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Un siècle de publication de la Bible en Europe : la langue des éditions des Textes sacrés (1455-1555)

Max ENGAMMARE

Directeur des Éditions Droz et chercheur FNRS associé à l’Institut d’Histoire de la Réformation de l’Université de Genève

En tout cas, dans notre cité, toute limitée qu’elle est, c’est en latin, en grec, en hébreu, en allemand, en italien, en français, en anglais et dans certaines autres langues qu’on lit, à la gloire de Dieu, les Saintes Écritures, qu’on en acquiert la connaissance, qu’on les célèbre1.

Un siècle exactement après la publication de la Bible de Gutenberg, Conrad Gesner évoquait sa ville natale dans la dédicace de son traité sur la différence des langues, le Mithridates de 1555. Zurich pouvait se prévaloir d’une lecture de la Bible dans les langues originales, dans la traduction portée par le nom de Jérôme, ainsi que dans les principales langues vernaculaires européennes, ayant accueilli des réfugiés italiens et anglais. Christoph Froschauer l’Ancien, le grand imprimeur zurichois, avait lui-même publié de nombreuses éditions de la Bible en dialecte suisse-allemand, ainsi qu’en latin2. 1555 apparaît aussi comme une date clé dans l’historiographie biblique, puisque Sébastien Castellion fait alors paraître à Bâle sa version française de la Bible, unique et éphémère phénix dans le ciel chargé des éditions de la Bible en français durant le premier siècle de l’imprimerie. La Bible était alors au centre des conf lits religieux qui ébranlèrent le XVIe siècle européen, le livre le plus édité, quelle qu’en soit la langue, tant les éditions en langues vernaculaires se multiplièrent. Jaroslav Pelikan a eu raison d’intituler le catalogue d’une exposition à Yale, à la fin du XXe siècle, The Reformation of the Bible, the Bible of the Reformation, tant les deux aspects sont étroitement imbriqués3.

Jamais avant les deux décennies 1522-1541, que l’on peut qualifier de vingt glorieuses pour toute l’histoire de la Bible, autant de traductions en langues vernaculaires n’avaient paru. À la source de cette vague, on trouve évidemment Martin Luther. C’est d’abord, en allemand, la parution du Nouveau Testament de 1522 (Septembertestament, puis réédition revue en décembre), avant diverses traductions partielles jusqu’à la Bible de 1534, ainsi que la version zurichoise de Zwingli en 1531, mais également les versions catholiques s’inspirant largement du travail de Luther : le Nouveau Testament d’Emser en 1527, avant les traductions de la Bible de Johann Dietenberger en 1534 et de Johann Eck en 1537. En néerlandais (provinces du nord) et f lamand (provinces du sud), c’est en 1523 que paraît, à Anvers, le Nouveau Testament, chez Adriaen van Berghen4, avant une Bible complète chez Jacob van Liesvelt, toujours à Anvers, en 1526, et une autre chez Willem Vorsterman en 15285, en tout quatre-vingts éditions de la Bible entre 1522 et 1545. En anglais, c’est en 1525 et 1526 que sort sur le continent la traduction anglaise du Nouveau Testament de William Tyndale, avant la traduction de la Bible entière de Myles Coverdale (1535), puis la Matthew Bible (1537), la Great Bible de 1539, la même année que la traduction indépendante de Taverner. En italien, c’est Antonio Brucioli qui traduit le Nouveau Testament (1530), avant la Bible complète (1532). Jacques Lefèvre d’Etaples, pour aborder le champ français, publie sa traduction du Nouveau Testament en 1523, à Paris, puis à Anvers l’Ancien Testament en 1528, avant la Bible complète en 1530 (légère révision en 1534), suivi de peu par Pierre Robert dit Olivétan, dont la traduction complète faite sur l’hébreu et le grec paraît à Neuchâtel en 1535 avant de rapides révisions partielles en 1536 et 1537 publiés à Genève.

On doit ajouter la traduction du Nouveau Testament en danois en 1524 à Leipzig, faite sur le latin d’Érasme6, puis celle de Christiern Pedersen faite sur le grec (Anvers, 15297) ; le Nouveau Testament en hongrois, protestant lui aussi, traduit depuis le grec par János Erdösi (Silvester) parut en 1541 (Sárvär), la Bible complète en 15908. En 1540 avait paru la première traduction du Nouveau Testament en islandais grâce au travail d’Oddur Gottskáalksson, fils de l’évêque de Hólar, qui se convertit en Allemagne et entra en contact avec Luther et Melanchthon9 ; la Bible complète attendit 158410. Cette énumération se prolonge jusqu’à la Bible de Gustav Vasa, la Bible de Vasa, le roi de Suède, qui parut à Upsala en 1540-154111. Il est bien connu que cette dernière traduction suit la version allemande de Luther. Dès 1525, le roi avait chargé les prélats suédois de préparer une traduction de la Bible et, l’année suivante, paraissait un Nya Testamentet fait sur la version de Luther de 1522 et sur la troisième édition du Novum Testamentum d’Érasme12. C’est en 1548 que le Nouveau Testament en finnois parut à Stockholm, mais il fallut attendre presqu’un siècle pour que la Bible complète sortît de presses suédoises13. La première édition du Nouveau Testament en polonais, protestante, parut en 155314, alors que la traduction slovène du Nouveau Testament s’étala sur plus de vingt ans, de 1555 à 157715. Le Nouveau Testament en serbo-croate, également protestant, parut à Urach (Tübingen sur la page de titre) en 1562-1563, traduit par Antun Dalmatin et Stipan Konzul Istrianin16. Il fallut attendre 1580 et 1581 pour voir paraître le Nouveau Testament, puis la Bible complète en vieux slavon17, et le XIXe siècle pour le cyrillique. En bohémien, en revanche, il y eut une impression du Nouveau Testament dès 1474, ici encore faite sur le latin18, avant la Bible complète en 148819. Cette traduction revue parut à Venise, chez Peter Lichtenstein en 150620, orné de jolies petites gravures sur bois reprenant les thèmes des gravures illustrant les bibles en italien depuis 1490.

C’est encore un Protestant, Francisco de Enzinas (Dryander), qui donna la première traduction du Nouveau Testament en espagnol, El Nuovo Testamento de nuestro Redemptor y Salvador Iesu Christo, à Anvers en 154321, avant la traduction complète de Casiodoro de Reina, à Bâle chez Thomas Gwarin, en 156922. Enfin, car on l’oublie trop souvent, c’est un calviniste, Jean Leiçarrague, qui traduisit le premier le Nouveau Testament en basque, selon la volonté de Jeanne d’Albret. L’ouvrage parut chez Pierre Hautin, à La Rochelle, en 157123. Jean Leiçarrague s’était appuyé sur la version française genevoise avec, semble-t-il, un regard sur le grec. On peut immédiatement remarquer que les traductions bibliques nouvelles commencent presque toujours par le Nouveau Testament (Luther, Tyndale, Lefèvre d’Etaples, Brucioli, Enzinas, jusqu’aux nouveaux testaments en néerlandais, danois, suédois ou polonais). Les villes allemandes luthériennes avec les terres protestantes et les scènes ouvertes et critiques de la vie intellectuelle et religieuse que furent, essentiellement dans la première moitié du XVIe siècle, Anvers, Venise et Bâle, sont alors les lieux principaux de l’édition biblique en langue vernaculaire.

Avant de la détailler et de la problématiser, on peut s’aventurer à estimer la production européenne de la Bible, complète ou seulement de l’un des Testaments, au XVIe siècle. Prudent, l’Index aureliensis, dans la treizième livraison de sa Prima pars, avait renvoyé l’entrée « Biblia sancta » à une Altera pars qui risque de se faire attendre longtemps !24 J’estime toutefois la production de bibles à un chiffre compris entre 3800 et 4300 éditions différentes (en comptant les émissions et les réémissions) : environ 40 éditions hébraïques, 200 grecques et entre 1500 et 2000 latines. La plupart des éditeurs de bibles en langue vernaculaire éditaient aussi des bibles en latin : d’innombrables éditions de la traduction dite de Jérôme, ainsi que les éditions revues d’Osiander, Pagnini, Estienne, Pellikan, Münster, da Chiari, Jud, Henten, Castellion, Bèze, Tremellius et Junius, Sixtoclémentine, etc. C’est dire qu’on ne peut répéter trop souvent le chiffre de cinquante-huit éditions de la Bible en latin qui auraient été données de 1521 à 1570 chez des éditeurs et imprimeurs protestants25, chiffre minimaliste.

Catholiques et protestants se retrouvent dans l’usage pérenne du latin pour traduire et éditer la Bible : Sante Pagnini, Benito Arias Montano ou Jean Benoît font bon ménage, chez les éditeurs commerciaux, les libraires disait-on alors, avec Sebastian Münster, Leo Jud et les Zurichois, Théodore de Bèze, Emmanuel Tremelius et François Du Jon (Junius), sans oublier le génial Sébastien Castellion. Ainsi, le calviniste Robert Estienne republie-t-il la traduction latine du dominicain Sante Pagnini à Genève en 1557. Pour cette raison, le latin biblique n’est pas tant la partie affligeante de « l’empire d’un signe » que le signe bénéfique d’une république, la république des Lettres: Jacques-Auguste de Thou correspondant avec Isaac Casaubon, ou Joseph Juste Scaliger avec Juste Lipse.

On trouve encore 700 bibles allemandes, 230 anglaises, environ 300 néerlandaises et flamandes ; 540 bibles françaises, 80 italiennes, enfin environ 200 éditions en d’autres langues : danois, espagnol, finois, hongrois, polonais, russe, serbo-croate, suédois, tchèque, etc., les éditions étant bien moins nombreuses pour chacune de ces langues. Entre les 180 à 200 exemplaires de la Bible de Gutenberg et les 10 000 exemplaires en trois formats de la bible des Professeurs et Pasteurs de Genève en 158826, nous savons que le titrage moyen variait entre 1000 et 1300 exemplaires. C’est dire, que nous pouvons estimer le nombre total de bibles qui furent imprimées au XVIe siècle à plus de quatre millions. L’histoire des bibles éclaire de manière massive l’histoire de la Bible.

I-LATIN, HÉBREU, GREC

1) In typographio principio fuit Biblia Latina

C’est en effet la version latine commune des Saintes Écritures dans une composition à quarante-deux lignes la page que publia Johann Gutenberg à Mayence au milieu des années 1450 (1454 et 1455)27. On ne peut aborder la question de l’édition de la Bible en langue vernaculaire, sans en passer par les trois langues sacrées : l’hébreu, le grec et le latin. La forme trilingue du Titulus crucis en Jean 19, 19, en hébreu, grec et latin, avait en effet permis à ce dernier d’être considéré comme langue sacrée, puisque sur la croix était également écrit « Iesus Nazarenus Rex Iudæorum » (acronyme INRI) ; le texte original de la Bible comprenant ainsi du latin, si tant soit peu, si peu que rien !

L’imprimerie à caractères mobiles exulta en terre germanique28 : après Mayence, Bamberg, puis Strasbourg publièrent également la Bible en latin, avant Nuremberg et Bâle au cours de la décennie suivante. Au début des années 1470, Giovanni Andrea Bussi, pour son édition romaine chez Konrad Sweynheym et Arnold Pannartz29, ajouta la lettre d’Aristée sur les Septante interprètes, ainsi que les Interpretationes Hebraicorum nominum, instrument médiéval bien connu traduisant les noms hébreux bibliques30. A Paris, on ne trouve qu’une édition de la Bible en latin au XVe siècle, celle imprimée par Ulrich Gering, l’un des acteurs de la première officine parisienne de la Sorbonne, en 1476-147731. Jusqu’en 1491 et à la Biblia integra, summata, distincta, superemendata, utriusque testamenti concordantiis illustrata que Johann Froben publia dans un format in-octavo32, toute la production de la Bible latine fut réalisée sur des in-folio plus ou moins grands. Concision et précision, mention d’une mise à disposition d’un texte corrigé de la Bible, Froben sut immédiatement vanter et vendre son travail. Nikolaus Kessler, lui aussi à Bâle, la même année, se contenta d’un titre sec pour un in-folio : Biblia33. Sa production sera moins florissante et pérenne que celle de Froben !

Il fallut attendre plus d’un demi-siècle, 1511 à Venise chez Lucantonio Giunta34, pour voir le texte latin de la Bible légèrement amendé. On ne peut pas en vouloir à l’éditeur dominicain Alberto da Castello de ne pas avoir regardé un manuscrit grec du Nouveau Testament, publiant avant Érasme et la Polyglotte d’Alcalà. Ainsi le Comma Joanneum de 1 Jean 5, 7, interpolation célèbre d’une mention de la Trinité, est-il bien présent, comme il le sera souvent au XVIe siècle : « Quoniam tres sunt qui testimonium dant in celo : pater, verbum, et spiritussanctus : et hi tres unum sunt »35. Les variantes qu’Alberto de Castello offre sont d’une autre nature : elles relèvent d’un correctorium qui cherche à amender les fautes de copie déposées pendant des siècles dans le texte latin par des scribes parfois inattentifs. Il n’en demeure pas moins que l’édition vénitienne de 1511 marque la naissance de la critique moderne du texte biblique36 et que la diffusion de ce premier texte bien sagement et légèrement révisé revient à des imprimeurs lyonnais (au premier chef, Jacques Sacon) et au grand libraire allemand Anton Koberger, de Nuremberg. Avec Alberto da Castello on garde la trace d’un texte différent, ce que les éditions précédentes n’avaient pas fait, quand bien même un éditeur avait corrigé un mot ou une expression. Ce ne sont encore que de petites corrections, mais elles ouvrent la porte aux corrections importantes qui vont apparaître dans les décennies suivantes.

Après Alberto de Castello, d’autres érudits amendèrent le texte de façon plus significative et produisirent de nouvelles traductions, que ce soit Andreas Osiander, à Nuremberg en 1522, en corrigeant le latin sur l’hébreu, mais, précisait-il dans sa préface, en n’allant pas aussi loin qu’Érasme qui a donné une version nouvelle37, ou Johann Petreius, lui aussi à Nuremberg, qui s’en inspira en 152738. En 1526, à Bâle, Andreas Cratander proposa une version latine corrigée sur le grec de la Septante39. L’année suivante, mais à Cologne, Peter Quentel publia également une bible latine qui précisait dans son long titre : Biblia sacra utriusque testamenti, iuxta Hebraicam et Græcam veritatem, vetustissimorumque ac emendatissimorum codicum fidem diligentissime recognita40. Il faudrait toutefois ouvrir toutes ces bibles pour voir dans quelle mesure les titres programmatiques ont bien été mis en œuvre, et les textes collationnés avec soin et constance.

À cette première vague critique latine, il faut associer les éditeurs de psautiers latins, tels Jacques Lefèvre d’Étaples et son Quincuplex Psalterium, à Paris en 1509, puis 1513, ou de psautiers polyglottes, tels ceux de Félix de Prato et d’Agostino Giustiniani. En 1515 Félix de Prato, juif converti devenu moine augustinien, publia en effet un psautier « attentivement traduit littéralement depuis l’hébreu »41. L’année suivante, à Gênes, un dominicain hébraïsant, Agostino Giustiniani publia un Psalterium octaplum42, deux ans après sa nomination à l’évêché de Nebbio en Corse. Ce psautier polyglotte avait été tiré à 2000 exemplaires43. On doit aussi mentionner Agostino Steuco (Steucus), moine augustinien, bibliothécaire du cardinal Grimani à Venise, qui publia une Recognitio veteris Testamenti ad Hebraicam veritatem collata etiam editione Septuaginta interprete (Venise, Alde, 1529), dans laquelle il corrigeait le texte latin du Pentateuque sur l’hébreu et le grec. On trouvera tout au long du siècle des exégètes qui se référeront à cette Recognitio, le plus souvent pour la critiquer.

Tous ces travaux vont être dépassés par la traduction latine nouvelle d’un dominicain hébraïsant et helléniste. Au début de 1528 en effet, Sante Pagnini fit paraître à Lyon sa nouvelle traduction latine de la Bible, établie sur l’hébreu44.

Il est l’un des premiers philologues hébraïsants chrétiens, le premier à avoir numéroté tous les versets de la Bible, dix ans avant Konrad Pelikan, plus de vingt ans avant Robert Estienne. Auteur d’un imposant Thesaurus linguæ sanctæ (1529)45, qui révèle une maîtrise remarquable de la langue et de la littérature rabbiniques, il donne aussi une grammaire et un dictionnaire grec, des Institutiones hebraicæ et une double introduction à la lecture de l’Écriture : Isagogæ ad sacras literas liber unicus et Isagogæ ad mysticos sacræ scripturæ sensus libri octodecim. Le savant dominicain a traduit la Bible de manière littérale, dans un latin parfois un peu rugueux (desservi par les typographes lyonnais d’Antoine Du Ry, qui ont ajouté bon nombre de coquilles), puisqu’il souhaitait que la langue-cible se plie à la structure de la langue-source. Cette version saura toutefois séduire Michel Servet, qui la rééditera à Lyon en 1542, ainsi que Robert Estienne, qui l’adoptera à Genève en 1556-1557. Il faut souligner une spécificité de l’édition de Pagnini de 1528 : le nom du traducteur est rappelé au début de chaque livre biblique, alors qu’il se trouvait déjà sur la page de titre. Ainsi la Genèse commence-t-elle par cette note :

Début du livre qui s’appelle Beresith en hébreu, c’est-à-dire Au commencement, et en grec genesis, en latin génération, traduite par Sante Pagnini de Luca, de l’ordre des dominicains, prédicateur apostolique46.

