une zone centrale, qui correspond à la dorsale européenne joignant la Flandre à la Lombardie et incluant les pays d’Allemagne moyenne et méridionale. Selon que nous nous éloignons de celle-ci (on a pu désigner la vallée du Rhin au XVe siècle par la formule parlante de « paper valley »), nous pénétrons une géographie plus périphérique, dont les caractéristiques sont très différentes : la production imprimée y est plus faible et le rôle de l’importation de livres s’y trouve accru d’autant5. La péninsule ibérique, l’Angleterre (jusqu’au XVIIe siècle), voire une partie du royaume de France, la Scandinavie, les différents pays d’Europe centrale et orientale (Pologne, Bohême, Hongrie et Transylvanie6) et ceux des Slaves du Sud font partie de cet ensemble. De sorte de l’économie moderne des médias qui s’impose avec la typographie en caractères mobiles introduit dans le même temps les fondements d’une manière d’impérialisme communicationnel qui perdurera des siècles durant7.

L’irruption de la technique nouvelle aura pour effet de restructurer en profondeur toute la branche des activités liées au livre et d’accroître considérablement le rôle de l’économie : les conséquences en sont visibles tant du côté de la sociologie littéraire8 que pour ce qui concerne la statistique de la production et, notamment, la question des langues de publication. Les deux catégories déterminantes qui interviennent ici sont celle du marché, d’abord, celle de la concurrence, ensuite. On connaît la formule d’Henri-Jean Martin selon laquelle, avec l’imprimerie, le livre devient lui aussi une « marchandise »9, et la conjoncture de la production permet de mettre en évidence les phénomènes de saturation et de réorganisation du marché : la cartographie rétrospective montre comment, à la fin du XVe siècle, la production imprimée tend déjà à se concentrer dans les villes les plus importantes et aux mains des entrepreneurs les plus puissants. Dans le même temps, dès lors que le livre devient une marchandise, son contenu aussi est affecté d’une valeur marchande : la logique de la concurrence impose d’identif ier de nouveaux marchés potentiels, et conduit à la dynamique de l’« innovation de produit » (François Caron). Or, une des composantes de cette innovation réside précisément dans le choix de la langue de publication.

I-IMPRIMER EN LANGUE VULGAIRE

Le Moyen Âge occidental, depuis le IXe et surtout depuis le Xe siècle, est caractérisé par la coexistence de plusieurs langues comme langues écrites, même si bien évidemment le latin domine très largement et reste la langue écrite de référence – et même s’il conviendrait de distinguer précisément les documents archivistiques des livres manuscrits. Au IXe siècle, le latin n’est plus compris ni couramment utilisée en dehors de la minorité de ceux qui ont bénéficié d’une formation intellectuelle plus poussée. La population emploie dans la vie quotidienne la langue vulgaire, soit les langues romanes dans l’ancienne géographie de la domination romaine, soit les langues germaniques ou slaves là où ces peuples représentent la majorité des habitants. Dans le même temps, la langue vulgaire s’impose très progressivement comme langue écrite, notamment dans les régions de frontière : les Serments de Strasbourg datent de 842, et sont passés dans l’ancienne métropole du limes à la fois en langue germanique et en langue romane. La Cantilène de sainte Eulalie et le Ludwigslied sont copiés vers 870, sur les derniers feuillets d’un manuscrit latin des Sermons de Grégoire de Naziance, par un moine bénédictin de l’ancienne abbaye de Saint-Amand, aux frontières du Hainaut10. Albert le Grand, roi de Wessex († 899), fait traduire les classiques latins en langue vulgaire, tandis que sur les franges orientales de la chrétien, Cyrille et Méthode mettent au point un nouvel alphabet destiné à permettre la diffusion de leur traduction de la Bible en langue slave…

Six siècles plus tard, l’invention de la typographie en caractères mobiles dynamise le processus de multiplication des langues vulgaires en tant que langues écrites, et la bibliographie rétrospective donne au chercheur les moyens de mesurer plus précisément ce phénomène très important. La statistique montre, d’abord, combien largement la production en latin continue à dominer le marché, même si cette suprématie tend à s’affaisser peu à peu dans la seconde moitié du XVe siècle. Le temps de rupture est à placer quelque deux décennies après l’invention elle-même : en 1467, 97% des titres recensés sont publiés en latin, contre 74% en 1477, 72% en 1487 et 71% en 1497. Pour le XVe siècle, le point le plus bas de la courbe serait atteint en 1492, avec moins des deux tiers de la production (mesurée en nombre d’éditions) publiés en latin (65%). Cette proportion de deux tiers contre un tiers semble s’imposer dans les principaux pays producteurs au cours des premières décennies du XVIe siècle, mais l’incomplétude de la statistique ne permet pas de tirer de conclusions précises pour la période postérieure à 1500 – Febvre et Martin situent la proportion des livres publiés à Paris en français dans une fourchette allant de 5% (1501) à 55% (1575).

Tout naturellement, la conjoncture des langues vulgaires est à l’inverse de celle du latin. La plus importante langue vulgaire à être imprimée est naturellement l’allemand, avec 2342 titres connus pour le XVe siècle, soit environ 9% du total. Puis viennent l’italien (2151 titres, 8% de la production), et, avec un décrochement, le français (1259 titres, 5%). La rupture entre la troisième et la quatrième place est très sensible : le premier imprimé en flamand sort en 1465, mais la production dans cette langue ne devient régulière qu’à partir de 1474, avec un apogée dès 1470 (environ 5% de la production d’ensemble) : nous conservons 529 titres en flamand pour le XVe siècle, soit 2,2% de la production. La situation de l’espagnol est comparable (espagnol et catalan), avec 504 titres, de même que celle de l’anglais (230 titres). La production dans les autres langues européennes reste, en revanche, anecdotique au XVe siècle : 33 titres en tchèque, 14 en vieux-slave, 11 en portugais, 2 en suédois et un seul en breton, danois, frison et sarde. Un diagramme de Zipf établi pour les rangs des langues confirme cette répartition en trois groupes principaux (voir tableau no 1). On notera que le seul titre publié en danois est celui d’une chronique nationale, la Danske Rimkronike de 1495, dont les deux seuls exemplaires connus aujourd’hui, incomplets, sont conservés à Copenhague et à Stockholm11.