L’ego du traducteur s’affiche ainsi clairement : il est bien un nouveau Jérôme ! Pagnini a d’ailleurs dédié sa traduction à Clément VII, en précisant que son travail était une traduction des deux instrumenti, adoptant le substantif subversif qu’Érasme avait préféré à testamentum en 1516. De nombreux traducteurs de la Bible en langue vernaculaire auront la version de Sante Pagnini ouverte sur leur table de travail, à l’instar de Brucioli pour l’italien (1530-1532) ou d’Olivétan pour le français (1535), ainsi que je l’ai établi pour le Cantique des cantiques.

Après Pagnini, Münster en 1534 et 1535 à Bâle, Leo Jud à Zurich en 1543, dont Vatable fera son miel parisien, et Sébastien Castellion en 1551 toujours à Bâle, traduiront effectivement à nouveaux frais la Bible en latin. Dans une moindre mesure, Isidoro da Chiari (Clarius), à Venise en 1542, bénédictin placé par Paul III, après la première période du concile de Trente, sur le siège épiscopal de Foligno (1547), reprenant beaucoup à Münster, et Jean Henten, dominicain installé à Louvain en 1547, émenderont eux aussi le texte biblique latin. Il y aurait beaucoup à dire sur la Biblia, interprete Sebastiano Castalione, parue à Bâle chez Oporin en 1551. L’élégance du latin en a été relevée, alors que Bèze et Calvin condamnèrent les audaces d’un traducteur qu’ils n’aimaient pas. Ce qui me retient aujourd’hui, c’est la longue préface de Castellion au jeune roi d’Angleterre Edward VI47. Ce texte est une apologie de la paix en général, et de la paix confessionnelle en particulier. Le glaive n’a pas à être levé en matière de religion. Que 1 Corinthiens, 13 soit allégué n’est pas pour étonner, l’hymne à l’amour de Dieu et des hommes étant essentiel : « Charitas (…) omnia tolerat ». Il faut d’ailleurs souligner que ce texte fut écrit avant les procès genevois contre Bolsec (octobre 1551) et Servet (1553) : la tolérance de Castellion leur préexistait. La préface se termine par un appel au roi à lire et à méditer la Bible, tout en lui rappelant qu’il devra lui aussi rendre compte devant Dieu de son gouvernement terrestre :

Tels sont, ô roi, les avis que je tenais à vous soumettre. Je vous parle non comme un prophète (vates), non comme un envoyé de Dieu [missus divinitus], mais comme un homme de la foule [unus de multis], qui déteste les querelles et les haines [qui dissidia et lites oderim], et qui désire voir la religion s’exercer bien plus par la charité que par les discussions [quam quæstionibus], plus par la piété du cœur que par les pratiques externes. Sans doute, je ne dis rien qui n’ait été déjà dit par d’autres, mais ce qui est juste [recta], il n’est pas inutile de le répéter jusqu’à ce qu’on y obéisse. Accueillez donc, ô roi, ce travail avec bienveillance et humainement [comiter et humane]. Si vous en avez le loisir, et vous devez l’avoir [et si vacat (debet autem vacare)], si vous y prenez goût, et vous devez vous y plaire, lisez les saintes lettres [lege sacras literas] d’un cœur pieux et religieux. Préparez-vous ainsi à régner comme un mortel qui devra rendre compte au Dieu immortel. Je vous souhaite la clémence de Moïse, la piété de David et la sagesse de Salomon. Portez-vous bien. De Bâle, en février 155148.

En s’adressant au jeune roi d’Angleterre, Castellion laissait entendre une nouvelle fois qu’il croyait dans les vertus de l’éducation chrétienne et dans la valeur de la méditation de la Bible. Remarquons enfin, dans la partie dévolue à la Bible en latin que l’Église catholique romaine n’est pas à l’initiative, pendant plus d’un siècle, d’une correction de la traduction latine commune. Si la quatrième session du concile de Trente, le 8 avril 1546, traita de la Bible et du canon, et considéra la traduction attribuée à Jérôme comme seule authentique49, il fallut attendre l’édition sixto-clémentine de 1592 pour que parût une édition latine de la Bible voulue et réalisée par le pontifex maximus et par ses théologiens. Avant cela, on s’adressa au pape, on lui dédia son travail biblique, mais le pape ne fut pas encore à l’initiative de ces versions corrigées, encore moins des versions nouvelles.

2) Biblia hebraica

Les traducteurs de la Bible en langue vernaculaire, quand ils étaient hébraïsants, s’appuyaient aussi sur une édition du texte hébreu. C’est en Italie, en 1477, que passa sous une presse une partie de la Bible hébraïque, les Psaumes (Tehilîm) avec le commentaire du grand rabbin grammairien médiéval, David Kimhi50. Ce ne fut cependant qu’en 1488, à Soncino, qu’on imprima pour la première fois l’ensemble du Pentateuque, des Prophètes et des autres écrits (Thôrâh, nevî’îm ukethûvîm), sans commentaire rabbinique et dans un petit in-folio51. Entre 1491 et 1493, à Naples, puis en 1494 à Brescia, la Bible hébraïque fut à nouveau imprimée52. On trouve d’autres parties de la Bible juive imprimée à Bologne (vers 1482), Brescia (1492 ; 1493), Naples (1487 ; 1490 ; 1491) et Soncino (1485 ; 1488). Quoique Rome fût alors un lieu d’impression hébraïque, on remarque son absence dans l’édition de la Bible juive : fallait-il éviter de prêter trop facilement le flanc à la vindicte de la curie romaine ? Un peu plus tard, c’est la péninsule ibérique qui donna le jour à des éditions similaires, avant les sinistres expulsions53. Au Portugal, à Faro (1487), Leiria (1494 ; ca 1497) et Lisbonne (1491 ; 1492) ; en Espagne, à Guadalajara (s. d.) et Híjar (1486/1487 ; 1487/1488 ; 1490). Ce n’est qu’ensuite que Salonique (avec les Psaumes, les Proverbes, Job et Daniel en 1515) et Constantinople (très nombreuses publications, dont le Midrash Rabbah sur le Pentateuque en 1512 et le commentaire d’Abraham Ibn Ezra sur le même Pentateuque en 1514) virent paraître des bibles hébraïques.

La Polyglotte d’Alcalà fut imprimée en six volumes in-folio entre 1514 et 152254, à six cents exemplaires55, et constitue une œuvre exceptionnelle, entreprise sous l’égide du cardinal Francisco Ximenes de Cisneros à l’Université Complutense de Madrid. Le texte biblique est donné en hébreu, araméen (pour le seul Pentateuque avec une traduction latine), grec (avec une autre traduction latine interlinéaire mot-à-mot) et latin. L’éditeur principal du texte, Alfonso de Zamora, était un juif converti. Il n’a pas précisé les manuscrits ou les éditions dont lui et ses aides se sont servis, mais Christian Ginsburg a établi qu’ils avaient utilisé de manière privilégiée l’édition napolitaine de 1491-1493, en la comparant avec un manuscrit conservé à Alcalà, et en utilisant également d’autres éditions partielles56. Il est bien connu que les accents hébreux sont mal placés sur les mots. Mais c’est à Venise, chez Daniel Bomberg, que la première bible rabbinique parut en 1516-1517, Venise qui devenait la première ville italienne pour l’édition hébraïque. Chaque livre biblique y est accompagné du Targum (Onkelos pour le Pentateuque, Jonathan ben Uzziel pour les prophètes, les Targumim sont des paraphrases araméennes) et d’un ou de deux commentaires rabbiniques choisis principalement parmi ceux d’Abraham Ibn Ezra, David Kimhi et Rashi. Félix de Prato, autre juif converti, a été l’éditeur scientifique des quatre volumes in-folio57. Dans un long avertissement au lecteur, Bomberg expliquait son travail et son but : « J’ai produit cette édition pour aider l’étude de ceux qui vénèrent la parole de Dieu, qui désirent s’en saisir et la lire »58. Il n’imaginait pas de traduction en latin ou en langue vernaculaire, mais offrait ce travail au lecteur pieux. Quant à Félix de Prato, il fit montre d’une flagornerie extrême de courtisan dans sa préface à Léon X, en soutenant que, dans les manuscrits hébreux dont il s’était servi, il y avait quasi autant d’erreurs que de mots !59

Avant la seconde et plus importante seconde bible rabbinique de 1524-1525, Bomberg imprima le Talmud de Babylone entre 1519/1520 et 1523, puis le Talmud de Jérusalem entre 1522 et 1524. Il publia également de petites bibles hébraïques in-quarto avec le seul texte biblique sans commentaire (1517-1518, 1521, puis 1525-1528, etc.), mais son grand œuvre, pour l’édition biblique, reste la seconde bible rabbinique de 1524-152560. Elle parut en quatre volumes in-folio et était la première à comporter la Massorah, un système de renvois à toute la tradition juive (du verbe mâsar, transmettre un contenu) qui donne des informations sur l’orthographe et sur la grammaire, et précise le nombre des occurrences d’un mot ou d’un verset61. Son maître d’œuvre fut Jacob ben Hayyim (parfois orthographié ben Chayim). Dans sa préface, celui-ci indique qu’il réussit à convaincre Bomberg du bien fondé de l’usage de la Massore. La précision de son édition fait qu’elle reste aujourd’hui encore une source importante pour toute édition de la bible juive.

L’Hebraica Biblia de Sebastian Münster parut à Bâle en deux volumes, en 1534, puis 1535, imprimée par Johann Bebel aux dépens de Michael Isengrin et Heinrich Petri, avant une seconde édition en 154662. Le texte hébreu est fondé sur celui de la première Bible rabbinique de Bomberg (1516-1517). Il est remarquable que Münster ait traduit à frais nouveaux l’hébreu en latin, sans s’inspirer du travail plus littéral de Sante Pagnini qui avait fait de même quelques années auparavant sans éditer le texte hébreu63. Münster justifiait l’utilisation des commentaires rabbiniques, dont il fait un grand usage dans son annotation, pour comprendre des passages obscurs et difficiles. Raison peut-être pour lui de publier deux ans plus tard une traduction hébraïque de l’Évangile de Matthieu précédée d’une diatribe haineuse contre les juifs, affichant clairement sa foi chrétienne64, avant de retourner à ses chères études. Ces deux éditions bâloises seront très prisées en milieu protestant : j’ai ainsi établi que Jean Calvin possédait et utilisait la première édition de la Bible de Münster, qu’il avait certainement achetée à Bâle en 1535, quand il y suivait les cours de60 Ibid., pp. 956-974. l’hébraïsant65. En France, Robert Estienne fut le premier à imprimer la Bible hébraïque, à Paris en 1539-1544 (in-4°) et en 1543-1546 (in-16°)66. Il commença cette publication sous la houlette du lecteur royal d’hébreu François Vatable, qui l’aidait en même temps pour la grande bible latine de 1538-1540.

3) La Septante (Septuaginta) et les éditions du Nouveau Testament grec

Il fallut attendre 1516 pour le Nouveau Testament et 1519 pour l’Ancien Testament67, la Septante (Septuaginta), pour que le grec fût enfin à l’honneur dans l’édition biblique, alors que la lettre d’Aristée avait été publiée dès 1471. C’est à l’initiative du grand imprimeur helléniste Aldo Manuzio (mort en 1515) que l’on doit la première édition de la Septante, à Venise en 1519, suivie de peu par la Polyglotte d’Alcalà. Dans la brève préface de l’Aldine à Gilles de Viterbe, l’éditeur scientifique Andrea Torresano d’Asola (Asulanus) affirmait s’être évidemment servi d’anciens manuscrits, mais sans en donner la liste68. Dans la seconde préface dédiée à Érasme, en tête du Nouveau Testament, Francesco Torresano d’Asola (fils du précédent) reconnaissait avoir utilisé le travail de l’Humaniste, évoquant au passage Alde qui « nomen tuum apud Italos illustre reddidit »69, manière de reprocher implicitement le rapprochement bâlois d’Érasme avec Froben. En 1526, Wolff Köpfel donna du texte une troisième édition à Strasbourg, et Johann Herwagen le réimprima vingt ans plus tard à Bâle, en ajoutant une préface de Melanchton70. Après une longue introduction spirituelle, celui-ci reconnaissait le caractère rugueux de la version grecque des livres prophétiques par rapport à l’original hébreu, mais il la jugeait néanmoins utile pour être comparée au latin et parce qu’elle avait été citée par Paul et circulait entre les mains des Apôtres71. Prophètes et Apôtres reviendront dans cette préface, d’un point de vue spirituel et non pas philologique, et nous ne saurons rien du texte de base ni des corrections apportées.

Dès 1550, on trouve une nouvelle édition bâloise de la Septante, cette fois chez Nikolaus Brylinger. Venise, Strasbourg et Bâle : on retrouve les villes habituelles de l’édition biblique72. Zwingli, réformateur de Zurich, possédait un exemplaire de l’editio princeps de la Septante, l’Aldine de 1518, dont il distingua les chapitres en ajoutant leur numéro, inventant une aide à la consultation du grec73. Plus tard, Michel de l’Hospital annota soigneusement un exemplaire de cette même édition74. Montaigne possédait également une Septante, avec le Nouveau Testament grec, celle imprimée à Bâle, chez Johann Herwagen, en 154575. Philippe Desportes, quant à lui, lisait le grand Nouveau Testament de Robert Estienne de 1550, imprimé avec les Grecs du roi76. Il possédait aussi la polyglotte d’Anvers77, ainsi qu’un manuscrit de la Bible latine du XIVe siècle78. Enfin, le poète avait encore à disposition le Dictionarium hebraicum, ultimo ab autore Sebastiano Munstero recognitum, Bâle, Froben et Episcopius, 156479. Théologiens, hommes politiques, philosophes ou poètes, en véritables humanistes, possédaient et lisaient la Bible en grec.

Tout et tant a été écrit sur l’édition du Novum Instrumentum d’Érasme de 1516, la volonté de l’Humaniste de prendre de court l’entreprise du cardinal Ximenès (la polyglotte d’Alcalà), le retour au titre Testamentum en 1519 (et verbum pour sermo en Jean 1, etc.), les cinq éditions du vivant d’Érasme (1516, 1519, 1522, 1527 et 1535), jusqu’à son édition préliminaire de la Collatio Novi Testamenti de Lorenzo Valla en 150580, qu’il est difficile d’ajouter du nouveau.

De même pour les trois éditions de Robert Estienne (1546, 1549 et le grand Nouveau Testament grec de 1550), etc. On connaît le tirage de l’édition de l’infolio de 1516, 1200 exemplaires81. On le découvrira bientôt, le nombre de traducteurs qui se référeront au travail éditorial d’Érasme est impressionnant.

II. LES LANGUES VERNACULAIRES

1) Érasme

Les déclarations de principe d’Érasme sur la mise à disposition des Saintes Écritures en langue vernaculaire aux laïcs sont bien connues. Il est pourtant symptomatique que la grande déclaration initiale de l’Humaniste se trouve dans l’une des préfaces du Novum Instrumentum de 1516, la Paraclesis (exhortation)82. Érasme fit donc paraître raptim son édition du Nouveau Testament grec et sa version de la traduction latine commune (tralatio communis ; en rigueur de terme le nom de Vulgata / Vulgate ne peut être employé qu’à partir de l’édition sixto-clémentine de 1592). En publiant une édition bilingue grecque et latine du Nouveau Testament, il se déclarait favorable à la diffusion de la Bible en langue vernaculaire ! Paradoxe de l’intellectuel, homme d’étude, pas nécessairement homme de terrain :

Je suis en effet tout à fait opposé à ceux qui ne veulent pas que les Lettres divines soient traduites en langue vulgaire pour être lues par des gens simples [idiotes], comme si le Christ nous avait enseigné obscurément [involuta], que seule une poignée de théologiens pouvaient le comprendre, ou que le rempart de la religion chrétienne était fait de l’ignorance où on la tiendrait… Je voudrais que toutes les femmes jusqu’aux plus humbles [mulierculæ] lisent l’Évangile, lisent les Épîtres de Paul. Puissent ces textes être traduits dans toutes les langues, de façon à ce que les Écossais et les Irlandais, mais aussi les Turcs et les Sarasins puissent les lire et les comprendre. La première étape est de les faire connaître à tout prix. Si beaucoup riront, certains seront captivés. Puisse le paysan au manche de sa charrue en chanter des passages, le tisserand à ses lisses en moduler quelque air, ou le voyageur soulager la fatigue de sa route par ces récits [fabulis]. Que tous les entretiens [colloquia] des chrétiens soient nourris de ces récits, car nous valons à peu près ce que valent nos conversations [confabulationes] quotidiennes…83

Quoique le mot fabula ne fût pas très heureux pour parler des Évangiles, on retrouve le mot inséré dans nos conversations quotidiennes, confabulationes : le récit évangélique construit et modèle le quotidien de tout chrétien. Érasme articule alors son propos sur le baptême, commun à tous, donné à tous : la Bible devait être pareillement commune à tous, chrétiens et musulmans, ose même ajouter Érasme : le récit évangélique et l’enseignement paulinien doivent être lus et compris de tous. Il répéta et affina le propos en janvier 1522, en tête de sa paraphrase de l’Évangile de Matthieu, reprenant les exemples du laboureur et du tisserand, mais ajoutant celui du patron de galère et de la femme filant sa quenouille84.