Tableau 1

Production imprimée en langue vulgaire au XVe siècle (nombre d’éditions)

GroupesLanguesRangsTitres%
1Allemand1234233,1
1Italien2215130,4
1Français3125917,8
2Flamand45297,5
2Espagnol55047,1
2Anglais62303,2
3Tchèque7330,47
3Vieux-slave8140,20
3Portugais9110,16
3Suédois1020,03
3Breton1110,01
3Danois1210,01
3Frison1310,01
3Sarde1410,01
Total7079100

Un certain nombre de langues, comme le hongrois et le polonais, ne prennent pas rang parmi les premières langues imprimées : le premier manuscrit en hongrois ne date que de 1448 (il s’agit d’un récit hagiographique sur saint François) et, après la défaite de Mohács et la destruction de la Hongrie historique (1526), on n’imprime en hongrois qu’à l’étranger, à Cracovie et à Vienne. En 1526 sort à Cracovie une édition de Donat en latin, mais avec une préface en hongrois, et en 1533 la traduction des Epistolae de Paul par Benedik Komjáthi. Le premier titre en hongrois publié à Vienne date de 1536 : il s’agit de la traduction du Nouveau Testament par Gábor Pesti12, puis viennent un Ésope en hongrois13 et un dictionnaire en six langues14. Le premier ouvrage en hongrois publié en Hongrie même est la traduction du Nouveau Testament par János Sylvester, imprimé à Ujsziget près de Sárvár en 1541.

II-LE MARCHÉ DES LANGUES

Les catégories qui poussent à la promotion des différentes langues vulgaires comme langues imprimées à partir de la seconde moitié du XVe siècle relèvent d’abord de l’économie. L’imprimerie est une branche d’activité hautement capitalistique, qui suppose des connaissances techniques et scientifiques très particulières (le now how) et dont les conditions de fonctionnement sont également spécifiques. Rien de surprenant à ce que les premiers ateliers commencent à travailler en suivant le modèle des grands ouvrages théologique et religieux qui avaient dominé l’économie du manuscrit, et à ce qu’ils adoptent pour ces titres une forme matérielle précisément décalquée de celle des manuscrits. Le projet des inventeurs ne peut être, logiquement, que de persuader le public traditionnel des manuscrits qu’il est possible de lui proposer les mêmes objets que ceux auxquels il est de longue date habitué, mais en nombre plus grand et à un coût inférieur. L’entreprise de ce qu’Henri-Jean Martin avait appelé le « premier grand livre européen », la Bible à 42 lignes de 1454-145515, répond exactement à ce programme. Et, après que Gutenberg ait quitté Mayence, l’atelier de Fust et Schoeffer (puis de Schoeffer seul) se spécialise dans la production des titres les plus usuels dont les savants de l’époque devaient pouvoir disposer dans chaque bibliothèque de quelque importance : le Psalterium de 145716, le Rationale de Guillaume Durand (1459)17, la Bible à 48 lignes (1462)18, les Lettres (Epistolae) de saint Jérôme (1470)19, le De Civitate Dei de saint Augustin (1473)20 et les grandes sommes juridiques – les Constitutiones de Clement V (1460), les Decretales de Grégoire IX (1473), les Institutiones de Justinien (1476), etc.

Ce type d’ouvrages suppose de disposer d’un outil de production bien équipé et de moyens financiers suffisants, mais il assure en retour une diffusion à peu près garantie pour des objets dont les prix de vente sont relativement élevés: le retour sur investissements en est accéléré et facilité. Il s’agit en l’occurrence de la grande librairie internationale, celle d’ailleurs que les exemplaires aujourd’hui conservés représentent le mieux. Considérons en effet la géographie des exemplaires sortis des presses de Mayence : l’essentiel du marché est dans la ville même, mais aussi dans les autres villes importantes d’Allemagne moyenne et dans les plus grandes villes de l’étranger. Nous conservons par exemple les Decretales de 147321 dans les bibliothèques d’Augsbourg, de Francfort-s/M., de Fribourg, de Heilbronn, de Karlsruhe, de Mayence et de Munich, de Nuremberg, de Passau, de Rothenburg, de Tübingen, de Wolfenbüttel et de Wurzbourg, mais aussi à Florence, Gênes et Rome, à La Haye, Copenhague et Prague (venant de la bibliothèque Roudnice), à Saint-Pétersbourg et à Stockholm, sans oublier, la Hongrie (Esztergom et Szombathely), la Grande-Bretagne et quelques bibliothèques nord-américaines. Cette géographie témoigne de ce que le marché était, pour ce type d’ouvrages, un marché international relativement sûr, pour une clientèle assez aisée : la production imprimée en latin répond en grande partie à ce modèle, et son pôle central d’activité sera, au XVIe siècle, celui des foires de Francfort.

Mais lorsque Fust et Schoeffer publient en langue vulgaire, le modèle éditorial est tout différent. Il s’agit d’abord de travaux de ville ou de commandes, de calendriers et d’almanachs – comme c’était le cas avec Gutenberg, par exemple avec le Türkenkalender de 145422 –, voire de petits imprimés à caractère politique. Dans une seconde phase, l’imprimeur-libraire publie le Jardin de santé (Gart der Gesundheit, 1485)23, la Maîtrise de cuisine (Küchenmeisterei, 1487)24 et la Chronique des Saxons (Chronecken der Sassen, 1492)25. L’essor de la langue vulgaire comme langue écrite et surtout comme langue imprimée est facilité par les travaux de ville, qui correspondent à une logique de la commande et non pas du marché à proprement parler, mais il s’articule aussi, et de plus en plus, avec la problématique de la concurrence entre professionnels. Le modèle économique classique explique que l’innovation, en matière éditoriale, ne se produit pas nécessairement dans les villes les plus importantes ni les plus puissantes, mais qu’elle est rendue nécessaire par l’obligation d’identifier de nouveaux domaines d’activité pour une branche dans laquelle le risque de saturation est bientôt sensible.

La première imprimerie de Bamberg, en 1459-1460, est celle de la célèbre Bible à 36 lignes, et le premier imprimeur nommément connu dans la ville est Albrecht Pfister, ancien scriptor de l’évêque. Lorsqu’il commence à travailler comme imprimeur, en 1461, Pfister donne des titres qui se différencient radicalement de ceux de la concurrence mayençaise : l’Edelstein d’Ulrich Boner est une série de contes en allemand, et le petit volume est en outre le premier que l’on connaisse à avoir été décoré de bois gravés26. Le seul exemplaire aujourd’hui conservé se trouve à la Bibliothèque de Wolfenbüttel, ce qui témoigne implicitement du caractère très spécifique du marché concerné par ce type de productions. Pfister donnera encore plusieurs éditions d’une Bible des pauvres (Biblia pauperum) illustrée27, l’Histoire de Joseph (Geschichte von Joseph)28, le Procès de Bélial (Prozeß Belial )29, outre le célèbre Laboureur de Bohême (Ackermann von Böhmen) de Johann von Tepl30 – tous titres publiés en allemand. La ville de Bamberg restera de fait un centre secondaire pour la production imprimée : nous connaissons seulement 14 titres imprimés à Bamberg avant 1481, dont 11 en allemand, soit une proportion de 79% (contre 13% à peine à Mayence pour la même période, et 22% à Nuremberg).