Pourtant, jamais Érasme ne traduisit la Bible en néerlandais, voire simplement le Nouveau Testament, puisque ses lacunes en hébreu sont avérées, et jamais un Vorsterman85 ni un Jacob van Liesvelt86 ne publièrent une traduction biblique de lui. De même, à l’exception de quelques psaumes, jamais Erasme ne commenta l’Écriture. Son mode de diffusion de la Bible, en fait du Nouveau Testament, fut et resta toujours la paraphrase latine, une paraphrase grammaticale, proche du texte, pæne ad verbum, explicitant avec plus de mots le texte néo-testamentaire, utilisant un latin plus simple que celui des Annotationes ou des grands traités87. Malgré sa clarté pédagogique, Érasme resserrait à l’extrême la notion d’idiotes, puisque son lecteur se devait de connaître le latin, ce qui excluait bon nombre de laboureurs, de tisserands et de fileuses à la quenouille !

2) Luther et les Allemands

Telle ne fut pas la pratique de Luther. En septembre 1522, après son séjour à la Wartburg (mai 1521-mars 1522), le Réformateur fit paraître chez Melchior Lotter (avec son frère Michael, ses premiers éditeurs à Wittenberg, avant Hans Lufft), la traduction allemande du Nouveau Testament qu’il venait d’entreprendre. Le tirage fut important, on l’estime à 3000 ou à 5000 exemplaires, écoulés en deux mois !88 A la fin de la décennie, on trouve comme un écho au propos d’Érasme sur les gens simples dans l’opuscule que Luther consacra à la traduction (Sendbrief vom Dolmetschen). Il nous y explique comment il a traduit les Écritures en allemand et comment il fut copié par les papistes, en particulier par le « Dresdener Sudler » :

… J’ai traduit en allemand [verdeutscht] le Nouveau Testament aussi bien que j’ai pu et selon ma conscience [mein gewissen] ; je n’ai par là forcé personne à le lire, mais laisse libre chacun, et je l’ai fait pour servir ceux qui ne peuvent pas le faire mieux. Il n’est défendu à personne de faire une meilleure traduction (ein bessers)…89

Cependant Hieronymus Emser, le « griffonneur de Dresde », n’a pas produit une meilleure traduction en publiant son Neues Testament en 1527, quelques mois avant de mourir, puisqu’il s’est contenté de copier Luther. Dans son petit traité, le Réformateur nous livre sa méthode, pas tant de traduction que de mise en allemand :

Ce ne sont pas les lettres de la langue latine qu’il faut examiner [fragen] pour savoir comment on doit parler allemand, comme font ces ânes, mais il faut interroger la mère dans sa maison, les enfants dans les ruelles, l’homme du peuple [den gemeinen man] sur le marché, et considérer leur gueule [maul] pour savoir comment ils parlent, afin de traduire d’après cela…90

Après Emser, Luther critiquera encore les « Prophètes de Worms », la traduction allemande des livres prophétiques que lui-même tardait à finir et qui avait paru en cette même année 1527. Le Réformateur a souhaité écouter les gens simples, et à la fileuse d’Érasme correspond la mère, au laboureur l’homme du peuple sur le marché, pour leur donner un texte qui leur était adapté et qu’ils comprenaient. De 1523 à 1534, il traduisit l’Ancien Testament, publiant d’abord vite le Pentateuque (1523) et les livres historiques (1524), mais peinant pour les Prophètes, ce qui donna certainement un écho plus important à la traduction des Prophètes de l’antitrinitaire Ludwig Hätzer et de l’anabaptiste Hans Denck, à Worms en 152791, traduction qui sera réimprimée à de nombreuses reprises avant que Luther n’achève sa propre mise en allemand du texte (1532).

Ni dans la préface du Nouveau Testament de 1522, pas davantage dans celle introduisant la première traduction complète de sa bible allemande de 1534 (chez Hans Luft), Luther ne justifia sa traduction de la Bible en allemand : cela allait quasi de soi, puisque cette mise en allemand s’inscrivait dans une longue tradition, la première Bible allemande imprimée ayant déjà paru en 146692. On peut même poser comme hypothèse, pas habituellement formulée, que la grande diffusion de la Bible en langue et dialectes allemands pendant le premier demi-siècle de l’imprimerie à caractères mobiles a été le meilleur terreau pour l’émergence de la Réforme luthérienne. En outre, la riche illustration des bibles allemandes a récréé en émouvant et en enseignant, dépliant l’antique triptyque rhétorique. Aujourd’hui encore, ces bibles atteignent des records dans des ventes publiques93. La tradition de l’illustration de la Bible en allemand, tout en remontant aux manuscrits, est ancienne, puisque quelques années à peine après la bible de 1466, parut une première bible illustrée chez Zainer à Augsbourg (vers 1475)94, avant la superbe édition de Quentel à Cologne en 1478, ornée de grandes gravures sur bois.

Les réactions catholiques à la traduction de Luther ne tardèrent pas, comme l’essai d’Emser l’a déjà prouvé, publié seulement cinq ans après l’editio princeps du Réformateur. Johann Dietenberger publia en 1534 à Mayence la première bible catholique romaine allemande de l’ère de la Réforme95. Il avait repris la traduction d’Emser pour le Nouveau Testament (en fait, la révision de 152996), c’est-à-dire quasi du Luther, et Luther pour l’Ancien Testament. Le résultat était donc une version très proche de celle du Réformateur, qui parut quelques mois avant la première édition complète de la Bible de Luther de 1534. Paradoxe des copistes diligents ! La présence d’un prélat domine la page de titre de cette édition : la figure de l’archevêque de Mayence et de Magdebourg, Albrecht, margrave de Brandenbourg-Ansbach, prince électeur, cardinal depuis 1518, dont les armes étaient surmontées du chapeau honorifique, qui trône au sommet de la page (ill. no 1). La nouvelle traduction allemande catholique romaine était éditée sous sa protection et sa bénédiction (sa dextre, en effet, bénit cette réalisation) et le traducteur n’avait pas manqué de lui dédier une dithyrambique préface !97

Dietenberger savait qu’Albrecht de Brandenbourg-Ansbach aimait paraître et être admiré. Ne s’était-il pas fait représenter plusieurs fois en saint Jérôme étudiant ou même au pied de la Croix, dont trois peintures par Lucas Cranach l’Ancien ?98

En 1537, c’est le vieil adversaire de Luther, Johann Eck, qui proposa une nouvelle édition. Les deux ducs de Bavière, Wilhelm IV et Ludwig avaient rejeté la traduction de Dietenberger, la jugeant trop proche de celle de Luther, et avaient demandé à Eck de reprendre ce travail. Celui-ci le réalisa en dialecte souabe, en s’inspirant d’Emser pour le Nouveau Testament, mais en étant plus original, quoique trop proche de la traduction commune latine pour l’Ancien Testament (suivant le texte de la Polyglote d’Alcalà, ce qu’il précise dans sa préface) : ce point rend sa traduction peu élégante et difficile à comprendre. Eck la publia à Ingolstadt, chez Georg Kraft (mais le texte fut imprimé à Augsbourg, chez Alexander I Weißenhorn)99. Le traducteur dédia son travail au cardinal Matthäus Lang, archevêque de Salzbourg. D’emblée, il lui écrit qu’il lui était apparu de la plus haute importance de traduire la Bible en langue vernaculaire (« das die hailig gschrift, die Biblisch bücher in ain gmaine landleüfige sprach [vernaculam linguam] zu vertolmetschen »), tout en ajoutant qu’il considérait ce travail comme dangereux et nocif (« gfärlich und schädlich ») : les laïcs pouvaient en effet chercher à comprendre par eux-mêmes les mystères saints et les lieux difficiles de la Bible (« die hailige gehaimnis und schwäre stell der gschrift »)100. Ces quelques mots allemands montrent la difficulté d’une lecture cursive en dehors de la Souabe ! Eck illustrait ce danger en indiquant qu’il était interdit dans le royaume d’Angleterre de traduire la Bible en anglais, précisant qu’il s’y était rendu en 1525101.

A contrario de la présence d’Albrecht de Brandenbourg, l’actualisation iconographique dans les bibles illustrées du XVIe siècle pousse d’autres artistes et graveurs à donner les traits de Luther aux représentations de Matthieu ou de Jérôme qui ornent les pages de titre de nouveaux testaments et même l’initiale de certains évangiles102. On trouve encore la représentation du roi Josias faisant promulguer et lire la Loi sous les traits de Friedrich der Weise, le lecteur ayant les traits de Luther103 ; alors que Friedrich et Luther posent au pied de la Croix sur la page de titre d’une Luther Bibel imprimée à Wittenberg en 1555104 (ill. no 2), belle représentation de l’union des pouvoirs politique et religieux sous le Christ crucifié.

Différente des entreprises catholiques romaines allemandes, il faut mentionner la réaction zurichoise de Zwingli aux traductions allemandes de Luther. Si Zwingli avait applaudi à la sortie du Septembertestament de 1522, il se mit bientôt à la réalisation d’une version protestante zurichoise qui s’inspire fortement de celle de Luther, mais s’en distancie régulièrement. Entre 1524 et 1529, avec l’aide de Leo Jud et de la Prophezei zurichoise, il traduisit la Bible en dialecte suisse-allemand et, en 1531, parut à Zurich Die gantze Bibel (…) auffs aller treüwlichest verteütscht, chez Christoph Froschauer105. Il faut remarquer le rôle essentiel de Zwingli dans cette traduction collective, car pendant son séjour à Marbourg en 1529, le processus fut suspendu106. En octobre 1529, Luther et Zwingli se rencontrèrent en effet à Marbourg, au colloque sur la Cène (Marburger Religionsgespräche) souhaité par Philippe de Hesse. Zwingli aurait voulu utiliser le latin, mais Luther souhaita (imposa ?) l’allemand. On sait que les deux réformateurs se comprirent mal et que Luther n’appréciait guère le dialecte zurichois107. On trouve encore des critiques de Luther à l’encontre du dialecte suisse-allemand : « Les Suisses n’ont presque pas de diphtongues »108. La version zurichoise doit également être comprise comme une réaction identitaire aux traductions luthériennes en Hochdeutsch.

Enfin, on ne peut aborder la production de la Bible en allemand au XVIe siècle sans évoquer la thèse iconoclaste, mais réaliste de Richard Gawthrop et Gerald Strauss. En 1984, ces deux historiens ont montré que la lecture de la Bible était relativement absente de la formation des luthériens aux XVIe et XVIIe siècles109. Pour ma part, j’ai montré que le monde réformé n’avait pas davantage encouragé tant la lecture personnelle que la lecture familiale de la Bible avant la seconde moitié du XVIIe siècle110. Chez Luther, la Guerre des paysans avait été un frein puissant au désir de laisser la Bible librement aux mains de tous ; chez Calvin c’est la crainte des lectures non contrôlées des libertins spirituels et des anabaptistes qui empêcha de favoriser cette pratique. Pour les luthériens et les calvinistes, le catéchisme s’était révélé un moyen beaucoup plus sûr, discipliné, de donner à entendre la sola scriptura. En outre, je n’ai pas rencontré de développement théologique sur le sacerdoce universel en relation avec la mise à disposition de tous de l’Écriture sainte. Pierre, on le sait, parle dans sa première Épître du saint sacerdoce offert à tout croyant qui est une pierre vivante de la maison spirituelle de Dieu111. On aurait pu poser comme hypothèse que le sacerdoce universel avait été une question essentielle dans la revendication de traduire la Bible dans les langues universelles : il n’en fut rien. Les craintes de Luther et de Calvin contre les débordements spirituels avaient été trop fortes.

3) L’Italie et l’Espagne

Grâce à Edoardo Barbieri et à Gigliola Fragnito, les études de la Bible en Italie et de la Bible en italien au XVIe siècle ont fait de grands progrès112. Les éditions de la bible italienne en Italie s’étendent de 1471 (première édition de la traduction de Malerbi) à 1567 (ultime édition de cette traduction), avant un siècle de silence113. Si les premières traductions datent de la fin du XIIIe siècle, il faut relever que la première traduction en italien est tout à fait contemporaine de la première édition de la Bible en latin. La langue italienne avait déjà reçu ses lettres de noblesses avec Dante, Boccace et Pétrarque, ce qui peut expliquer cette concomitance, mais on a également relevé une influence de la devotio moderna. C’est au moine camaldule114 Nicolò Malerbi (1422-1481 ou 1482) qu’est due la traduction, faite en huit mois115 sur le latin et publiée en août 1471. En octobre de la même année toutefois, une autre traduction italienne, s’inspirant de celle de Malerbi, parut encore à Venise116. La traduction de Malerbi connut seize éditions jusque dans les années trente du XVIe siècle (chiffre inférieur, mais comparable aux dix-huit éditions de la Deutsche Bibel de 1466 à 1522, avant le Nouveau Testament de Luther de septembre 1522). C’est alors que Brucioli entra en lice.

Deux ans après une traduction du Nouveau Testament en 1530117, Antonio Brucioli, évangélique florentin qui était passé par Lyon et l’Allemagne dans les années 1520, fit paraître sa traduction italienne de la Bible « in lingua toscana » à Venise, chez Lucantonio Giunta, Florentin : La Biblia quale contiene i sacri libri del Vecchio Testamento, Tradotti nuovamente da la hebraica verita in lingua toscana per Antonio Brucioli118. La traduction était bien corrigée sur l’hébreu avec, par exemple, en Gn 3, 15, la disparition du ipsa, pour revenir à l’hébreu masculin119, tout le Cantique des cantiques, alors que les mains et pieds percés du Ps 22, 17, ont été conservés, intentionnellement contre l’hébreu120. Il faudrait une étude globale pour préciser la perspicacité du regard sur114 Ordre religieux fondé par Romuald de Ravennes au XIe siècle, qui suit la règle de Benoît. l’hébreu et le grec, mais nous pouvons avancer qu’elle est constante, avec l’aide de la traduction latine de Sante Pagnini, bibliste qui avait toujours eu les textes hébreu et grec devant les yeux. Surtout, l’Apocalypse était ornée de vingt et un bois dus à Matteo da Treviso, où la tiare papale était représentée deux fois (sur la bête avec les témoins au chapitre 11 ; sur la tête de la grande prostituée au chapitre 17 : ill. no 3). En raison des coûts de fabrication des gravures sur bois, mais aussi de la critique papale trop visible, ces bois ne se retrouvent pas à Venise chez les associés Francesco di Alessandro Bindoni et Maffeo Pasini en 1538, ni chez Bartholomeo Zanetti l’année suivante, ni chez Gerolamo Scoto en 1547…121

La bible italienne paraissait à Venise en 1532 mais était étonnamment dédiée au roi de France. On trouve tout d’abord un avis au lecteur (« Al lettore salute »), non signé mais de Brucioli lui-même, avant une « Tavola ordine di tutti i libri del Vecchio Testamento » et la longue dédicace à François Ier (« Al Christianissimo re Francesco, primo re di Francia »). Dans le bref avis initial très spirituel, Brucioli explique s’être appuyé sur l’hébreu et sur le grec, en particulier sur Élie Levita, le grand rabbin grammairien, sans méconnaître les autres éditions latines122. Dans une longue dédicace123, de nouveau très spirituelle, il montre combien les livres bibliques sont vivifiants et nécessaires au salut, car ils contiennent la totalité de la doctrine. Il en cite de nombreux versets, en s’appuyant surtout sur Ésaïe, valorisant ainsi l’annonce prophétique du salut en Jésus-Christ. La lecture de la Bible, résume-t-il au milieu de sa préface :

Et cosi questi tali testimoni, christianissimo Re, letti ne sacri libri del vecchio testamento, apportano gran conforto à la mente, gran luce à lo intelletto, et grandissima delettatione à l’anima…124

C’est dire que le poids de la tradition et des dogmes ecclésiaux s’efface devant la simplicité salvatrice des Écritures saintes, devant l’histoire suffisante du salut qu’elle contient. La seconde partie de l’introduction s’étend au salut réalisé en Christ et raconté dans le Nouveau Testament, en des termes très érasmiens énonçant une philosophie du Christ qui se moque des platoniciens, pythagoriciens, aristotéliciens, stoïciens, cyniques et autres épicuriens qui ont préféré une science humaine à la doctrine biblique. Brucioli offre cette bible tant au roi de France qu’à tous les rois de la terre… qui connaissent « la nostra vulgare toscana », comparant François Ier, le plus digne de tous les rois, à Alexandre125.