Même schéma en France, où Lyon est la seconde ville d’imprimerie après Paris. Le premier atelier y est établi par un négociant et patricien de la ville, Barthélemy Buyer, qui fait venir en 1473 au conf luent du Rhône et de la Saône un technicien originaire de Liège, en la personne de Guillaume Le Roy31. Le premier atelier lyonnais est une entreprise poursuivant des objectifs d’abord financiers, et son succès sera assuré par une politique éditoriale systématiquement novatrice : Buyer et Le Roy commencent avec le Compendium breve du cardinal Lothaire (Lotharius da Conti)32, mais ils ne tardent pas à élargir considérablement leur spectre d’activités et à viser un public complètement différent que le public traditionnel des clercs familiers du latin. Les voici en effet qui publient, en français, le petit livret des Merveilles du monde (vers 1473-1474)33, puis une adaptation de l’Ancien Testament (1474-1475)34 et le récit anonyme de Pierre de Provence et la belle Maguelonne (vers 1475)35. Suit, en 1476, un Nouveau Testament en français36 puis, en 1478, le Livre de Baudoin, comte de Flandre, et de Ferrant, fils du roi de Portugal37. Mais, comme à Bamberg, les Lyonnais innovent aussi en donnant le premier livre illustré publié en France, un livre en langue vulgaire, puisqu’il s’agit d’un Miroir de rédemption38. L’opuscule, très certainement à bon marché est imprimé en 1478 par un imprimeur venu de Bâle, Mathias Husz, et d’après le modèle bâlois du Spiegel des menschlichen Beständnißes.

Notre thèse pourra donc s’énoncer comme suit : la multiplication des langues vulgaires comme langues imprimées en Europe au XVe siècle peut fondamentalement être analysée comme une conséquence du développement de la concurrence dans la branche. Les imprimeurs et les villes d’imprimerie de second rang doivent impérativement trouver des marchés, ou mieux, des niches, qui leur permettent de maintenir et de développer leurs affaires. Le public n’est pas le même pour les titres en latin et pour ceux en langues vulgaires, une observation qui se trouve confirmée par l’étude de la mise en livre de ces différents textes, mais aussi par l’analyse de la géographie des exemplaires conservés. A échéance de quelques décennies après l’invention de Gutenberg, le professionnel, imprimeur ou libraire de fonds39 se trouve en effet devant un paradoxe inattendu. D’une part, le marché de l’imprimé paraît proche d’être rassasié, comme le montre l’exemple célèbre des imprimeurs romains de la décennie 1470 : Sweynheim et Pannartz se tournent vers le pape pour obtenir une aide financière, leurs éditions des classiques latins ne trouvant pas preneurs. Mais, dans une seconde phase, c’est la crise même qui provoque l’innovation : les possibilités d’expansion restent en effet largement ouvertes pour ce nouveau produit qu’est le livre imprimé, de sorte que, de toutes parts, imprimeurs et libraires entreprennent d’explorer de nouvelles voies pour leur activité. Dans les décennies 1470 et 1480, l’imprimé était resté conçu sur le modèle du manuscrit, quand, de plus en plus, on cherche à donner de nouveaux textes, à créer de nouveaux modèles de mise en livre, à mettre en place de nouvelles structures et de nouvelles procédures pour la fabrication comme pour la diffusion – toujours avec l’objectif d’identifier et de s’attacher un nouveau public de lecteurs. De sorte que l’on peut considérer à juste titre que, si l’imprimerie a effectivement été inventée dans la décennie 1450, le livre imprimé en tant que tel ne le sera qu’une vingtaine ou une trentaine d’années plus tard.

Dans ce processus de changement, la langue vulgaire occupe une place centrale. Les principales maisons d’imprimerie ou de librairie donnent un nombre croissant d’éditions en langue vulgaire que leur statut semble parfois rapprocher des titres en latin. Ainsi chez Peter Schoeffer, encore plus évidemment chez Anton Koberger, avec la superbe Bible allemande de 148340, ou chez Antoine Vérard, le libraire de la cour à Paris41. Les capitalistes, autrement dit les négociants et les libraires de fonds, ont alors pris l’initiative, comme le montre déjà l’exemple de la première édition de la Divina comedia de Dante : un ancien compagnon de l’atelier de Gutenberg à Mayence, Johann Neumeister, est appelé à Foligno par les frères De Orfinis, et c’est dans cette petite ville d’Ombrie qu’il donne, le 11 avril 1472, le classique de Dante en italien42. Les frères De Orfinis financent l’entreprise, ils choisissent probablement les titres à publier et s’occupent ensuite d’écouler les exemplaires. Même chose à Lyon avec Barthélemy Buyer, lequel dispose à Paris d’un correspondant pour gérer ses affaires et assurer la diffusion de sa production : sur 19 titres connus de Buyer, 15 sont donnés en français, soit une proportion de l’ordre de 80%.

L’essor de l’édition en langue vulgaire est, en définitive, une résultante de la recherche de marchés spécifiques, ouverts à l’innovation et permettant aux imprimeurs et aux libraires de poursuivre et de développer leurs activités à partir de 1470-1480.

III-GÉOGRAPHIE ET CONJONCTURE DES LANGUES IMPRIMÉES

L’innovation de contenu, et surtout l’essor rapide de la production imprimée dans les différentes langues vulgaires, se donne ainsi à comprendre comme une conséquence de la réorganisation en profondeur du marché du livre à la suite de l’invention de Gutenberg. Il reste à envisager comment, dans un second temps, le phénomène aboutit à une production imprimée toujours plus différenciée à travers l’Europe.

La distribution de la production imprimée est, toutes proportions gardées, analogue dans les trois principaux marchés européens du livre au cours de la seconde moitié du XVe siècle : en Italie comme en Allemagne et en France, les titres en latins représentent en effet quelque 70 à 80% de la production totale.

Tableau 2

Production imprimée en fonction des langues de publication, 1455-1500 (Nombre d’éditions). Source : Incunabula short titles catalogue (= ISTC ).

Ital.Alld.Fr.Flamd.TchèqueTotal
Langue vulgaire232123%238026%132127%53826%3387%6594,8925%
Latin et grec793077%662374%351673%153574%513%19612,1175%
Total102511009003100483710020731003810026207100

On sait combien, dès l’époque du manuscrit, on a copié de textes en langue allemande. Avec l’imprimé, les titres en allemand représentent environ 22% de la production en pays germanophone avant 1481, contre quelque 16% pour la langue vulgaire dans le cas de l’Italie comme de la France43. La cause principale de ce décalage réside d’abord dans le fait que l’Allemagne constitue évidemment la géographie d’origine de la technique nouvelle, avec des facteurs favorables que représentent une alphabétisation sans doute plus profonde et une densité urbaine supérieure. Par contrecoup, la concurrence entre les presses est plus sensible et plus précoce en Allemagne, et elle entraîne précisément une recherche active de l’innovation : cherchant à produire des imprimés à meilleur marché pour un public plus large que celui traditionnel des clercs, des ateliers comme ceux de Bamberg donnent tout naturellement une plus grande place à la production en langue vulgaire et innovent en combinant textes et gravures. La proportion des titres en langue vulgaire publiés avant 1481 est de quelque 20% dans les « anciens Pays-Bas », et le résultat est supérieur dans la région du Nord alors que le Sud, jusqu’au Hainaut, reste fidèle au latin.

La situation évolue très sensiblement à partir de la décennie 1480. En Allemagne, la production en langue vulgaire monte à quelque 28% du total, contre 25% en Italie. La conjoncture française est très spécifique, et le domaine du livre en français connaît un développement très rapide dans le royaume, jusqu’à dépasser les 30% dans les années 1486-1490. Une première explication du phénomène tient, sans doute, dans l’hyper-concentration de la branche à Paris et à Lyon, deux très grandes villes, où le public des laïcs occupe donc en proportion une position plus importante, et où la concurrence entre imprimeurs et libraires est très forte. Un examen plus précis montre que si, dans un premier temps (jusqu’en 1480), Lyon apparaît plus spécialisée dans la production en langue vulgaire, Paris monte ensuite très rapidement en puissance. C’est évidemment dans la capitale que se trouvent les meilleures chances permettant, à la fin du XVe siècle, de conduire avec succès une activité dans le secteur de l’imprimé, grâce à la disponibilité de capitaux à investir et du matériel indispensable, grâce aussi à la présence d’un public important et très diversifié – de la cour à l’homme du « commun ». A Paris, le libraire trouvera non seulement les textes susceptibles d’être édités et les spécialistes, auteurs, copistes et savants humanistes, pour ce faire, mais il disposera aussi des liaisons commerciales et financières les plus commodes avec les autres villes du royaume et avec les principales villes étrangères. L’essor des presses parisiennes est, indiscutablement, soutenu par la production en langue vulgaire, secteur dont l’activité est multipliée par cent entre avant et après 1480 (+ 10 000%). Bien entendu, la politique royale tendant à faire du français la langue de l’administration et de la culture favorise aussi le phénomène. En France comme en Angleterre, la langue vulgaire est adoptée très tôt pour les actes publics, un processus qui sera conforté par les grandes ordonnances prises au XVIe siècle, au premier rang desquelles celle de Villers-Cotterêts (1539).

Tableau 3

Titres publiés en français à Paris et à Lyon, 1455-1500 (Source : ISTC).

ParisLyon
Titresen français% françaisTitresen français% français
< 148120710061002,9%921004410047,8%
1481-1500229111076721120029,8%1128122629266425,9%

Mais c’est en Italie, à Florence, que le facteur politique joue avec le plus de vigueur. La cité des lys prend rang parmi les dix premiers centres européens d’édition au XVe siècle, mais la répartition des titres y est unique sur le continent : environ 78% des titres donnés à Florence le sont en italien, contre 20% pour le latin et le reste pour le grec. Cette spécificité peut s’expliquer par le lien étroit existant entre le prince (surtout la famille des Médicis) et les élites culturelles de la ville, et par le fait que la structure politique articule humanisme et modernité artistique, culturelle et politique.

Deux questions restent à examiner : d’une part, dans quelle mesure est-il possible d’articuler nature du texte et choix de la langue de publication (autrement dit, quels sont les textes que l’on publiera en langue vulgaire ?). Mais aussi : comment certaines langues européennes bien précises accèdent-elles au statut de langues de culture internationales, au point de se substituer, très progressivement, au latin dans ce domaine ? La recherche reste pratiquement toute à effectuer sur le premier point, alors même que le développement des banques de données informatiques permettrait de jeter les bases d’une statistique bibliographique rétrospective fiable et ouvrant à la comparaison. On peut bien évidemment considérer comme probable le fait que les publications en langue vulgaire présentent certaines caractéristiques matérielles bien spécifiques. Ainsi, pour le français, il s’agira notamment de livres de cour, dont les domaines privilégiés sont les romans ou, parfois, les traductions françaises de classiques de l’Antiquité, et dont Vérard, à Paris, s’est fait une spécialité. Mais nous rencontrerons aussi un modèle tout différent, en l’espèce de petits imprimés, parfois des feuilles volantes, destinés à diffuser auprès du plus grand nombre les nouvelles ou les informations pratiques jugées importantes : entrée du roi dans la capitale (par ex. L’Entrée du roi de France Louis XII à Paris le 2 juillet 149844) ou nouvelle de quelque événement extraordinaire45, ordonnances et textes réglementaires (ainsi des Ordonnances de la prévôté de Paris46), etc. Un troisième modèle est celui des manuels pratiques et des livres d’« histoires » destinés au public des bourgeois alphabétisés et qui disposent d’une certaine aisance financière mais sont peu familiers du latin. Mais seule l’analyse statistique permettra d’atteindre une connaissance précise et scientifiquement fondée de cette problématique.

La géographie des exemplaires conservés offre aussi une source pertinente pour apprécier le statut respectif des différentes langues les unes par rapport aux autres, et la manière dont, avec l’imprimerie, ce statut a pu évoluer – il s’agit, en quelque sorte, d’évaluer les possibilités de voyage qui sont celles des langues et des connaissances linguistiques. Le cas de l’italien est spécifique, comme en témoigne le fait que nous ne connaissons aucun exemplaire du Dante de Foligno dans les bibliothèques allemandes ni en Europe centrale. La grande majorité des exemplaires en est aujourd’hui toujours conservée dans la péninsule même, mais la dimension littéraire et bibliophilique exceptionnelle attachée à cette édition explique qu’on retrouve l’ouvrage à Paris (Bibliothèque Mazarine47) et à la Bibliothèque royale de Copenhague, ainsi que dans plusieurs bibliothèques anglaises ou nord-américaines. La recherche sur la diffusion des principales langues d’échange et sur les pratiques qui leur sont liées suppose ainsi, au départ, une critique précise des sources disponible. Il s’agit notamment de préciser la provenance des exemplaires conservés et, si possible, la date à laquelle ils sont entrés dans les collections où ils se trouvent, pour évaluer les conditions dans lesquelles leur étude pourra ou non donner une image fidèle de la situation du XVe siècle et du début du XVIe.

IV-LES MARCHÉS SECONDAIRES

Les marchés potentiels sont de tailles extrêmement variables dans l’Europe du XVe siècle, et les chiffres de production donnent déjà une idée de cette échelle de valeurs – avec par exemples plus de 10 000 titres imprimés en Italie au XVe siècle, contre 396 en Angleterre. La conséquence logique de ces distorsions tient dans le fait que la langue vulgaire occupera, proportionnellement, une place plus grande dans les marchés dont la production imprimée est la moins importante – le Portugal, la Bohême, l’Angleterre et l’Espagne. Dès lors en effet que nous nous éloignons de la dorsale rhénane et de la première géographie de diffusion de l’imprimerie, nous entrons de fait dans des espaces qui fonctionnent, peu ou prou, comme des marchés dominés : les imprimeurs et les libraires n’y ont pratiquement aucune possibilité de concurrencer les entreprises beaucoup plus puissantes actives en Allemagne, à Venise ou à Paris dans la grande librairie internationale en latin et qui produisent les Bibles, la patristique, les grandes collections juridiques, voire les ouvrages novateurs comme le célèbre Liber chronicarum (les Chroniques de Nuremberg) de 1493.