On trouve une seconde dédicace au roi François, plus brève, en tête du Nouveau Testament126. D’entrée, Brucioli évoque le rapport luthérien et évangélique entre la Loi et l’Évangile, la Loi qui dénonce le péché et l’Évangile qui est promesse de grâce et pardon des péchés127. L’expression reviendra à plusieurs reprises : « l’evangelio è una promissione de la gratia di Iddio ». La préface est toujours aussi spirituelle et met également l’accent sur la charité chrétienne. Elle conspue à nouveau les philosophies humaines, dont la « scientia Platonica » et l’« Aristotelica scientia » qui « ha fatti deviare da Christo ». C’est vraiment à la lecture de la Bible, en particulier de l’Évangile, que Brucioli invite le roi de France, auquel il explique d’ailleurs, en terminant son propos, le sens de sa démarche :

Ho volute in questa seconda epistola scrivere a confermatione de le pie menti christiane, in confusione, et vergogna di quegli che i semplici idioti vorrieno privare del santo pane evangelico pieno di gratia et di verita, ilquale fu mandato di cielo per la salute de le universe genti, et popoli…

François Ier est pris à parti de défendre la foi évangélique et de transmettre le « pain évangélique » aux gens simples (les idioti de Brucioli valant les idiotes d’Érasme, bientôt les idiots de Castellion) contre les travers philosophiques. L’Église catholique n’est pas nommée, mais c’est bien contre ses déviances que se prononce le traducteur florentin. Le motto luthérien et évangélique sola scriptura n’est pas affiché, mais il est revendiqué dans la valeur accordée à la Bible seule. C’est à un pouvoir royal, quoique étranger, que Brucioli dédiait sa traduction nouvelle, ayant certainement su, quand il était à Lyon, que le roi de France n’était alors pas insensible aux idées évangéliques soutenues par sa sœur Marguerite d’Alençon (nous sommes avant 1534 et l’affaire des Placards).

L’avis au lecteur et les préfaces à François Ier disparurent dans les années 1540 au bénéfice d’un traduction de la « Somma di tutta la sacra scrittura », alors que les années 1550 virent paraître une nouvelle génération de traducteurs. En 1551, à Lyon, parut une nouvelle traduction italienne du Nouveau Testament de Massimo Teofilo, réformiste vénitien qui utilisa une édition grecque et une latine pour traduire la partie chrétienne de la Bible128. En 1555, Jean Crespin publia à Genève une traduction anonyme du Nouveau Testament en italien129. C’est encore à Genève, chez François Du Ron (Durone), en 1562, que parut la traduction du Lucquois Filippo Rustici130, un des membres de la communauté protestante lucquoise qui y avait trouvé asile. L’identité réformée calviniste de cette dernière Bible est évidente, dans une dédicace à tous les rois et princes de la terre, jusque dans l’usage de l’illustration sciographique, c’est-à-dire les gravures archéologiques savantes de l’Arche de Noé, du Tabernacle et du Temple. Bientôt, les traductions bibliques italiennes paraîtront toutes en dehors d’Italie, jusqu’à celles de Giovanni Diodati, à Genève dans la première moitié du XVIIe siècle.

En Espagne, les rois catholiques avaient interdit la diffusion de la Bible dans les langues vernaculaires, alors que l’on connaît l’histoire de la censure espagnole de l’édition latine de Vatable, en fait la traduction zurichoise de Leo Jud (1543)131. Il faudra attendre 1569 pour que la Bible soit imprimée pour la première fois en castillan, par Casiodoro de Reina, mais loin de la péninsule ibérique, à Bâle, chez Thomas Gwarin : il s’agit de la fameuse Biblia del Oso, en raison de l’ours dressé mangeant le miel de la page de titre132. La longue préface de Casiodoro de Reina s’articule sur une représentation tout à fait protestante de la vision d’Ezéchiel. Le traducteur médite cette vision, car il l’interprète comme un discours du prophète sur la situation de l’Église (« de Ecclesiæ statu »), sur la providence particulière de Dieu à son égard (« de Dei circa illam Providentia singulari ») et sur la communication de ses jugements (« et dispensatione judicii ipsius »). Il a ajouté une figure, qui lui permet de comprendre la128 Cf. Barbieri, n° 60, pp. 325-330 (qui opte pour Jean Frellon ; on sait que le nom Philibert Rollet a été également avancé comme imprimeur), mais surtout Andrea Del Col, « Il Nuovo Testamento tradotto da Massimo Teofilo e altre opere stampate a Lione nel 1551 », dans Critica storica, 4, 1978, pp. 138-17, ici p. 141. vision133. Casiodoro de Reina a complété sa longue préface d’une seconde gravure. La reprise de la vision dans une composition plus large est liée à la chute de Tyr et au supplice de son roi, tels qu’ils sont décrits aux chapitres 26 et 28 du livre d’Ezéchiel (ill. no 4). Reina rappelle aux rois et aux magistrats du monde (sa préface est dédiée « A tous les rois, électeurs, princes, comtes, barons, chevaliers et magistrats brillantissimes, très illustres, généreux, nobles et prudents des villes de toute l’Europe ») leur vocation et charge chrétiennes. S’ils pèchent, ils seront traités comme le roi de Tyr et connaîtront une mort ignominieuse. La gravure exhibe la destruction de Tyr en train de brûler (ch. 26) et le supplice de son roi (ch. 28), qui avait affirmé être Dieu et était assis sur le siège de Dieu (Ezéchiel 28, 2). C’est que Dieu l’avait placé tel « un chérubin protecteur, aux ailes déployées » (v. 14), raison de la représentation du supplice sous les traits d’une déité à tête d’aigle jetée au sol, aux ailes déployées, mais transpercées. Ainsi la vision d’Ezéchiel et sa représentation reprise de Nicolas de Lyre, puis récemment de Martin Luther, sciographiquement élaborée par Castellion et copiée par un graveur genevois pour Robert Estienne, trouvait chez Reina une application politique en forme d’admonestation du magistrat chrétien : aussi haut Dieu vous a-t-il placé, aussi bas serez-vous renversé si vous profanez votre charge et ne protégez pas la vraie foi, l’Evangelium Christi.

4) L’Angleterre

Il fallut attendre bien des décennies pour voir sortir la première édition de la Bible en latin en Grande-Bretagne, à Londres, chez Thomas Berthelet, seulement en 1535134. Il suffit de lire la préface, pour découvrir qu’Henry VIII est le maître d’œuvre de cette édition, un roi ayant écrit la Loi de Dieu pour lui-même, la gardant et la transmettant. Arthur Freeman vient de relire ce texte après les historiens du XIXe siècle, redécouvrant le texte du roi135. Henry VIII a toutefois opéré une sélection qu’on peut qualifier de « PPP » de l’Ancien Testament, puisqu’elle est fondée sur le Pentateuque (avec l’ajout des livres de Josué et des Juges), les Psaumes et les Proverbes (avec l’ajout de la Sagesse de Salomon), le Nouveau Testament étant imprimé in toto. Il s’est agi de sélectionner des textes historiques – mais les livres de Samuel et des Rois manquent – et des recueils de préceptes moraux – mais l’absence de l’Ecclésiaste surprend. On peut toutefois se souvenir qu’en n’incluant pas les livres de Samuel et des Rois, manquaient les jugements de Dieu contre les rois Saül, David et Salomon, David adultère et meurtrier, et son fils idolâtre en raison d’une trop grande sensibilité à l’égard de jeunes et jolies femmes. L’absence de l’Ecclésiaste et de son autocritique vive du roi qui s’est procuré plusieurs femmes et ne s’est rien refusé (Eccl. 2, 8 et 10) avouant que tout est vanité et poursuite du vent (2, 18), et celle du Cantique des cantiques, trop charnel pour un roi séducteur, se comprennent aussi dans le contexte du schisme et des décapitations de John Fischer en juin et de Thomas More en juillet. Le choix vétéro-testamentaire du roi n’était en rien fortuit ! L’édition de la Bible n’émarge que bien rarement à la rubrique des adiaphora. Il faut d’ailleurs mettre cette édition en parallèle avec un autre texte biblique. Dans son exemplaire personnel du psautier, toujours manuscrit, Henry VIII est représenté en David jouant de la lyre136. La miniature est même très compliquée, puisqu’elle illustre le « Dixit insipiens in corde suo non est Deus » du Psaume 52/53, 1 (ou du Ps 13/14, 1) : peut-on penser qu’Henry VIII, dans la seconde moitié de son règne, ait demandé à être représenté en David à cet endroit, luttant contre les impies et les athées à la cour, ou laissait-il entendre une faiblesse de sa foi ?

Éditions en latin et en vernaculaire sont toujours liées, ce que l’exemple anglais confirme. 1535 est en effet une date tout aussi importante pour l’édition de la Bible en anglais, puisque c’est cette année que parut la traduction de Coverdale. Il est bien connu que l’édition anglaise se développa tardivement, et cela est aussi vrai pour la Bible, en latin comme en vernaculaire. Le retard pour l’édition vernaculaire de la Bible s’explique par les liens entre la traduction de Wyclif à la fin du XIVe siècle et le milieu des Lollards, mais aussi par l’opposition du clergé anglais à la divulgation des Écritures en langue vulgaire compréhensible par les laïcs137. Un siècle et demi plus tard, cette opposition est toujours aussi vive, et William Tyndale doit s’exiler en Allemagne pour faire publier sa traduction du Nouveau Testament, à Worms en 1526 (chez Peter Schoeffer). Surtout, Tyndale fut condamné et brûlé le 6 octobre 1536. Exil encore quelques années plus tard, puisque Myles Coverdale publia en 1535 sa traduction de la Bible sur le continent, à Anvers, à Cologne – chez E. Hirtzhorn (Cervicornus) et J. Heil (Soter) –, ou même à Zurich chez Christoph Froschauer138. Il dédiait sa version au roi Henry VIII, « Defender of the Faith », titre accordé par l’évêque de Rome aveugle, avant d’avouer dans son « Prologue » s’être servi de la traduction latine de la Bible, mais aussi des traductions néerlandaises (« Dutch interpreters ») en défendant sa traduction : les Pères ne citaient-ils pas différemment les mêmes passages de l’Écriture sainte ?

L’opposition perdurait donc, quoique les impressions anglaises se multipliassent dans les années 1537-1540139. En 1537 parut à Anvers la traduction de Thomas Matthew (Matthew’s Bible), mais déjà la première impression anglaise, à Southwark chez James Nicolson, une réimpression de la traduction de Coverdale. L’année suivante, Henry VIII s’opposa certes à l’importation de livres étrangers, mais les traductions bibliques essaimaient. C’est Thomas Cromwell, lord du sceau privé (Vicegerent), encouragé par l’archevêque de Cantorbery, Thomas Cranmer, qui décida de faire réviser la Matthew’s Bible… par Myles Coverdale. Coverdale ne maîtrisait ni l’hébreu, ni le grec, mais il était un bon latiniste et son travail fut élégant. On connaît l’histoire d’une impression moitié parisienne moitié londonienne de cette Bible (et de nombreux bois sont des bois parisiens utilisés par Pierre Regnault en 1538), à qui l’on donna, en raison de son format (14 par 9 pouces), le nom de Great Bible. Elle fut tirée à 3000 exemplaires, car il avait été décidé que toutes les paroisses du pays devraient en faire l’acquisition.

La page de titre offre un programme iconographique élaboré: le roi Henry VIII trône en haut de la page et au centre, ayant récupéré, après le schisme, l’édition de la Bible en anglais à son profit et à celui de la couronne (ill. no 5). On le voit en effet distribuer la Bible, une dans chaque main (« Verbum Dei » étant le titre gravé sur le plat supérieur) aux clercs sur sa droite, par l’intermédiaire de l’archevêque Cranmer, et aux laïcs sur sa gauche, par l’intermédiaire de Thomas Cromwell140. Faut-il voir en tête du Psautier un indice de la condamnation implicite du roi adultère ? Un prote, certainement avec l’aval de l’imprimeur, a en effet ajouté un bois scandaleux. A l’initiale de « The Psalmes of Davyd » s’affiche la copie stylisée de la gravure du serviteur qui tend à Bethsabée, assise nue dans son bassin, le billet doux du roi, observant la scène au centre et en hauteur, pour la convier dans sa couche (2 Samuel 11)141 : le psalmiste est un roi adultère. On se souvient que des imprimeurs anversois (Marten de Keyser en 1530 pour la version de Lefèvre d’Étaples ou Willem Vorsterman pour la version en néerlandais en 1532) avaient déjà flétri le roi David en tête du Psautier en le montrant remettant à Urie, le mari de sa maîtresse, la lettre de sa mise à mort au plus fort de la bataille142.

Les bibles en vernaculaire possédaient de nombreux prologues et pièces liminaires, les traducteurs humanistes légitimant et expliquant leur travail, et offrant de véritables aides à la lecture et à la consultation. Il s’agissait souvent de distinguer ce que le texte original hébreu ou le grec des Septante possédaient ou non par rapport au latin. On trouve ainsi « A prologue expressinge what is meant by certayn signes and tokens that we have set in the Byble », en tête de la Great Bible de 1539. J’en donne la première partie :

First, where as often tymes ye shall fynde a small letter in the texte, it sygnifyeth that so moche as is in the small lettre doth abounde and is more in the common translacyon in Latyn, then is founde ether in the Hebrue or in the Greke, whych wordes and sentences we have added, not only to manyfest the same unto you, but also to satisfye and content those, that here before tyme, hath myssed soche sententes in the Bybles and new testaments before set forth. Moreover, where as ye fynde thys signe [trèf le couché], it betokeneth a dyversyte and difference of readynge betwene the Hebrues and the Chaldees in the same place, which diversytes of readinges we were purposed to have set forth particulerly unto you. But for so moch as they are very longe and tedyous, and thys volume is very greate and houge allreadye, we have therfore at this tyme left them oute, trustynge herafter to set them forth in some lytle volume by themselves…143

Les éditeurs signalaient ainsi quelques différences entre les langues « sacrées », pas toutes loin s’en faut (ainsi Ps 22, 17, n’offre pas la lecture hébraïque léonine – « comme un lion » – et en reste à « hey pearsed my handes and my fete »). Ils usaient d’ailleurs d’astérisques non comme des signes diacritiques, mais comme des appels de note pour les références bibliques marginales. Pas davantage d’obèles que Robert Estienne, entre autres, avait remis au goût philologique du jour, mais de petits signes et des mains pour signaler « certen godly annotacions ». Le prologue mettait toutefois en garde de

then do not rashly presume to make any pryvate interpretacyon on therof, but submyt thyselfe to the judgement of those that are godly learned in Christ Jesu.

Le « God save the Kynge », en grandes lettres batardes, signait cet avertissement. Le roi s’affichait bien comme le garant des dognes anglicans, les autorités restant méfiantes envers les lecteurs, clercs ou laïcs, qui pouvaient interpréter un texte de manière différente de celle de la hiérarchie ecclésiastique. Avec la Great Bible, la bataille de l’impression de la Bible en anglais était gagnée, et les publications se multiplièrent, même celles du Nouveau Testament de Tyndale ! Signalons la traduction indépendante de Richard Taverner dès 1539, The most sacred Bible144, réimprimée à huit reprises jusqu’en 1551 et illustrant elle aussi la volonté de nombreux Anglais de traduire la Bible dans leur langue dans les années 1530. L’histoire de la traduction de la Bible en anglais au début du XVIe siècle manifeste que son développement est hautement politique, et que les travaux antérieurs ont été récupérés au profit du pouvoir, lequel y a vu son intérêt après y avoir vu longtemps un danger.

5) Les Provinces du Nord et du Sud

Anvers ne publia pas seulement des bibles en néerlandais, mais fut une ville essentielle dans la production de la Bible à destination des habitants des Provinces du Nord et du Sud. C’est pourtant à Delft, en 1477, qu’avait paru la première version incomplète de la Bible en néerlandais145, suivie de différentes éditions d’une traduction de la Bible abrégée146. C’est la date de 1522 qui marque, une fois encore, sous l’influence de la réforme luthérienne, la publication de la première traduction néerlandaise de l’ère nouvelle : celle de l’Évangile de Matthieu par le franciscain Johan Pelt, publié à Amsterdam, chez Doen Pieterszoen. Pelt s’était basé sur le latin du Novum Testamentum d’Érasme147. En 1523, ce fut le Nouveau Testament en entier, à Anvers cette fois, chez Adriaen van Berghen148, l’Ancien Testament chez Hans van Ruremund pour Peter Kaetz149, avant une Bible complète chez Jacob van Liesvelt, toujours à Anvers (1526)150. Ce dernier avait repris certaines traductions précédentes faites sur la version de Luther, mais aussi retraduit à frais nouveaux le Nouveau Testament, ici encore sur celui de Luther, sans recourir ni à l’hébreu ni au grec. Ses sympathies pour la réforme protestante n’étaient pas cachées.