Tableau 4

Production d’éditions imprimés dans les différentes langues selon les géographies géo-politiques, 1481-1500. Source : ISTC.

ItalieAllemagneFrancePays-BasBohêmeTotal
Langue vulgaire188825%193228%125128%46427%2994%556427%
Latin, etc.567075%502272%315572%123273%26%1508173%
Total75581006954100440610016961003110020645100

A l’inverse, le marché des différentes langues vulgaires ne présente pas d’attraits pour les grand acteurs de la branche, à l’image d’un Anton Koberger à Nuremberg, dès lors qu’il met en jeu une géographie trop lointaine. Ainsi les Toulousains, qui ne sauraient concurrencer les grands ateliers de Paris ou de Lyon, publient-ils davantage en espagnol qu’en français, même si leur activité éditoriale en espagnol reste, finalement, marginale par rapport à l’ensemble de la production dans cette langue. En effet, les livres en espagnol proviennent massivement de la péninsule elle-même, (529 titres sur 549, soit 96% du total), tandis que le contrôle réel sur le marché espagnol est aux mains d’acteurs étrangers : on sait comment, au début du XVIe siècle, Hernando Colom se procure des livres à Venise, Lyon, Paris et Anvers, et dans les principaux centres des pays germanophones, et qu’il les fait venir à Séville par l’intermédiaire de négociants du Sud de la France (Montpellier, etc.). Ce sont des professionnels installés en Italie, à Lyon et à Anvers qui assurent la majeure partie des expéditions destinées au marché espagnol aux XVIe et XVIIe siècles.

Tableau 5

Titres en espagnol publiés au XVe siècle (espagnol et catalan). Source : ISTC.

Espagne48Toulouse
Latin45845%10983%
Espagnol54954%1713%
Français00%64%
Total1025100%132100%

L’exemple de la Hongrie serait lui aussi très intéressant à étudier dans cette perspective, notamment grâce aux travaux bibliographiques conduits à Szeged49, mais nous nous arrêterons plutôt au cas de l’Europe du Nord-Ouest, cette région très développée, située entre Cologne et la mer du Nord et qui, pour une partie, avait fourni l’ossature du « grand-duché d’Occident », entendons le duché de Bourgogne. La région joue en effet un rôle décisif dans le processus de transfert technologique vers l’Angleterre : le prototypographe anglais William Caxton a déjà produit des traductions pour la cour quand il commence à exercer comme imprimeur, dans les années 1473-1474, avant de venir à Westminster et plus tard à Londres. La répartition des titres publiés en Angleterre en fonction des langues est très significative : sur 396 titres, nous en comptons 214 en anglais (54%), 153 en latin (39%) et 29 en français (7%). Par ailleurs, 16 titres en anglais sont imprimés sur le continent, soit par Caxton lui-même à Bruges, soit par des ateliers d’Anvers, de Paris et de Rouen. Lorsqu’il travaille à Westminster, Caxton utilise aussi sa production en anglais comme élément de publicité : c’est lui qui finance l’inscription latine mise en place sur la tombe de Chaucer dans l’abbaye, à proximité immédiate de sa boutique. Peu après (1477), il donne une édition des Canterbury Tales50, puis, l’année suivante, la traduction en anglais par Chaucer du De consolatione philosophiae de Boèce51. Même s’il ne faut en rien négliger le rôle d’une bibliophilie puissante et précoce, il n’en reste pas moins très remarquable que pratiquement tous les exemplaires subsistant de ces éditions sont aujourd’hui dans des bibliothèques de Grande-Bretagne et des États-Unis – ainsi des Contes de Canterbury (Canterbury Tales), dont, en dehors du monde anglo-saxon, des fragments seuls se trouvent à Mayence, Munich et Uppsala.

Tableau 6

Répartition de la production livresque par langues en Grande-Bretagne et en Bohême (nombre d’éditions). Source : ISTC.

Grande-BretagneBohême
Latin15339%513%
Allemand0000
Français297%00
Anglais21454%00
Tchèque003387%
Total396100%38100%

La production imprimée au XVe siècle en Bohême est dix fois moindre que celle de Grande-Bretagne, mais la répartition des titres par langues y est aussi remarquable. La tradition de la culture livresque est très vivante dans le royaume de saint Venceslas, mais les guerres hussites ont une double conséquence : alors que le royaume est ruiné, la littérature tchèque est fondée, qui sera étroitement liée au livre et à la langue vulgaire, tous deux symboles très puissants d’identification. La première imprimerie travaille à Pilsen sous le roi utraquiste Georg von Podžrady (1458-1471), et elle donne, peut-être dès les années 1468, la traduction en tchèque de l’Historia destructionis Trojae (Chronika Trojanska) de Guido de Colonna52. Les presses sont en 1487 dans la capitale de Prague, avec Jonata de Vikohevo, et on imprime en outre dans deux autres villes du royaume, Winterberg (Vimperk) depuis 1484, et Kuttenberg (Kutná Hora) depuis 1489. Le premier imprimeur que l’on connaisse par son nom est un certain Johann Alakraw, très probablement un Allemand, qui travaille à Passau dès 1484, puis vient à Winterberg (trois titres publiés en 1484-1485), avant de disparaître. La production imprimée en Bohême au XVe siècle représente au total 38 titres, dont 33 en langue vulgaire (87%): ce pourcentage très élevé témoigne de ce que nous sommes face à un marché alphabétisé et disposant de moyens financiers non négligeables, mais quantitativement secondaire par rapport au marché allemand.

Le Nouveau Testament est imprimé en tchèque en 1475-1476 à Pilsen53, où une seconde édition est bientôt donnée (1476), et une troisième à Prague en 1488. Cette même année 1488, quatre bourgeois de Prague ( Johann Pytlik, Johann Severin, Johann von Störchen und Matthias vom Weissen Löwen) financent la création d’une imprimerie, laquelle donnera bientôt la première édition de la traduction tchèque de l’Écriture sainte : il s’agit de la célèbre Biblia Bohemica, dont tous les exemplaires aujourd’hui connus sont conservés dans la géographie entre Vienne, Odessa, Vilnius et Saint-Pétersbourg, et surtout en République tchèque, en Slovaquie et en Hongrie54. Nous avons déjà rencontré le cas à Lyon avec Buyer : le choix de la langue vulgaire correspond, à Prague, à une opération financière, ce qui n’exclut en rien, bien au contraire, l’existence d’une demande latente – d’une religiosité réelle – de la part du public. Martin de Tischniowa travaille à Kuttenberg à partir de 1488 et donne en 1489 la magnifique Bible de Kuttenberg, une Bible publiée en tchèque et avec des illustrations xylographiques55. Et, pour en terminer avec la Bohême, signalons encore la traduction en tchèque de la Peregrinatio in Terram sanctam de Bernhard von Breydenbach que Mikulás Bakalár imprime en 1498 à Pilsen et dont les deux seuls exemplaires connus sont aujourd’hui conservés à Prague56. Une partie non négligeable du lectorat tchèque est constituée de non-clercs, ce qui explique que certains livres d’Église, en latin et expressément destinés au royaume, soient produits dans des ateliers locaux : ainsi des Statuta provincialia de 147657, ou encore du Missale Pragense de 147958. Mais la majorité des ouvrages en latin utilisés en Bohême est importée d’Allemagne, voire d’Italie ou de France.