Deux ans plus tard, en 1528, paraissait une autre traduction, chez Willem Vorsterman151 : Vorsterman, resté catholique, amenda l’édition de son confrère van Liesveldt. Sur la page de titre, il précisait que la traduction avait été corrigée sur le latin, alors que les notes marginales se référaient à « la vérité hébraïque dans les livres écrits en hébreu, et à la vérité grecque dans les livres écrits en grec »152. Il ajoutait que sa Bible était ornée de jolies gravures (« met schoonen figueren ghedruct »). A. Den Hollender a toutefois montré qu’il ne s’était pas servi d’hébreu ni de grec, se limitant à un regard sur la traduction latine com-145 S. van der Woude, « Dutch Versions », dans Cambridge History of the Bible, vol. 3, pp. 122-125.

Les imprimeurs étaient chez Jacob Jacobszoen et Maurits Yemanstszoen (Darlow & Moule, no 3271, vol. 2, p. 298). Pour les bibles et nouveaux testaments imprimés en Belgique actuelle et aux Pays-Bas, il faut désormais consulter le site Bibliasacra (http ://www.bibliasacra.nl). mune et sur le début de la traduction de l’Ancien Testament de Luther de 1523153. C’est que l’argument philologique était devenu un argument commercial, et qu’on ne doit pas prendre pour argent comptant ce que les éditeurs écrivent sur les pages de titre ! Ces deux traductions bien proches furent éditées régulièrement au cours des vingt années qui suivirent, Liesvelt accentuant toutefois la dimension évangélique de sa version. Il fut d’ailleurs exécuté en novembre 1545 comme hérétique. En mai 1546, les théologiens de Louvain mirent ces deux version à l’Index.

En 1548, pourtant, deux nouvelles bibles flamandes virent le jour154 : il s’agit de versions catholiques. En 1547, munie d’un privilège impérial, paraissait à Louvain la version revue de la traduction commune latine due à Jan Henten, déjà chez Bartholomeus van Grave. C’est à Cologne que Jaspar van Gennep publia la traduction néerlandaise de Nicolaes Blanckaert, carme sous le nom d’Alexander Candidus. Bien qu’elle fût présentée comme œuvre nouvelle, il s’agisait d’une révision de la version de Vorsterman. La même année, parut la première véritable traduction catholique de la Bible en néerlandait, celle de Nicolaes van Winghe, imprimée à Louvain chez Bartholomeus van Grave. Cette édition néerlandaise paraissait seulement onze mois après la sortie de l’édition latine de Henten. Jean-François Gilmont pense d’ailleurs que Winghe n’a travaillé que deux mois (nov.-déc. 1547) pour traduire la Bible de latin en flamand : ne précisait-il pas dans sa préface que l’imprimeur était très pressé !155 Les deux entreprises catholiques cherchaient à courcircuiter les versions précédentes, peu ou prou luthériennes.

Quittant Anvers et Louvain, c’est à Emden en 1556 que le calviniste Jan Utenhoven publia sa traduction du Nouveau Testament, avant une édition de la Bible complète (1558)156. Emden encore, où parut en 1560 la traduction de Nicolaes Biestkens van Diest en usage chez les Mennonites157.

6) La France mais aussi Neuchâtel et Genève

Les premières traductions de la Bible en français imprimées ne furent souvent que des bibles abrégées158. Quand Antoine Vérard publia Le premier [-second] volume de la bible historiee, à Paris, entre août 1494 et mai 1496, il imprimait une Bible historiale complétée qui comprenait la traduction de l’Historia scholastica de Pierre le Mangeur (Comestor) faite par Guyard Des Moulins à la fin du XIIIe siècle (« bible historiale » ou « historiée ») et le complément qu’on appelle aujourd’hui La Bible du XIIIe siècle. La version imprimée par Vérard avait été revue par Jean de Rély, confesseur de Charles VIII, lequel y ajoutait une dédicace livrant les circonstances de son travail :

En perseverant tousjours de bonne affection vouloir acomplyr et fayre voz bons plaisirs et commandemens, mon tressouverain seigneur Charles huytiesme de ce nom, treschrestien roy de France, à la louenge de la benoiste Trinité de paradis et de vous chier sire. Apres que par vous me a esté commandé, vous ay fait la Bible hystoriee, contenant deux volumes où sont les hystoires scolastiques, lesquelz livres historiaux furent jadis translatés par ung excellent docteur de latin en françoys, comme vous pourrez veoir cy apres en ensuivant…159

Jean de Rély nous apprend que Charles VIII lui avait demandé (commandé) de traduire la Bible historiée, c’est-à-dire une bible avec des gloses et des explications. Il se couvrait toutefois des plumes du paon, car il reprenait surtout le travail antérieur de Guyard des Moulins, et se mettait en scène, jusque dans la gravure sur bois où il présente la Bible au roi – mise en scène qui exalte la décision royale de posséder et lire la Bible en français.

En juin 1523 parut à Paris chez Simon de Colines un Nouveau Testament en français, anonyme certes, mais que la recherche attribue sans grand risque d’erreur, à Jacques Lefèvre d’Étaples160. Il s’agissait simplement d’une traduction du latin pour « ung chascun qui a congnoissance de la langue gallicane et non point du latin… »161 Dès août suivant, la Faculté de théologie de Paris se déclara contre les éditions critiques et les traductions de textes bibliques. Le roi fit cependant de l’obstruction et Simon de Colines réimprima cette traduction en 1524 et en 1525, témoignant de son succès et faisant mentir ce qu’écrira Rabelais quelques années plus tard162. François Ier, le discret protecteur des évangéliques français, battu à Pavie en février 1525 et prisonnier à Madrid jusqu’en janvier 1526, ne put s’interposer aux différentes condamnations du conservateur Parlement de Paris en 1525. Lefèvre parti à Strasbourg, c’est à Anvers que parurent, facilement camouflables en petit format, les différentes parties de l’Ancien Testament traduites du latin, de 1528 (Pentateuque) à 1532 (Josué à IV Esdras). En 1530, Martin Lempereur publia, toujours à Anvers, la première traduction complète moderne de la Bible en français. Il s’agissait maintenant d’un in-folio qui sera rapidement corrigé et réimprimé en 1534, puis, Lefèvre et Lempereur morts, en 1541 et 1548, toujours à Anvers. Avant cela, un grand traducteur français avait publié son travail. En juin 1535 parut en effet à Neuchâtel la première traduction protestante française de la Bible. Elle avait été réalisée sur l’hébreu vétéro-testamentaire et le grec néo-testamentaire. Ainsi que l’explique « l’humble et petit translateur » dans sa dédicace,

La bonne coustume a obtenu de toute ancienneté que ceulx qui mettent en avant quelque livre en publicque (…) le viennent à desdier et presenter à quelque prince, roy, empereur ou monarque, ou s’il y a quelque majesté plus souveraine…163

Olivétan donne la raison de ces royales dédicaces, « l’expectation d’ung royal remerciement, c’est à dire ample et liberal recompensement ». Rien de tel dans sa traduction de 1535, dédiée à l’Église de Jesus-Christ ; quant au privilège latin, signé de Jean Calvin, il est adressé « à tous les empereurs, rois et princes et tous peuples soumis à l’empire de Christ ». Par sa dédicace, Olivétan identifiait discrètement les commanditaires de cette traduction protestante française. Les « Vaudois, peuple evangelique, ont mis ce thresor en publique », révèle un poème acrostiche au colophon de la bible de 1535 : ce sont les Vaudois du Piémont qui ont financé l’entreprise (accueil d’Olivétan pendant presque deux ans et paiement de la fabrication), ayant chargé Guillaume Farel, au « synode » de Chanforan en 1532, de trouver le traducteur.

Olivétan est reconnaissant aux Vaudois, « paovre peuple deschassé et banny de [la] compaignie » de l’Église « plus de troys cens ans y a », de l’avoir chargé du projet de traduction de toute la Bible en français. Il a en effet mis moins de deux ans pour son travail, en ouvrant les « armaires et coffres ebraicques et grecz », « selon l’addresse et le don que Dieu [lui] a donné ». Cette remarque presque anodine du traducteur, lui aussi picard comme Lefèvre, Vatable ou Calvin, permet d’identifier deux manières de concevoir la traduction de la Bible au XVIe siècle : soit le ou les traducteurs sont directement inspirés de Dieu, retrouvant en traduisant le même Esprit qui inspira les Prophètes ou l’Apôtre Paul164, soit Dieu a donné aux traducteurs un don, que ceux-ci exercent en apprenant les langues bibliques, en utilisant les bons instruments et les bons commentateurs (les « maistres muetz ») leur permettant de fournir une traduction la plus fidèle possible. Inspiration et érudition sont les deux versants de la traduction de la Bible en langue vernaculaire, certains essayant de se maintenir sur la ligne de crête. Depuis la première traduction de la Bible hébraïque en langue vernaculaire, alors le grec de la Septante, l’histoire rapporte ces deux conceptions de la traduction biblique. Au IIIe siècle avant J.-C., le pharaon Ptolémée II Philadelphe, selon la lettre du Pseudo-Aristée (IIe siècle) (qui sera imprimée très tôt dans des bibles latines), aurait fait copier la Bible hébraïque en grec par soixante-douze érudits choisis parmi les plus aptes des douze tribus d’Israël et réunis sur l’île de Pharos. Philon d’Alexandrie, on le sait, raconte l’histoire autrement, alors que Justin Martyr ajouta soixante-douze cellules pour les soixante-douze traducteurs, sans contact entre eux, mais avec soixante-douze copies identiques165. Érudition et inspiration étaient déjà les tenants et les aboutissants de cette première traduction en langue vernaculaire.

La Bible d’Olivétan était un gros in-folio, composé en gothique batarde, dont le tirage fut compris entre 650 et 1300 exemplaires, probablement 900, selon Jean-François Gilmont166. Ce fut un échec commercial, et Jean-Antoine et Samuel de Tournes l’offraient encore à la vente dans leur catalogue en 1670… Le format et la typographie étaient peu adaptés au marché français167, c’est un fait, mais aussi au milieu des Vaudois du Piémont, qui devaient pouvoir cacher leurs bibles : les copies manuscrites du XVe siècle étaient des nouveaux testaments de petit format. Dès 1540, Jean Girard changeait de format (in-quarto) et de typographie (caractère romain), et proposait à Genève une première édition de la Bible à l’épée, en 1546 une seconde, avec un travail de révision surtout du Nouveau Testament de Calvin. Ce fut une particularité des versions réformées de la Bible, que d’être toujours revues168, reprises, comme l’Église reformata et semper reformanda, « réformée et toujours à réformer ». Même la Bible des pasteurs et professeurs de l’Église de Genève de 1588, élaborée pendant plus de dix ans par une équipe de traducteurs, sera déjà l’objet d’une revision au début du XVIIe siècle. Jean Diodati en 1644, David Martin, Jean Le Clerc, Charles Le Cène et Jean-Frédéric Ostervald dans la première moitié du XVIIIe siècle, les différentes révisions de la Bible de Genève, jusqu’à la version nouvelle de Louis Second au XIXe (au tirage initial de 500 exemplaires !) : toujours la tradition protestante réformée corrigea, reprit, retraduisit la Bible en français, alors que la version de Martin Luther restait figée pour les Luthériens et, après 1611, la King James Bible pour le monde anglican.

L’inventaire après décès de Laurent de Normandie († 1569), inventaire établi en 1570, dénombre une abondante production de bibles complètes et de nouveaux testaments169. On trouve ainsi 2700 exemplaires du Nouveau Testament et des Psaumes imprimés par Jean-Baptiste Pinereul en 1568 ; 1080 éditions du Nouveau Testament en grec et en latin de Théodore de Bèze imprimées par Henri Estienne en 1567, et 120 exemplaires du seul Nouveau Testament latin de Bèze imprimé par le même en 1565 ; 1536 du Nouveau Testament et des Psaumes imprimés par Bonnefoy en 1563170 ; 720 exemplaires de la Bible in-folio en français imprimée par Jaquy en 1562 ; 499 de la grande Bible également en français de Henri Estienne (1565) ; encore 1760 exemplaire du Psautier de 1562 imprimé par Blanchier pour Antoine Vincent ; sans compter un peu plus de cinq cents autres éditions de la Bible ou du seul Nouveau Testament en français, latin, hébreu et même italien, ainsi que tous les livres de Calvin, d’innombrables psautiers et autres ouvrages de théologie. En tout plus de sept mille exemplaires de la Bible ou du Nouveau Testament principalement imprimés en français dans les années 1560. La production de bibles était énorme. A Paris, Jacques Regnault commanda trois cents grandes bibles à l’imprimeur Pierre Gromors, alors que l’on trouve 1500 exemplaires du Novum Testamentum de Benoit en 1556171. À sa mort, Galliot Du Pré, marchand-libraire du Palais, possédait un grand nombre de bibles latines et françaises, et mêmes grecques et hébraïques172. À Genève comme à Paris, libraires et imprimeurs cherchaient à gagner de l’argent avec des bibles. D’une manière générale d’ailleurs, les tirages moyens pour les bibles sont assez importants, plus proches de 2000 que de 1000, le tirage moyen inférieur, quand ils ne dépassent pas 3 ou 5000 : ceci dépendant de cela.

Avant de conclure, sans rien dire de la traduction française imprimée à Louvain en 1550 (traduction de Nicolas de Leuze, chez Bartholomeus van Grave, comme pour les versions latine et flamande), de la version de René Benoist (Paris, 1566, puis 1568), ni de celle des théologiens de Louvain de 1578 (Anvers, Plantin), il faut joyeusement s’arrêter sur la seule traduction indépendante de la Bible en français au XVIe siècle, celle de Sébastien Castellion. Après une version latine en 1551 (rééditée en 1554, puis 1556, sans oublier la version post mortem de 1573 qui comporte des ajouts de la main-même de Castellion, je l’ai montré), le héraut de la tolérance publie une version française, en 1555, à Bâle, non chez Oporin qui n’imprimait pas en français, mais chez Johann Herwagen. Il ne s’agit pas d’une traduction du latin de 1551, mais une nouvelle traduction à partir de l’hébreu et du latin. Alors que la version latine avait été dédiée à Edward VI, la française l’est à Henri II, l’intolérant Henri II qui ne pouvait être touché par l’appel à la paix de Castellion. Dans la nuit du monde « aujourdhui en grans troubles et brouillis, principallement touchant la religion », Castellion souhaitait que sa traduction, en permettant de connaître et de lire la Parole de Dieu, amenât un peu de clarté173. Dans son « Avertissement touchant cête translacion », il expliquait qu’il y a dans la Bible des matières humaines et des matières spirituelles. Il définissait :

J’appelle charnelles, celles [les matières] qui peuvent être entendues par entendement humain [humano ingenio], même sans esprit prophetique [sine fatidico spiritu], comme sont les ceremonies, e le pourtrait du tabernacle de Moyse, e du temple de Salomon, e d’Ezechiel, e les visions des prophetes [vatum visiones], e les similitudes e paraboles de Christ [Christi similitudines], e toute l’Apocalypse. Car ce sont contes de choses qui ont été faittes, ou qui sont racontées comme si elles avoint été faittes…174

Après avoir distingué les matières humaines des spirituelles, la lettre de l’esprit avait-il écrit à Henri II175, il osa confesser qu’il n’avait pas l’esprit prophétique :

Par quoi moi qui n’ai pas l’esperit prophetique (car aussi n’ai-je pas tant étudié en humilité, qu’ês letres et sciences humaines) ne touche guaire en mes annotacions les choses spirituelles, sinon en tant qu’il êt besoin pour entendre le train e suite du propos…176

Cela lui permit, comme personne avant lui n’avait osé le confesser aussi souvent (Luther en quelques endroits), d’avouer en de nombreuses occasions qu’il n’avait pas compris un passage. Dans tous les aspects de son travail biblique, Castellion restait un philologue et un traducteur unique, et il montrait la voie de la traduction biblique moderne.

On l’aura compris au grand nombre de rois apostrophés ou remerciés, l’histoire de la publication de la Bible en langues vernaculaires n’est jamais totalement indépendante du pouvoir politique. Le pouvoir royal a récupéré en terre anglicane surtout, mais aussi en terres luthériennes, la traduction en langue vernaculaire. L’histoire de la Bible en anglais est bien inséparable de l’histoire de la couronne britannique177. La Bible en anglais fut d’abord condamnée et interdite, avant d’être diffusée en 1539 par la main magnanime d’Henry VIII ! Devenu chef de la toute jeune Église anglicane, le roi avait vu son intérêt à patronner la Bible dans la langue de son peuple, après, il est vrai, un temps d’hésitation. L’influence d’autres monarques européens sur la traduction et la diffusion de la Bible est également remarquable, et l’on doit nommer le duc de Saxe Frédéric le Sage, le roi Gustav Vasa en Suède, et même Christian III de Danemark, dont on trouve le portrait au verso de la première édition de la Biblia, De ter den gantske Hellige Scrifft de 1550178 : les monarques anglo-saxons d’obédience luthérienne ou anglicane ont immédiatement saisi l’importance d’associer leur nom et leur image aux publications de la Bible dans leur langue.

Le pouvoir politique, on le sait, a souvent encouragé le développement et l’affirmation des langues « nationales » – François Ier a ainsi promulgué l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, exigeant que tous les arrêts, procédures et actes notariés soient dorénavant rédigés « en langage maternel françoys ». On fondait ou l’on fortifiait ainsi l’« identité nationale ». Après quelques années d’ouverture, le roi, puis son fils Henri II se montrèrent toutefois intransigeants à l’égard des évangéliques français. En 1532, Brucioli, traduisant pourtant la Bible en italien, avait encore cru que le roi pouvait soutenir le mouvement évangélique français. Soutien que Calvin envisageait également en 1536, en lui offrant une longue dédicace en tête de son Institutio Christianæ religionis. Les bibles protestantes françaises et les autres traductions d’obédiences calvinistes ne furent ensuite plus dédiées à un seul roi : les révisions de la Bible d’Olivétan (depuis 1540), celles de Rustici (1562), de Casiodoro de Reina (1569) ou la Bible des pasteurs et professeurs de l’Eglise de Genève (1588) furent dédiées à tout monarque et magistrat. La Bible véhicule un message politique pour les rois et les princes : ils se doivent d’obéir à la Parole de Dieu, de la méditer et de la faire lire et enseigner, sinon ils pourront finir comme le roi de Tyr. L’organisation presbytéro-synodale calviniste a parfois des allures d’organisation républicaine, on le sait, cette absence de support royal en tête d’une bible le confirme.

A contrario, il fallut du temps pour que le pouvoir papal s’organise et soit à l’initiative de nouvelles versions de la Bible, essentiellement la Septante clémentine et la Vulgate sixto-clémentine de 1592. Le pouvoir politique avait su réagir plus rapidement. Notons toutefois que le travail philologique biblique passe régulièrement au-dessus des divergences confessionnelles : l’évêque Isidoro da Chiari utilise le travail du protestant Münster; le parisien d’adoption Vatable, la traduction zurichoise de Leo Jud et de la Prophezei ; l’éditeur calviniste Robert Estienne, la traduction du dominicain Pagnini ; le catholique René Benoist, les bibles de Genève ; et les exemples sont nombreux. C’est que l’établissement du texte n’épuise jamais la question du sens et qu’il peut ne pas être utilisé par son philologue, quand il médite l’Ecriture sainte – je l’ai montré chez Sante Pagnini179. Cela n’empêche évidemment pas les polémiques, parfois vives, sur la traduction de la Bible en langue vernaculaire – on a pu s’en rendre compte ici ou là, sans que je veuille développer ces questions bien connues. Je n’ai pas davantage abordé la question du canon et de la place différente que prennent les livres apocryphes et deutérocanoniques dans les bibles catholiques et protestantes, un moyen souvent de distinguer ces dernières.

À Genève, on s’en étonnerait presque, on corrige la Bible, mais on ne publie aucune édition grecque (Robert Estienne avait publié sa grande édition en 1550, à Paris, un an avant de quitter la ville) ni hébraïque essentielle180. La philologie biblique n’occupe pas le premier plan dans la cité de Calvin, et les dernières références aux commentaires rabbiniques vont d’ailleurs disparaître des marges des bibles françaises genevoises au profit de remarques ecclésiales et dogmatiques (1588) : les problèmes textuels ne demandent plus en premier lieu une résolution philologique, mais un éclairage dogmatique fondé sur l’analogia fidei, la cohérence interne des livres bibliques formant le tout du livre de la Révélation. Pourtant, on discute encore les leçons d’Érasme dans les marges des différentes éditions du Nouveau Testament latin ou grec.

Érasme et Luther sont les deux figures majeures de l’édition biblique au XVIe siècle. On a pu vérifier combien de traducteurs, sans toujours l’avouer, ont eu recours au travail des deux géants, jusqu’à Olivétan qui confia, dans son « Apologie du translateur » en tête de sa version de 1535, avoir consulté les « deux allemandes » (Zwingli et Luther)181. Luther est d’ailleurs le premier traducteur moderne à traduire l’un des deux Testaments d’après sa langue originale de rédaction, avec le Septembertestament de 1522. Il ouvre une brèche où vont s’engouffrer des dizaines, puis des centaines de traducteurs qui prendront la liberté de se saisir du texte biblique pour le transformer. La Réformation de la Bible et la Bible de la Réformation sont décidément inséparables.

Enfin, Luther avait été moine et nous trouvons plusieurs moines parmi les premiers traducteurs (Malerbi ou Sante Pagnini), ou d’anciens moines, dont Münster. Il est normal que ces ecclésiastiques soient représentés, puisque le long travail de traduction est parfois un travail de bénédictin : n’oublions pas que Luther était reclus à la Wartburg, quand il traduisit son Nouveau Testament. Ce sont encore des clercs humanistes comme Érasme et Vatable, ou des laïcs comme Brucioli, Olivétan ou Castellion, et des imprimeurs comme Robert Estienne. Ces hommes ont souvent travaillé vite, bien vite même, puisque traduisant toute l’Écriture sainte ou le Nouveau Testament en moins de deux ans. Parallèlement à ce travail individuel se met en place un travail en équipe : ainsi à Genève pour des révisions partielles (Budé, Bèze et Calvin), avant la grande Bible de 1588. Mais c’est Zurich qui avait montré la voie avec la Prophezei, Zurich, qui permettait à Gesner de lire la Bible dans les langues qu’il maîtrisait.

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1 « Siquidem in nostra utrumque angusta ciuitate, Latine, Graece, Hebraice, Germanice, Italice, Gallice, Anglice, et aliis quibusdam linguis sacrae literae in Dei gloriam leguntur, addiscuntur, celebrantur ». Mithridates. De differentiis linguarum…, Zürich, Christoph Froschauer, 1555, f° A2v°. Traduction de Bernard Colombat et Manfred Peters. Éd. et trad. à paraître à Genève en 2008.

2 L’année de la parution de la grande Bible latine de Leo Jud et alii, Froschauer publia un très intéressant et encore rare Index librorum, quos Christophorus Froschouerus Tiguri hactenus suis typis excudit : ita digestus, ut libros singulos bini fere numeri sequantur, quorum prior annum Domini, alter libri formam notat, [Zürich, Christoph Froschauer l’Ancien, 15]43. En 1562, puis 1581, Froschauer redonnera un tel catalogue de sa production. Il ne semble pas qu’il publia de Nouveau Testament grec avant 1559 (cf. Die Bibelsammlung der Württembergischen Landesbibliothek Stuttgart. Erste Abteilung. Dritter Band, Griechische Bibeldrucke, éd. Stefan Strohm, Peter Amelung, Irmgard Schauff ler, Eberhard Zwink, Stuttgart-Bad Cannstatt, 1984, n° C 81, p. 42). Il faut se souvenir que Zurich avait bien moins d’expérience que Bâle dans l’édition de textes grecs (cf. Frank Hieronymus, Griechischer Geist aus Basler Pressen, catalogue d’exposition, Basel, 1992, n° 310, pp. 455-460, ici p. 459), Oporin, à Bâle, pouvant même imprimer en grec pour Froschauer, à Zurich.

3 Jaroslav Pelikan, The Reformation of the Bible, the Bible of the Reformation, Catalog of the Exhibition by Valerie R. Hotchkiss and David Price, New Haven, London, 1996.

4 Den Hollander, n° 3, pp. 264-267. En 1522, avaient paru les Évangiles chez Jacob van Liesvelt (ibid., n° 1, pp. 258-260), et non le Nouveau Testament chez Hans I van Ruremond (cf. Darlow & Moule, n° 3276, vol. 2, p. 299, à corriger).

5 Darlow & Moule, n°s 3280 et 3282, vol. 2, p. 300 ; mais surtout Den Hollander n° 24, pp. 326-329 ; et n°s 32 et 32-a, pp. 350-357.

6 Darlow & Moule, n° 3149, vol. 2, p. 277.

7 Darlow & Moule, n° 3151, vol. 2, p. 277s. La Bible complète en danois ne paraîtra qu’en 1550, cette fois à Copenhague, chez Ludowich Dietz (ibid., n° 3155, p. 278s).

8 Darlow & Moule, n° 5405s, vol. 2, p. 765s.

9 Darlow & Moule, n° 5488, vol. 2, p. 780.

10 Darlow & Moule, n° 5489, vol. 2, p. 781s.

11 Biblia, Thet är, All then Helgha Scrifft, på Swensko (Darlow & Moule, n° 8808, vol. 2, p. 1494s).

12 Nya testamentet, Stockholm, 1526 (Darlow & Moule, n° 8806, vol. 2, p. 1492s).

13 Darlow & Moule, n° 3637, vol. 2, p. 366 ; n° 3639, p. 366s.

14 Traduction faite sur le grec, avec l’aide d’autres versions, due à Jan Sieklucki (Seclutianus), le colophon des deux parties est daté de 1552 (cf. Darlow & Moule, n° 7381, vol. 2, p. 1213). La Bible complète ne parut à Cracovie qu’en 1561 (ibid., n° 7383, vol. 2, p. 1214s).

15 Darlow & Moule, n°s 8418-8424, vol. 2, pp. 1414-1417.

16 Darlow & Moule, n° 8083, vol. 2, p. 1349s.

17 Darlow & Moule, n°s 8369 et 8370, vol. 2, pp. 1400-1402.

18 Darlow & Moule, n° 2175, vol. 2, p. 142s.

19 Darlow & Moule, n° 2177, vol. 2, p. 143.

20 Darlow & Moule, n° 2178, vol. 2, p. 143.

21 Darlow & Moule, n° 8465, vol. 2, p. 1426s.

22 Darlow & Moule, n° 8472, vol. 2, p. 1431s.

23 Darlow & Moule, n° 1958, vol. 2, p. 111s. On attend de lire l’article de Jean-François Courouau dans le BSHPF en 2008.

24 Index aureliensis, Prima pars A/13, Nieuwkoop, 1970, p. 212.

25 Françoise Waquet, Le Latin, ou l’Empire d’un signe XVIe-XXe siècle, Paris, 1998, p. 99, et n. 93 p. 340 (se référant à un article de Claire Gantet, « La religion et ses mots. La Bible latine de Zurich (1543) entre la tradition et l’innovation », dans Zwingliana 23, 1996, pp. 143-166, ici p. 144, n. 2. C. Gantet se référait elle-même à une étude ancienne de John M. Lenhart, « Protestant Latin Bibles of the Reformation from 1520-1570. A Bibliographical Account », dans The Catholic Biblical Quarterly, 8, 1946, pp. 416-432, ici pp. 430 et suiv. L’auteur précisait que le dépouillement fait sur la Bibliotheca sacra du P. Le Long était incomplet. Lenhart comptait à la même époque quatre-vingts versions complètes de la Bible en latin dans des villes catholiques et placées à l’Index. F. Waquet évoque quelques plaidoyers pour la traduction de la Bible en langue vernaculaire (Érasme, Lefèvre d’Étaples) avant de parler de la Bible au concile de Trente (pp. 59-63). La Bible en latin n’est pas son objet d’étude.

26 Cf. notre article « Cinquante ans de révision… », dans BHR, 53, 1991, pp. 347-377, ici p. 368. De la bible de 1588, le tirage des in-octavo se monta à 6000 et ils furent écoulés en quatorze ans, alors qu’il restait encore 1200 in-folio en 1597 et 800 in-quarto en 1598.

27 Je suis bien conscient avec Frédéric Barbier et les spécialistes des incunables allemands que Gutenberg imprima d’abord un Donat à 27 lignes en 1453-1454, ainsi que des lettres d’indulgence (Ablaßbriefe) et un Türkenkalender à la fin 1454 (Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernité occidentale, Paris, Belin, 2006, pp. 136-145. Le texte de la Bible de Gutenberg était celui de la « Bible de l’Université » parisienne).

28 Cette analyse se fonde sur le Gesamtkatalog der Wiegendrucke (GW) ; sur Die Bibelsammlung der württembergischen Landesbibliothek Stuttgart. Erste Abteilung. Vierter Band. Lateinische Bibeldrucke 1454-2001, éd. Christian Heitzmann, Manuel Santos Noya, avec la collab. d’Irmgard Schauff ler et de Eberhard Zwinck, Stuttgart-Bad Cannstatt, 2002, 3 vol. 1, 1454-1564 ; 2, 1565-1738 ; 3, 1740-2001 (Lateinische Bibeldrucke 1454-1564) ; et sur le volume Bibles imprimées du XVe au XVIIIe siècle conservées à Paris, catalogue collectif, éd. Martine Delaveau et Denise Hillard, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003 (Bibles imprimées). Les actes du colloque d’Amiens, Biblia. Les Bibles en latin au temps des Réformes, éd. par Marie-Christine Gomez-Géraud, Paris, 2008, ne comportent pas d’études synthétiques, mais quelques études de cas, dont certaines bien menées.

29 Lateinische Bibeldrucke 1454-1564, D 22 (Bb lat. 1471 01).

30 Gilbert Dahan, « Lexiques hébreu / latin ? Les recueils d’interprétations des noms hébraïques », dans Les Manuscrits des lexiques et glossaires de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge, actes du colloque international… (Erice, 23-30 septembre 1994), éd. Jacqueline Hamesse, Louvain-la-Neuve, 1996, pp. 481-526.

31 Pierre Aquilon, « Les trente pionnières, 1470-1500 », dans Paris, capitale, ici p. 62.

32 $, D 148 (Bb lat. 1491 01).

33 Lateinische Bibeldrucke 1454-1564, D 149 (Bb lat. 1491 01).

34 Biblia cum concordantiis veteris et novi testamenti et sacrorum canonum (-4°; Chicago, Newberry Library, Wing ZP 535. G431). Remarquons que le colophon précise le nom du doge régnant, Leonardo Loredano (« Leonardo Lauredano Serenissimo Venetiarum Duce principante » ; celui-là même que Bellini a immortalisé). Le paratexte critique de cette édition comprend, entre autres, une table mnémotechnique versifiée de 1202 chapitres de la Bible, une table aphabétique thématique rédigée par le franciscain Gabriele Bruno, ainsi qu’un sommaire détaillé des livres de la Bible répartis en légaux, historiques, sapientiaux et prophétiques, quadripartition valable tant pour l’Ancien Testament que pour le Nouveau, toutes les Épîtres étant les textes sapientiaux ! Cf. Henri Quentin, Mémoire sur l’établissement du texte de la Vulgate, Roma, 1922, pp. 96-99 (« Collectanea biblica latina », 6) (abrégé Quentin).

35 Biblia cum concordantiis…, ouvr. cit., Venezia, 1511, f° 510r°. Relu dans Biblia cum concordantiis veteris et novi testamenti, Lyon, Jacob Sacon aux dépens d’Anton Koberger de Nuremberg, 1513, f° CCCXIIv°; etc.

36 Il faudrait faire une collation sérieuse entre l’édition d’Alberto da Castello et celle de Bernardino Gadolo (moine camaldule comme Malerbi) parue en 1495 à Venise chez Paganino de Paganinis, et réunissant pour la première fois la Glose et les Postilles de Nicolas de Lyre. Quentin minimisait cette édition-ci (ouvr. cit., pp. 95 et suiv.), mais non pas Dominique Barthélemy (Critique textuelle de l’Ancien Testament. 2. Isaïe, Jérémie, Lamentations, Fribourg et Göttingen, 1986, pp. *29 et suiv. (« Orbis Biblicus et Orientalis », 50/2).

37 Biblia sacra utriusque Testamenti, diligenter recognita, emendata, non paucis locis, quæ corrupta erant, collatione hebraicorum voluminum restitutis, Nürnberg, Friedrich Peypus, aux dépens de Johann Koberger (pp. 100 et suiv.). On trouve l’adresse «pio lectori» dans Andreas Osiander d. Ä. Gesamtausgabe, 1, Schriften und Briefe 1522 bis März 1525, éd. Gerhard Müller, en collab. avec Gottfried Seebaß, Gütersloh, 1975, n° 3, pp. 64-66. Osiander précise qu’il a aussi consulté la Septante («…consultis Hebræa veritate et septuaginta interpretibus subodorarer, qui esset legendum »). Il se plaint aussi de l’incurie ancienne et présente des typographes, plainte ancestrale s’il en est, et regrette de ne pas avoir consacré suffisamment de temps à cette correction.