V-LES TRADUCTIONS

Dans la seconde moitié du XVe siècle, la géographie du livre imprimé est profondément marquée par l’existence d’une langue internationale de culture, le latin. Même si son rôle comme porteur exclusif de la modernité humaniste tend à s’affaisser petit à petit, les trois-quarts des titres sont toujours publiés en latin et la communauté intellectuelle du temps s’identifie dans toute l’Europe avec l’usage de cette langue. L’ambiguïté est réelle, d’une langue qui reste le sésame donnant accès à un certain nombre de postes dans l’Église, dans l’administration et dans l’enseignement, mais qui n’est réellement pratiquée que par une partie très minoritaire de la population.

La poussée de la demande et la montée des langues vulgaires comme langues imprimées posent dans le même temps avec vigueur la question de l’intégration possible des marchés. Dès 1477, Adam de Rottweil imprime à Venise le premier dictionnaire bilingue consacré à deux langues vivantes, en l’espèce du Vocabulario italiano-teutonico, et Caxton donne en 1480 à Londres un vocabulaire anglo-français. Mais la conséquence la plus importante de la montée des langues vulgaires et de l’organisation de différents marchés linguistiquement homogènes concerne les traductions, phénomène qu’une estimation très rapide à partir de l’ISTC permet de mesurer : 1102 traductions sont publiées au XVe siècle, soit environ 4,2% de la production d’ensemble. La conjoncture de cette production est elle-même assez particulière, puisque la proportion, de 5,02% jusqu’en 1480, tombe ensuite à 3,9%: une analyse plus précise permet de proposer des hypothèses d’explication, étant entendu que nous privilégions ici la problématique de la langue cible, celle que les catalogues permettent d’appréhender le plus directement.

Pratiquement la moitié environ des traductions (554 éditions) ont le latin comme langue cible – le plus souvent, des traductions à partir du grec. Ainsi, sur 72 éditions incunables des Fables d’Ésope, 70 représentent des traductions complètes ou partielles, dont 34 en latin. Un second modèle concerne des textes pour lesquels le libraire pense que la traduction en latin permettra d’élargir le lectorat potentiel : un excellent exemple en est donné par le Narrenschiff (la Nef des fous) de Sébastien Brant, dont la traduction en latin (sous le titre de Stultifera navis) est réalisée à l’initiative du libraire bâlois Johann Bergmann dès 1497, trois ans à peine après la première édition allemande. Bergmann et son traducteur Jakob Locher « l’Ami des muses » (Philomusus) expliquent en effet que, pratiquement, personne en Europe ne parle allemand en dehors des pays germanophones :

Hanc scribendi libertatem : praeceptor noster jucundissimus Sebastianus Brant jurium doctor poetaque haud ignobilis ad communem mortalium salutem lingua vernacula celebravit. Imitatus Dante Florentinum atque Franciscum Petrarcham heroicos vates qui hetrusca sua lingua mirifica contexuere poemata. Cum vero Narragonia seu Navis fatuorum (quam non inepte Satyram appellare possumus) omnibus gentibus per necesssaria sit opere pretium esse duxi ut eam in carmen vertere latinum quo exteris quoque nationibus (quibus nullum est lingue nostre commertium) prodesset. Sunt enim Galli, sunt Ausoni59, sunt Iberi, sunt Pannonici, sunt denique Greci, qui id genus dictaminis non caperata fronte lectitent…60

Mais l’autre moitié du corpus des traductions (548 éditions) concerne les différentes langues européennes modernes – et le cas d’Ésope en donne déjà l’illustration, avec ses 34 éditions latines, contre 36 dans les différentes langues vulgaires (allemand, français, f lamand, italien, anglais, espagnol et tchèque). Trois des éditions en allemand sont remarquables, parce qu’elles sont faites en dialecte : on imprime en effet à deux reprises à Magdebourg les Fables en basallemand, tandis que Johann Koelhoff der Ältere en donne une édition en « dialecte de Cologne » dans cette ville en 1489. Bien entendu, c’est ce modèle de la traduction vers les langues modernes qui constitue la partie la plus dynamique du marché, puisqu’il regroupe 41% des traductions avant 1481 contre 53% ensuite. Le Narrenschiff, d’abord traduit en latin, passera ensuite du latin au français (La Nef des fous) et à plusieurs autres langues vulgaires (le f lamand d’abord, l’anglais ensuite). Ce dernier exemple souligne aussi le caractère relatif du statut des différentes langues : le latin reste la langue centrale, à partir de laquelle (et non pas en l’occurrence de l’allemand) se fait la traduction de la Nef en français et en f lamand, puis en anglais. Ce n’est que dans un second temps que l’allemand s’imposera comme langue centrale dans une partie de la Mitteleuropa, tout comme le français plus à l’Ouest. Notons que, comme dans le cas d’Ésope, le Narrenschiff bénéficie d’une édition incunable en bas-allemand à Lubeck, et que Dietz, à Rostock, le donnera en dialecte bas-saxon en 151961. La traduction anglaise date, quant à elle, de 1509.

Tableau 7

Conjoncture des traductions imprimées au XVe siècle

Langues de traductionTotal
LatinAutres languesTrad.Production%
Avant 148117659%12141%29758695,06
1481-150038247%43053%812205673,95
Total5545511109264364,2

La conjoncture des différentes langues modernes est elle aussi très riche d’enseignements. Jusqu’en 1481, nous sommes dans une phase de suprématie de l’allemand (51 traductions éditées, sur un total de 121 pour les langues autres que le latin). Mais, dans les deux dernières décennies du XVe siècle, le paysage a changé en profondeur : si la proportion des traductions en allemand double (198%), le taux est bien supérieur pour l’italien (262%) et surtout pour le français (plus de 500%). À la fin du siècle, le français est devenu la première langue européenne de traduction, avec 112 éditions, contre 101 pour l’allemand et 97 pour l’italien. Le marché de l’espagnol connaît lui aussi un essor rapide, quoique plus tardif : aucune traduction en espagnol avant 1481 (mais 3 titres en catalan), contre 46 de 1481 à 1500 (et 21 titres traduits en catalan) : le total de 67 titres traduits en langue vulgaire (espagnol et catalan) représente pratiquement les deux-tiers du chiffre italien, ce qui donne une idée de la vigueur du mouvement. Enfin, il faut mentionner les 40 éditions de divers ouvrages traduits en anglais : ce secteur apparaît au total bien comme l’un des plus dynamiques dans le petit monde du livre en Europe autour de 1500, et, à côté du traditionnel marché allemand, la traduction en français et celle en espagnol connaissent une conjoncture particulièrement brillante.