38 Biblia sacra utriusque Testamenti, juxta veterem translationem qua hucusque Latina utitur Ecclesia, ex antiquissimis ac recentioribus exemplaribus diligentissime collatis, Nürnberg, Johann Petreius.

39 Sacra Biblia ad LXX. interpretum fidem diligentissime tralata, Basel, Andreas Cratander.

40 Wolfenbüttel, HAB, Bibel-Sammlung, 4° 149.

41 Psalterium ex hebreo diligentissime ad verbum fere tralatum : fratre Felice ordinis Heremitarum sancti Augustini interprete summum pontificem Leonem decimum approbatum, Venezia, Peter Liechtenstein de Cologne, aux dépens de Daniel Bomberg d’Anvers (Londres, British Library, 3090.cc.9). Sur ces psautiers, voir notre « Renaissance Humanism and Old Testament Hermeneutics », contribution au colloque The New Hermeneutics of Peter Martyr Vermigli (1499-1562), Montréal, McGill University, 8-10 août 2007, à paraître, Leiden, Brill.

42 Psalterium Hebræum, Græcum, Arabicum, et Chaldæum, cum tribus latinis interpretationibus et glossis, Genova, Pietro Paulo Porrus pour Nicolao Giustiniani Paulo, 1516 (Londres, British Library4.d.7).

43 Marvin J. Heller, The Sixteenth Century Hebrew Book. An Abridged Thesaurus, 2 volumes, Leiden, 2004, vol. 1, p. 99.

44 Biblia. Habes in hoc libro, prudens lector, utriusque Testamenti novam tranlationem æditam a reverendo sacræ theologiæ doctore Sancte Pagnino Lucensi concionatore apostolico Prædicatorii ordinis…, Lyon, Antoine Du Ry, 1528 [colophon daté du 29 janvier 1527, v. st.]. Cf. Timoteo A. Centi, « L’attività letteraria di Santi Pagnini (1470-1536) nel campo delle scienze bibliche », dans Archivum Fratrum Prædicatorum 15, 1945, pp. 5-51 ; Anna Morisi Guerra, « Santi Pagnini traducteur de la Bible », dans Théorie et pratique de l’exégèse, Actes du troisième colloque international sur l’histoire de l’exégèse biblique au XVIe siècle (31 août-2 septembre 1988), éd. Irena Backus, Francis Higman Genève, 1990, pp. 191-198 (« Études de philologie et d’histoire », 43) ; et notre «Sante Pagnini, traducteur ad litteram et exégète secundum allegoriam de l’Écriture (1520-1536)», dans Philologie et subjectivité, éd. Dominique de Courcelles, Paris, 2002, pp. 41-52 (« Études et rencontres », 10).

45 Chez Sébastien Gryphe, Lyon, 1529, 2°.

46 «Incipit liber qui Hebraica dicitur Beresith, id est in principio, et Grece Genesis, Latine generatio, interprete Sancte Pagnino Lucensi præ. ordi. concionatore aposto » (Biblia, f° Ir°).

47 « Sebastianus Castalio Eduardo Sexto Angliæ Regi clariss.[imo] Salutem », dans Biblia, f° α2r°-[α5]r°. Analyse de ce texte chez Ferdinand Buisson, Sébastien Castellion, sa vie et son œuvre (1515-1563), Paris, 1892, t. 1, pp. 301-309.

48 Voir la traduction de Ferdinand Buisson, ibid., p. 308, mais revue sur le latin (Biblia, f° [α5]r°).

49 Dans le décret sur l’édition répandue (vulgata) de la Bible et la manière d’interpréter la sainte Ecriture (modus interpretandi), « le même saint concile, a considéré qu’il pourrait être d’une grande utilité pour l’Église de Dieu, de faire connaître parmi toutes les éditions latines des Livres saints qui sont en circulation, celle que l’on doit tenir pour authentique (ex omnibus latinis editionibus, quæ circumferuntur sacrorum librorum, quænam pro authentica habenda sit). Aussi statue-t-il et déclare-t-il que cette édition ancienne et répandue (hæc ipsa vetus et vulgata editio), qui a été approuvée dans l’Église par le long usage de tant de siècles, doit être tenue pour authentique dans les leçons publiques (lectionibus), les disputes, les prédications et les commentaires (explicationibus), et que personne, sous quelque prétexte que ce soit, n’ait assez de hardiesse ou de témérité pour la rejeter » (Les Conciles œcuméniques, t. II-2, Les Décrets : Trente à Vatican II, éd. G. Alberigo et alii, Paris, 1994, pp. 1350 et suiv. Ce texte, sous le titre « De canonicis scripturis decretum ex concilio Tridentino sessione quarta », sera d’ailleurs imprimé en tête de la Biblia sacra vulgatæ editionis, Rome, Ex Typographia Apostolica Vaticana, 1592, après la « Praefatio Ad Lectorem ».

50 Hebrew Incunabula in Public Collections. A First International Census compiled by A. K. Offenberg in collaboration with C. Moed-van Walraven, Nieuwkoop, 1990, n°s 10 à 47, ici n° 34, p. 45 (sans identification de ville ni d’imprimeur). Cf. aussi le toujours excellent Christian D. Ginsburg, Introduction to the Massoretico-critical edition of the Hebrew Bible, London, 1897, n° 1, pp. 780-794.

51 Ginsburg, Introduction, ouvr. cit., n° 6, pp. 820-831 (absent chez Offenberg).

52 Ginsburg, Introduction, ouvr. cit., n° 9, pp. 847-855, et n° 13, pp. 871-880 ; Hebrew Incunabula, ouvr. cit., n° 11, p. 16, et n° 12, p. 17. La quatrième bible hébraïque parut à Pesaro de 1511 à 1517 (Ginsburg, Introduction, n° 18, pp. 895-906).

53 C’est à Ferrare que parut en 1553 la traduction espagnole de la bible juive : Biblia en lengua Española traduzida palabra por palabra dela verdad Hebrayca por muy excelentes letrados vista y examinada por el officio dela Inquisicion (Biblia (…) traduzida (…) con yndustria y deligencia de Abraham Usque Portugues estampada en Ferrara a costa y despesa de Yom Tob Atias hijo de Levi Atias Español, en. 14. de Adar de 5313 [1553]). Publiée avec le privilège du duc de Ferrare, Hercule II d’Este, aux dépens de Geronimo de Vargas (in-folio).

54 Cf. à nouveau Ginsburg, Introduction, n° 19, pp. 906-925 (avec les dates 1514-1517, mais on sait maintenant que la publication s’acheva en 1522). Chaque histoire de la Bible en passe par cette polyglotte : à titre d’exemple, cf. Basil Hall, dans The Cambridge History of the Bible. Vol. 3, The West from the Reformation to the Present Day, éd. S. L. Greenslade, Cambridge, 1987 (1re éd., 1963), pp. 50-52. Le cinquième volume donnait le Nouveau Testament (en deux colonnes, texte grec et texte latin attribué à Jérôme, chaque mot ou groupe de mots du grec étant surmonté d’une lettre en exposant correspondant à un mot ou groupe de mots latins surmonté de la même lettre en exposant) ; le sixième volume comportait un dictionnaire biblique hébreu-latin, « Vocabularium hebraicum », l’interprétation des noms hébreux, araméens et grecs, ainsi qu’une grammaire de l’hébreu (reprint Roma, 1983-1984). Marvin J. Heller, The Sixteenth Century Hebrew Book, ouvr. cit., vol. 1, pp. 54 et suiv. (qui donne 1514-1517 pour l’impression, une présentation au pape en décembre 1521 et une diffusion en 1522 ; mais Michael Screech a montré que des cartons, voire des cahiers n’ont pu être imprimés qu’en 1521 : communication au colloque parisien de 1991 sur La Bible dans l’Europe de l’imprimé).

55 « Le texte médiateur : la restitution de la Parole divine », dans Mise en page, pp. 280-299, ici p. 287.

56 Ginsburg, Introduction, pp. 917-925, résumé par Marvin J. Heller, The Sixteenth Century Hebrew Book, ouvr. cit., p. 55.

57 Ginsburg, Introduction, pp. 925-948 ; Marvin J. Heller, The Sixteenth Century Hebrew Book, ouvr. cit., pp. 94 et suiv. (tous deux avec la liste des commentaires rabbiniques).

58 Ginsburg, Introduction, pp. 934 et suiv. (texte hébreu et traduction anglaise).

59 Ibid., pp. 945 et suiv. (« ut par fere mendarum numerus dictiones ipsas consequeretur »).

60 Ibid., pp. 956-974.

61 L’édition rabbinique de 1516-1517 ne donnait que Qeri (ce qui est à lire, les variantes officielles) et Kethiv (ce qui est écrit, les consonnes du texte massorétique).

62 Karl Heinz Burmeister, Sebastian Münster. Versuch eines biographischen Gesamtbildes, Basel, Stuttgart, 1963, pp. 89-96 ; Marvin J. Heller, The Sixteenth Century Hebrew Book, ouvr. cit., pp. 304 et suiv. (seulement cette édition de 1546). La mention de l’officine Bebeliana n’est pas présente dans cette édition de 1546.

63 Biblia, Lyon, Antoine de Ry, 1528. Michel Servet réédita ce texte à Lyon en 1542, et Robert Estienne l’adopta pour sa dernière édition latine de la Bible (Genève, 1556-1557). Sur Servet et la Bible (mais non l’édition de 1542), voir Bernard Roussel, « Michel Servet et la Bible », dans Michel Servet (1511-1553). Hérésie et pluralisme du XVIe au XXIe siècle, Actes du colloque de l’EPHE, 11-13 décembre 2003, éd. Valentine Zuber, Paris, 2007, pp. 109-127.

64 Cf. la deuxième édition de ce texte, Evangelium secundum Matthæum in lingua Hebraica, cum versione Latina, atque annotationibus Seb. Munsteri, Basel, Heinrich Petri, 1557 ; la haine contre les juifs, « ennemis de la croix du Christ », contre leurs tromperies et leur impiété est exprimée fortement f° aa, r°-v°.

65 Jean Calvin, Sermons sur la Genèse, chapitres 1 à 20,4, éd. Max Engammare, Neukirchen, 2000, t. 1, p. XLV (« Supplementa Calviniana », XI/1 et XI/2).

66 Cf. notre « Introduire une édition humaniste de la Bible. Les prologues des bibles de Robert Estienne (1528-1560) », dans Entrer en matière. L’art du prologue, éd. Bernard Roussel et Jean-Daniel Dubois, Paris, Le Cerf, 1998, pp. 393-425, ici p. 412 (1544 à corriger en 1546 pour l’édition in-16°) ; Lyse Schwarzfuchs, Le Livre hébreu à Paris au XVIe siècle. Inventaire chronologique, Paris, 2004, pp. 34-37, et 91-132 ; Marvin J. Heller, The Sixteenth Century Hebrew Book, ouvr. cit., pp 236 et suiv.

67 Cf. Πάντα τά ϰατ΄’εξοχήν ϰαλούμενα βιβλία θείας δηλαδή γραφής παλαιάσ τε ϰαί νέας. Comme le colophon est daté de février 1518 et que l’année commençait à Venise au 1er mars, il faut interpréter le millésime comme 1519 (nouveau style). Cette édition comportait donc l’Ancien et le Nouveau Testament.

68 « Etenim ego multis vetustissimis exemplaribus collatis, adhibita etiam quorundam eruditissimorum hominum cura Biblia (ut vulgo appellant) græce cuncta descripsi… » Ibid., f° [øii] r°.

69 Ibid., f° ϕϕiir° (cf. aussi Allen n° 770, Opus epistolarum Des. Erasmi Roterodami, t. 3, Oxford, 1922 (1re éd. 1913), pp. 212-214).

70 Της θειας γραφης, παλαιας δηλαδη ϰαι νεας διαθηκθς, απαντα (sans accent sur le grec), Basel, Johann Herwagen, 1545, f° *2r°-*3v°.

71 « Versionem vero græcam prophetarum scio longe squalidiorem esse suis fontibus : sed tamen extare eam utile est, cum ea Græci etiamnum utantur, et collatio sæpe Latinis prodesse possit : denique cum sententiæ a Paulo citatæ ostendant, tunc eam in manibus Apostolorum fuisse » (ibid., f° *2v°).

72 Le livre de Jean-Christophe Saladin, La Bataille du grec à la Renaissance, Paris, 2000, est à prendre avec précaution, car il comporte de nombreuses inexactitudes, demi-vérités et raccourcis cruels. Sur la Bible, 2e partie, « La crise des langues sacrées (1516-1520) », pp. 145-304.

73 Cf. notre ‘Qu’il me baise des baisiers de sa bouche’. Le Cantique des cantiques à la Renaissance. Étude et bibliographie, Genève, 1993, p. 119 (Travaux d’Humanisme et Renaisance 277).

74 Loris Petris, La Plume et la tribune. Michel de l’Hospital et ses discours (1559-1562), Genève, 2002, pp. 520 et suiv. (« THR », 360) (Londres, BL, C.18. b.4).

75 Gilbert de Botton, Francis Pottiée-Sperry, « A la recherche de la « librairie » de Montaigne », dans Bulletin du bibliophile, 1997, 2, pp. 254-298, ici n° 14, p. 282.

76 Isabelle de Conihout, « Du nouveau sur la bibliothèque de Philippe Desportes et sur sa dispersion », dans Philippe Desportes (1546-1606). Un poète presque parfait entre Renaissance et classicisme, éd. Jean Balsamo, Paris, Klincksieck, 2000, pp. 121-160, ici, n° 88, p. 143.

77 Ibid., n° 138, p. 147.

78 Ibid., n° 278, p. 159.

79 Un exemplaire était en vente au printemps 2002 à la Librairie Pierre-Adrien Yvinec, à Paris, au prix de 6500 Euros (catalogue n° 6, n° 77, avec photo de la page de titre avec deux ex-libris de Desportes : « Ph Portæus » et « Desportes » ; l’ex-libris français ayant été biffé). Hieronymus Froben étant mort en 1563, l’achevé d’imprimer mentionne « Per Frobenium et Episcopium ».

80 Lorenzo Valla, Collatio Novi Testamenti. Redazione inedita di A. Perosa, Florence, 1970. C’est en 1504 qu’Érasme avait redécouvert le commentaire de Valla sur le Nouveau Testament et il l’avait édité, en 1505, à Paris chez Josse Bade et Jean Petit.

81 Frank Hieronymus, Griechischer Geist aus Basler Pressen, Basel, 1992, n° 16, pp. 28-33, ici p. 33.

82 Cf. le titre programmatique et justificatif : Novum Instrumentum omne, diligenter ab Erasmo Roterodamo recognitum et emendatum, non solum ad græcam veritatem, verumetiam ad multorum utriusque linguæ [latin et grec] codicum, eorumque veterum simul et emendatorum fidem, postremo ad probatissimorum autorum citationem, emendationem et interpretationem, præcipue, Origenis, Chrysostomi, Cyrilli, Vulgarii, Hieronymi, Cypriani, Ambrosii, Hilarii, Augustini, una cum Annotationibus, quæ lectorem doceant, quid qua ratione mutatum sit. Quisquis igitur amas veram Theologiam, lege, cognosce, ac deinde judica. Neque statim offendere, si quid mutatum offenderis, sed expende, num in melius mutatum sit, Basel, Johann Froben, 1516, la “Paraclesis”, f° aaa3v°-bbbr°.

83 Érasme, Les Préfaces au Novum Testamentum présentées, traduites et commentées par Yves Delègue avec la collab. de J.-P. Gillet, Genève, 1990, p. 74 (texte latin) et 75 (trad. fr., que j’ai revue).

84 Guy Bédouelle, « Érasme, Lefèvre d’Etaples et la lecture de la Bible en langue vulgaire », dans Lay Bibles in Europe, 1450-1800, éd. M. Lamberigts, A. A. Den Hollander, Louvain, 2006, pp. 55-67, ici pp. 60-64 (« Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lavaniensium », 198). Jean-François Cottier, « La Théorie du genre de la paraphrase selon Érasme », dans Les Paraphrases bibliques aux XVIe et XVIIe siècles. Actes du colloque de Bordeaux des 22, 23 et 24 septembre 2004, éd. Véronique Ferrer, Anne Mantero, Genève, 2006, pp. 45-58 (« THR », 415). Holy Scripture Speaks : The Production and Reception of Erasmus’ Paraphrases on the New Testament, éd. Hilmar M. Pabel, Mark Vessey, Toronto, Buffalo, London, 2002 (et notre c. r. dans Journal of Ecclesiastical History 55, 2004, pp. 383 et suiv.).

85 Cf. e. g. : Den Bibel. Tgeheele Oude ende Nieuwe Testament met grooter naersticheyt naden Latijnschen text gecorrigeert…, Anvers, Willem Vorsterman, 1528.

86 Cf. e. g., Den Bibel, Jacob van Liesvelt, Anvers, 1534.

87 Christine Bénévent, « Érasme et le(s) latin(s) », dans BHR, 69, 2007, pp. 627-644.

88 Hans Rudolf Lavater, « Die Froschauer Bibel 1531 – das Buch der Zürcher Kirche » (Anhang des Reprints Die gantze Bibel, Zürich, Christoph Froschauer, 1531), Zürich, 1983, p. 1361.