Les contenus changent aussi d’une géographie à l’autre : si, en Italie, les classiques occupent une grande partie du marché, avec 69% des traductions réalisées en latin, les Allemands et les Français privilégient la langue vulgaire, dans une proportion elle-même de l’ordre de 60 à 66%. La situation reste plus contrastée aux Pays-Bas, région qui correspond à une géographie elle-même composite. En Allemagne, une ville comme Augsbourg s’impose comme centre de production plus particulièrement orienté vers la traduction, sans doute parce que les ateliers locaux trouvent dans cette sorte de niche le moyen de s’imposer notamment contre la puissante concurrence de Nuremberg : c’est à Augsbourg que sortent neuf éditions des Fables d’Ésope en allemand, et on sait comment Johann Schönsperger y donne en 1496 la traduction allemande du Liber chronicarum62, bientôt suivie par une contrefaçon du latin (1497)63 et, en 1500, par une seconde édition de la traduction allemande64.

Tableau 7

Géographie des traductions au XVe siècle : résultats en valeurs absolues et en pourcentages (Source : ISTC ).

PaysProd. impr.Traduction en
Totallatinalld.ital.fr.esp.f lamd.angl.
Italie1025146132001330000
Allemagne900325510315200000
France48371836000119400
Pays-Bas20736341008093
Pays% trad.Traduction en
Totallatinalld.ital.fr.esp.f lamd.angl.
Italie4,5100690290000
Allemagne2,8100406000000
France3,8100330065400
Pays-Bas31006500130145

La géographie des traductions répond donc d’abord à une logique économique, surtout lorsqu’il s’agit de marchés dont le relatif éloignement pose le problème des coûts du transport : les traductions d’Ésope en espagnol sont données à Saragosse et à Burgos, mais aussi à Toulouse, celles en anglais, à Westminster et à Londres, celles en flamand à Anvers et à Delft, et celles en tchèque, bien évidemment, à Prague. La clientèle est composée de personnes privées, ce qui est rendu manifeste par le très petit nombre des exemplaires aujourd’hui conservés et par leur large dispersion : le seul exemplaire connu de l’Ésope tchèque est, ainsi, signalé à Mexico…

La révolution actuelle de ce qu’il est convenu d’appeler les « nouveaux médias » déplace les usages et les représentations des différentes langues, ainsi que les rapports de forces qu’elles peuvent établir les unes avec les autres. Il n’y a pas de raison a priori de penser que la « révolution gutenbergienne » n’a pas eu d’effets comparables. L’essor des langues vulgaires comme langues d’impression, au XVe siècle, ne résulte pas d’abord d’un quelconque processus d’identité proto-nationale, mais apparaît bien plutôt comme le résultat de la mutation de la « librairie » en une activité d’ordre avant tout économique à la suite de l’irruption de la technique nouvelle de la typographie. Il est fondamentalement une conséquence de l’organisation progressive d’un nouveau marché du livre, et du développement de la concurrence. Cette problématique très importante reste pratiquement toute à explorer pour les périodes postérieures.

1 et 2. Boethius, De Consolatione philosophiae [français ; comm. Régnier de Saint-Trudon], Bruges, Colard Mansion, 1477 (Bibliothèque de Valenciennes).

1. Prologue du traducteur, où celui-ci mentionne la chute de la maison ducale de Bourgogne (ouōl an pluiseurs et diverses adversitez ont esté et aīcoires sont tant par les cōmotions populaires cōme pour la ruyne et variation de pluseurs nobles hōmes…). Noter l’emploi du caractère de bâtarde pour l’impression en langue vernaculaire.

2. Colophon, avec les excuses du traducteur, qui souhaite conserver l’anonymat (priant à tous q se moy qui pour ma // petitesse ne se ose nōmer ay aucunement devié en laditte translation, ou usé daucuns termes ou langaige non aorné comme la matiere le requiert, ou que bien faire se pourroit : quilz le me pardonnent et lamendent benignement sans me trop aigrement reprendre.)

3. Aurelius Augustinus, De Civitate Dei [français ; trad. Raoul de Preslles], Abbeville, Pierre Gérard et Jean Dupré, [1486-1487]. Prologue du translateur (Bibliothèque de Valenciennes).

4. Réédition augmentée d’un classique écrit d’abord en allemand : Sebastian Brant, Das Narrenschiff, Strasbourg, Johann Grüninger, 1497 (Bibliothèque de Metz).

5. Deuxième édition de la traduction latine du Narrenschiff : Sebastian Brant, Das Narrenschiff [latin ; trad. Jacobus Locher Philomusus], Basel, Johann Bergmann, 1497 (Bibliothèque du château de Chantilly).

____________

1 Frédéric Barbier, Histoire du livre, 2e éd., Paris, Armand Colin, 2006. Id., L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale, Paris, Librairie Belin, 2006.

2 Les Trois révolutions du livre: actes du colloque international de Lyon/Villeurbanne (1998), dir. Frédéric Barbier, Genève, Droz, 2001 (RFHL, 106-109, 2000). Les 3 [trois] révolutions du livre [Catalogue de l’exposition du Musée du CNAM], Paris, Imprimerie nationale, Musée des Arts et métiers, 2002.

3 Le Grand pardon de Notre-Dame de Reims, [Paris, Guy Marchant, avant le 17 octobre 1492], placard anopisthographe. BM Reims, Inc. 2 (voir : Paris, capitale, no 23).

4 Uwe Neddermeyer, Von der Handschrift zum gedruckten Buch : Schriftlichkeit und Leseinteresse im Mittelalter und in der frühen Neuzeit. Quantitative und qualitative Aspekte, Wiesbaden, Harrassowitz, 1998, 2 vol.

5 Philippe Nieto, « Géographie des impressions européennes du XVe siècle », dans Le Berceau du livre, pp. 125-174 (voir notamment la carte 8).

6 Christian Rother, Siebenbürgen und der Buchdruck im 16. Jahrhundert; mit einer Bibliographie «Siebenbürgen und der Buchdruck»; mit einer Geleitwort von P[eter] Vodosek, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2002 («Buchwissenschaftliche Beiträge aus dem Deutschen Bucharchiv München», 71).

7 Frédéric Barbier, « L’impérialisme communicationnel : le commerce culturel des nations autour de la Méditerranée aux époques moderne et contemporaine », postface de : Des Moulins à papier aux bibliothèques : le livre dans la France méridionale et l’Europe méditerranéenne (XVIe-XXe siècles), dir. Roland Andréani [et al.], Montpellier, Presses universitaires, 2003, 2 vol., II, pp. 675-704.

8 Frédéric Barbier, « Gutenberg et l’invention de l’auteur », dans Gut. Jb., 2008, pp. 107-125.

9 Lucien Febvre, Henri-Jean Martin, L’Apparition du livre, 3e éd., postface Frédéric Barbier (« Écrire L’Apparition du livre »), Paris, Albin Michel, 1999.

10 La Cantilène de sainte Eulalie [Actes du colloque de Valenciennes, 21 mars 1989], Valenciennes, Lille, Bibliothèque municipale, Acces, 1990 (et voir le site internet de la Bibliothèque : http://www.ville-valenciennes.fr/index.php?id=2293).

11 Danske Rimkronike, Københaven, Govert van Ghemen, 1495. H Add. 5936. Au contraire, la Chronique hongroise publiée en 1473 par Andreas Hess à Buda est rédigée en latin (HR 4994).

12 Gábor Pesti, Novum Testamentum seu quattuor evangeliorum volumina lingua Hungarica donata, Gabriele Pannonio Pesthino interprete. Wij Testamentum magijar nijeluen, Viennae Panoniae, 1536.

13 Aesopus, Aesopi Phrigis fabulae Gabriele Pannonio Pesthino interprete (Esopus fabulaij, mellijeket mastan wijonnan magijar nijelwre forditot Pesthij Gabriel), Viennae Pannoniae, Johann Singriener der Ältere, 1536.

14 Gábor Pesti, Nomenclatura sex linguarum Latinae, Italicae, Gallicae, Bohemicae, Hungaricae & Germanicae (…) per Gabrielem Panoniu Pesthinum. Vocabular Sechserlay sprachen, Latein, Welsch, Frantzösisch, Behemisch, Hungarisch und Teiitsch. Fleissig Corrigiert und gepessert, Wien, Hans Singriener 1538.

15 H 3031*. Goff B 52.

16 H 13479. Goff P 1036.

17 HR 6471. Goff D 403.

18 HC 3050*. Goff B 529.

19 H 8553* (a) et 8554* (b). Goff H 165.

20 HC 2057*. Goff A 1240.

21 HC 7999*. Goff G 447.

22 H 10741*.

23 H 8948*. Goff G 97.

24 H[↑C] 9798*. Goff K 40.

25 HC 4990*. Goff C 488.

26 H 3578.

27 H 3176. H 3177. Pell. 2387.

28 H 8749.

29 C 5785.

30 Vers 1463 : H 73. Goff A 39. Vers 1470-1475 : H 74.

31 « Lyon et les livres », dir. Dominique Varry, dans HCL, 2, 2006 (avec bibliographie complémentaire).

32 H 10215.

33 C 3626, et surtout Pierre Aquilon, « La Bible abrégée », dans RFHL, 1972, p. 152. D’après l’ISTC, deux exemplaires seulement sont conservés, à Paris et à Copenhague.

34 Goff Suppl. B 648a. Biblia : Vetus Testamentum [Français] Ancien Testament partiel, [Lyon, Guillaume Le Roy, vers 1473-1475], 2°. Trois exemplaires connus, à Carpentras, New York (PML) et Vienne.

35 C 3762.

36 H[↑C] 3144 (II et III). Goff B 651.

37 HC 3709.

38 C 5582 = H 31477 ? Goff S 661.

39 Frédéric Barbier, « Habermas et l’éditeur, ou Qu’est-ce que la médiatisation ? », dans Buch-Kulturen. Festschrift für Reinhard Wittmann, dir. Monika Estermann, Ernst Fischer et Ute Schneider, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2005, pp. 37-57.

40 H 3137*. Goff B 632. Frédéric Barbier, La Bible allemande de 1483, Paris, Imprimerie de l’Indre, 1996.

41 John Macfarlane, Antoine Vérard, London, 1900.

42 H 5938 (Var.), C 1879 (Var.). Goff D 22.

43 Rappelons que la statistique de l’ISTC n’est pas établie en suivant les frontières de la géographie politique actuelle : Strasbourg est une ville allemande, les Pays-Bas (Low countries) intègrent la géographie des Pays-Bas actuels, mais aussi de la Belgique et du Hainaut (avec Valenciennes). Pour l’ISTC, Bâle et Beromünster sont des villes allemandes, et Chambéry, Genève et Sion des villes françaises.

44 Paris, Pierre Le Caron, 1498 : Paris, capitale, no 32.

45 Jean-Pierre Seguin, L’Information en France, de Louis XII à Henri II, Genève, Librairie Droz, 1961.

46 Ordonnances de la prévôté, Paris, [s.n.], 1500/1501. Paris, capitale, no 28 a et b.

47 L’exemplaire vient peut-être de la bibliothèque des rois aragonais de Naples, mais est catalogué à la Bibliothèque royale dès 1668 (Hillard, 705).

48 Avec Perpignan.

49 István Monok, « Deux siècles de culture de la lecture dans le bassin des Carpathes (1526-1730) », dans Le Berceau du livre, pp. 297-316, ill.

50 Geoffrey Chaucer, The Canterbury Tales, [Westminster, William Caxton, circa 1476-1477]. HC 4921. Goff C 431.

51 Boetius, De consolatione philosophiae, [Westminster], William Caxton, [circa 1478]. HC 3399. Goff B 813.

52 H 5527.

53 Biblia. Novum Testamentum [tchèque], [Pilsen, atelier des Statuta synodalia, circa 1475-1476].

54 Biblia [tchèque], Prague, [ateliers de la Biblia de 1488], 1488. HC 3161. Goff B 620. En Hongrie, il s’agit de la Bibliothèque nationale et de la Bibliothèque de Szombathely.

55 Biblia [tchèque], Kuttenberg, Martin von Tischnowa, 1489. HC 3162. Goff B 621. Aucun exemplaire n’en est aujourd’hui conservé ni en France, ni en Allemagne.

56 Bernhard v. Breydenbach, Peregrinatio in Terram sanctam [tchèque], Pilsen, Mikulás Bakalár, 1498.

57 Statuta pragensia synodalia, Pilsen, [impr. des Statuta pragensia synodalia], 1476. H 6671. Goff S 751.

58 Missale Pragense…, [Pilsen, atelier des Statuta pragensia synodalia], 1479. HCR 11352. Goff M 684.

59 Les Italiens.

60 Première édition allemande du Narrenschiff, Bâle, 1494 : H 3736*. Goff B 1080. Première traduction latine : HC 3746= [pas H]C[Add] 3747. Goff B 1086.

Voir le site: http://www.ihmc.ens.fr/Document/InstrumentDeTravail.php (onglet « Nef des fous »).

61 On connaît aujourd’hui trois exemplaires subsistant en Allemagne (Rostock, Schweinfurt et Wolfenbüttel), outre un exemplaire à Washington (Bibliothèque du Congrès. Les deux exemplaires de Berlin (Staatsbibliothek Preussischer Kulturbesitz) et de Dresde ont disparu pendant la Seconde Guerre mondiale (sur l’exemplaire de Dresde, ancienne cote Lit. Germ. rec. D-13, voir Karl Falkenstein, Beschreibung der königlichen öffentlichen Bibliothek zu Dresden, Dresden, 1839, p. 775).

62 Hartmann Schedel, Liber chronicarum [allemand], Augsburg, Johann Schönsperger, 1496. H 14511*. Goff S 310.

63 HCR 14509. Goff S 308.

64 HC 14512*. Goff S 311.