89 « Sendbrief vom Dolmetschen », dans D. Martin Luthers Werke, 30/2, Weimar, 1909, pp. 627-646, ici p. 633, et la traduction française dans MLO, VI, 1964, pp. 187-204, ici p. 191 (traduction française dont il faut se méfier, ainsi Sudler (griffonneur) devient le patronyme d’un personnage). Voir aussi Catherine Bocquet, L’Art de la traduction selon Martin Luther, ou Lorsque le traducteur se fait missionnaire, Arras, 2000, qui corrige cette traduction française.

90 « Sendbrief… », ouvr. cit., p. 637, et trad. fr., ouvr. cit., p. 195.

91 Alle Propheten nach Hebraischer sprach verteütscht, Worms, Peter Schöffer, 1527 (colophon daté du 13 avril, préface du 3 avril).

92 Die Bibelsammlung der württembergischen Landesbibliothek Stuttgart, zweite Abteilung, Deutsche Bibeldrucke 1466-1800. 1. Band, 1466-1600, éd. Stefan Strohm, collab. Peter Amelung, Irmgard Schauff ler, Eberhard Zwink, Stuttgart-Bad Cannstatt, 1987, E 1, pp. 3 et suiv.

93 Une Deutsche Bibel imprimée par Koberger à Nuremberg (1483) et coloriée à l’époque (?) vient ainsi d’atteindre près de 100 000£ : Valuable Printed Books and Manuscripts, Christie’s, Londres, catalogue de la vente 7471 du 14 novembre 2007, n° 59, 96 500£ (avec l’échute).

94 Cf. aussi la Bibel de Jodocus Pf lanzmann, autour de 1475 [avant le 20 juin 1477], qui a 21 bois, certains répétés pour arriver à 57 illustrations (Deutsche Bibeldrucke 1466-1600, Bb deutsch 1475 01, n° E 6, pp. 8 et suiv. ; GW 4297 ; Darlow & Moule, pp. 488 et suiv.).

95 Chez Peter Jordan (Deutsche Bibeldrucke 1466-1600, n° E 273, p. 156s). Paul Heinz Vogel, « Die Bibelübersetzungen von Dietenberger und Ulenberg in ihrem Verhältnis zur Mainzer Bibel. Ein Beitrag zur Klärung », dans Gut. Jb., 1964, pp. 227-233. Karl Heinz Musseleck, Untersuchungen zur Sprache katholischer Bibelübersetzungen der Reformationszeit, Heidelberg, 1981, pp. 28-33 (« Studien zum Frühhochdeutschen », 6).

96 Hans Volz, The Cambridge History of the Bible, ouvr. cit., ch. III (« Continental versions to c. 1600, 1. German versions »), pp. 94-109, ici p. 108.

97 Après avoir dressé un bien sombre tableau du temps présent et des quinze dernières années en Allemagne, en particulier dans l’utilisation et la traduction de la Bible, Dietenberger explique comment il s’est laissé persuader de réaliser seul, ce qui demanderait plutôt dix Argus et Hercule, une nouvelle traduction allemande de la Bible ! Celle-ci a été faite depuis le latin, mais il n’a pas manqué de se référer aux textes hébreu et grec pour amender le texte, ce dont il rend compte dans ses annotations. En homme de cour, il dédie sa traduction à Albrecht « als dem höchsten durch Germanien Ertzbischöfen, Churfürsten, unnd Ertzcantzler und der gantz teutschen nation hochwirdigsten Primaten, und als unserm höchsten Pastor » (f° 2v°-[3]r°), qui ne manque pas de défendre la vérité de l’Évangile en ces temps troublés. Cette dédicace (f° 2r°-[3]r°) est datée de Mayence le 24 décembre 1533, un Weihnachtsgeschenk pour son archevêque !

98 Vers 1522 au pied de la Croix (Munich, Alte Pinakothek) ; en Jérôme dans son cabinet (à la manière de la gravure de Dürer) en 1525 (Darmstadt, Hessiches Landesmuseum) ; et en Jérôme en extérieur en 1527 (Berlin, Gemäldegalerie). Pour cette dernière représentation, moins connue, voir Der Kardinal Albrecht von Brandenburg. Renaissancefürst und Mäzen, éd. Thomas Schauerte, Regensburg, 2006, 2 vol., n° 91, pp. 188 et 191. Albrecht se fit également représenter sous les l’apparence de saint Martin et de saint Érasme (ibid., n°s 92A et 93A). Voir aussi, Andreas Tacke, « Albrecht als heiliger Hieronymus », dans Essays, éd. Andreas Tacke, Regensburg, 2006, t. 2., pp. 116-129 (pour les quatre peintures représentant Albrecht von Brandenburg en saint Jérôme).

99 Cf. entre autre Deutsche Bibeldrucke 1466-1600, n° E 296, pp. 168-170.

100 Bjbel. Alt und new Testament, nach dem Text in der hailigen kirchen gebraucht, Augsburg, 1537, f° *iir°.

101 Ibid.

102 Reproduction dans Leben und Werk Martin Luthers von 1526 bis 1546, Festgabe zu seinem 500. Geburtstag, dir. Helmar Junghans, Göttingen, 1983, 2 vol., ill. 16 et 17.

103 Philipp Schmidt, Die Illustration der Lutherbibel 1522-1700. Ein Stück abendländische Kulturund Kirchengeschichte mit Verzeichnissen der Bibeln, Bilder und Künstler, Basel, 1962, p. 295, ill. 215 ; Deutsche Bibeldrucke 1466-1600, Bb deutsch 1572 02, et ill. 17b.

104 Deutsche Bibeldrucke 1466-1600, Bb deutsch 1555 02, n° E 390. L’édition est partagée entre Hans Lufft et les héritiers de Georg Rhau. Elle est réadoptée en 1557, chez les mêmes, alors qu’on la retrouve dans la Biblia. Das ist die gantze heylige Schrifft, Teutsch. D. Mart. Luth., 1569 (Deutsche Bibeldrucke 1466-1600, Bb deutsch 1569 01, et ill. 16), etc.

105 Colophon de la première partie de l’Ancien Testament daté du 12 mai 1531. Zwingli trouve la mort à la deuxième bataille de Kappel le 11 octobre 1531.

106 Hans Rudolf Lavater, ouvr. cit., pp. 1383 et suiv.

107 Ibidem, pp. 1365-1367.

108 « Die Schweizer haben fast keine Doppellaute », dans Tischrede, n° 4018 (1538) (WA TR 4), citée par Hans Rudolf Lavater, ouvr. cit., p. 1367.

109 « Protestantism and Literacy in Early Modern Germany », dans Past and Present, 104, 1984, pp. 31-55.

110 « De la chaire au bûcher, la Bible dans l’Europe de la Renaissance. Pour rendre compte d’une production récente abondante », dans BHR, 61, 1999, pp. 737-761.

111 1 Pierre 2, 5, avec la mention de ἱεράτευμα ’άγιον.

112 Edoardo Barbieri, Le Bibbie italiene del quattrocento e del cinquecento, Storia e bibliografia ragionata delle edizioni in lingua italiana dal 1471 al 1600, Milano, Editrice bibliografica, 1991-1992 (ci-après Barbieri). Gigliola Fragnito, La Bibbia al rogo. La censura ecclesiastica e i volgarizzamenti della Scrittura (1471-1605), Bologna, Il Mulino, 1997. Id., « Per una geografia delle traduzioni bibliche nell’Europa cattolica (sedicesimo e diciasettesimo secolo) », dans Papes, princes et savants dans l’Europe moderne. Mélanges à la mémoire de Bruno Neveu, éd. Jean-Louis Quantin, Jean-Claude Waquet, Genève, 2007, pp. 51-77, avec une brève analyse synthétique sur la Bible au XVIe siècle, pp. 52-56 (« Hautes études médiévales et modernes », 90). La consultation d’Antonella Lumini, La Bibbia. Edizioni del XVI secolo (Firenze, 2000) s’avère quelquefois utile.

113 G. Fragnito, La Bibbia al rogo, p. 32 ; Barbieri, n° 79, p. 372 (Venezia, Gerolamo Scoto).

114 Ordre religieux fondé par Romuald de Ravennes au XIe siècle, qui suit la règle de Benoît.

115 Barbieri, pp. 22 et stt 45 (dédicace au franciscain Lorenzo de Venise) : « a traducere tal volume assumendo la fatica di circa mesi octo » (cf. pp. 15-106, pour la carrière de Malerbi et l’étude de sa traduction).

116 Barbieri, n° 2, pp. 191-196.

117 Il Nuovo Testamento di Greco nuovamente tradotto in lingua Toscana per Antonio Brucioli, Venezia, Lucantonio Giunti, 1530. Dédié au cardinal de Mantoue Ercole Gonzaga, le texte est en ligne sur le site http ://bibbia.signum.sns.it (avec d’autres bibles du XVIe siècle). On trouve déjà dans cette dédicace les thèmes du pain de vie à distribuer aux plus simples. Il faut « sapere l’evangelio, seguitare l’evangelio, vestire quello huomo spirituale, che in esso si descrive, spoliando il nostro carnale… » (f° ✠iiv°). La critique des philosophes, le retour à l’Eglise des martyrs sont d’autres thèmes déjà présents en 1530 chez Brucioli.

118 Paris, BnF, Rés A-363 (prénom et nom de l’auteur ayant été caviardés). Le colophon indique le mois de mai. Barbieri, n° 23, pp. 246-250 (et A 9, page de titre, E 1-21, illustrations de l’Apocalypse). Cf. les différents travaux d’Andrea Del Col sur Brucioli.

119 C’est la semence, non la femme (interprétée comme Marie), qui écrasera la tête du serpent : « Et porro nimicitie fra te et la donna, et fra il seme tuo, et il seme suo. Esso ti percotera il capo » (ibid., f° 1v°).

120 « Fororno le mani mie, et i piedi miei » (ibid., f° 170v°). Barbieri avait déjà relevé la note que l’on trouve au début de ce Psaume au sujet du verset 16, dans laquelle Brucioli expliquait connaître la leçon hébraïque « come lione le mani mie, et i piedi mei », mais préférer la traduction chrétienne. Il déclarait : « L’habbiamo lasciato stare come leggono i christiani, pensando che ne l’altra lettura possa essere depravatione » (cf. f° 170v° et Barbieri, p. 249). Barbieri n’avait pas vu que cette remarque et ce choix de garder les leçons chrétiennes grecque et latine venait du commentaire de Bucer de 1529, préférant l’erreur chrétienne à la vérité hébraïque (cf. notre article « Les ‘allegories fermes’ des hébraïsants chrétiens de la Renaissance : avatar ou triomphe de la pensée médiévale ? », dans L’Allégorie de l’Antiquité à la Renaissance, éd. Brigitte Pérez-Jean, Patricia Eichel-Lojkine, Paris, Champion, 2004, pp. 567-584). Dans son commentaire des Psaumes de 1534, Brucioli s’étendra sur une corruption intentionnelle des voyelles hébraïques, pour lire « comme un lieu » et non « ils ont percé », atténuant la lecture christologique (Antonio Brucioli, I Sacri psalmi di David, distinti in cinque Libri, Tradotti dalla Ebraica verita in lingua toscana, et con nuovo commento dichiarati, Venezia, Aurelio Pincio, 1534, f° LX v°).

121 Barbieri, n° 30, pp. 267-269 ; n° 32, pp. 272 et suiv. ; n° 47, pp. 304 et suiv. Scoto fera même disparaître le nom du traducteur de la page de titre, tout en laissant la signature que l’on trouve à la fin de l’Apocalypse dès 1532 : « Fine de la nuova translatione del vecchio et nuovo testamento, fatta per Antonio Bruccioli servo di Christo Giesu Signore et Salvatore nostro alquale honore et gloria nel secolo de [di] secoli. Amen ». Dominico Giglio fera de même en 1551, etc.

122 «…Et con tutto questo non di picciolo aiuto mi è stato quel grandissimo Rabbi Elia Levita, il quale come tutti gli altri Rabbi hebrei de nostri tempi passa ne la grammatica di questa santa lingua hebraica » (cf. La Biblia, 1532, v° de la page de titre).

123 La Biblia, 1532, f° [✠iv]r°-[✠vi]v°.

124 La Biblia, 1532, f° [✠v]r°.

125 « Et à chi meglio si debbono mandare le cose christiane, che al Christianissimo Christo del Signore, Re Francesco. Et rendasi certa V. M. che altro non ha indotto me Italiano, et che in lingua Italiana scrivo, à mandare questo tanto libro al dominatore de popoli Gallici, et per natione Franzese, avvegnia che di questa, et di altre lingue habbia cognitione, che il non havere veduto in tutta la christiana republica subietto, appresso delquale piu degnamente locare si potesse. Si che ne à me ha da essere in cosa alcuna tenuta V. M. che io piu presto che à nessuno altro tanto presente gli mandi. Perche se piu degno di quella alcuno altro ne giudicassi, à quel tale, et non mai à essa mandato l’harei » (La Biblia, 1532, f° [✠vi]r°-v°).

126 La Biblia, 1532, f° [✠ ✠iii]r°-[✠ ✠iv]v°.

127 Barbieri, p. 248, qui donne quelques-une des premières lignes de cette seconde préface.

128 Cf. Barbieri, no 60, pp. 325-330 (qui opte pour Jean Frellon ; on sait que le nom Philibert Rollet a été également avancé comme imprimeur), mais surtout Andrea Del Col, « Il Nuovo Testamento tradotto da Massimo Teofilo e altre opere stampate a Lione nel 1551 », dans Critica storica, 4, 1978, pp. 138-17, ici p. 141.

129 Cf. Barbieri, n° 65, pp. 336 et suiv., et les différents travaux de Jean-François Gilmont sur Crespin.

130 Barbieri, n°s 71 et 72, pp. 352-360.

131 Dominique Barthélemy, « Origine et rayonnement de la Bible de Vatable », dans Théorie et pratique de l’exégèse. Actes du troisième colloque international sur l’histoire de l’exégèse biblique (Genève, 1988), éd. Irena Backus, Francis Higman, Genève, 1990, pp. 385-401 (« Études de Philologie et d’Histoire »,43).

132 La Biblia que es, los sacros libros del vieio y nuevo testamento. Trasladada en Español, [Basel, Samuel Biener (Apiarius) pour Thomas Gwarin], 1569 (cf. notice d’A. Gordon Kinder, « Casiodoro de Reina », dans Bibliotheca dissidentium 4, Baden-Baden, 1984, pp. 99-153, ici pp. 132-134. Carlos Gilly, article « Casiodoro de Reina », dans l’Encicopedia du Centro de Estudios de la Reforma. En attendant la publication de la thèse de Rady Roldán-Figueroa, Casiodoro de Reina as Biblical Exegete : Studies on the 1569 Spanish Translation of the Bible, voir son « Reina’s Vision of the Reformed Ministry : A Reconstruction from the Fringes of the 1569 Spanish Translation of the Bible », dans Lay Bibles in Europe, 1450-1800, ouvr. cit., pp. 159-181.

133 « Ergo figura jam utcumque constituta, ad ipsius interpretationem accedamus » (La Biblia que es, los sacros libros…, f° †iir°). Il rappelle ensuite que chez les Juifs, les rabbins âgés n’expliquaient cette vision que tardivement aux plus jeunes. Chez les Chrétiens, tous s’accordent pour dire que les quatre animaux représentent les quatre Évangélistes, etc., mais Reina va s’en écarter (f° †iiv°). Après l’explication de son refus il donne l’idée majeure de son interprétation et de la raison de l’illustration: «Hic enim de communi rerum gubernatione per divinam Providentiam nullus sermo est : sed de Ecclesiæ statu, de Dei circa illam Providentia singulari, et dispensatione judicii ipsius : neque id in genere, sed quatenus in eo statu erat, et in eiusmodi figuris interpretandis, quas prophetæ subinde solent doctrinæ suæ adhibere, doctrinæ illius habendam imprimis esse rationem, ad quam utique figuræ comparatæ esse soleant, docti omnes et periti harum rerum artifices censuerunt ». Pour lui, les quatre animaux sont des figures des ministres fidèles de l’Evangile (ibid.).

134 Sacræ Bibliæ tomus primus (STC, n° 2055). Il faudra attendre les années 1579-1580 pour voir paraître en Angleterre une deuxième Bible en latin : il s’agit de la deuxième édition de la version de Tremellius et Junius (Kenneth Austin, From Judaism to Calvinism. The Life and Writings of Immanuel Tremelius (c. 1510-1580), Aldershot, 2007, ch. 8 (« St. Andrews Studies in Reformation History »), « The Testamenti Veteris Biblia Sacra », pp. 145-167. La première édition de cette Bible avait paru à Francfort, chez Andreas Wechel (1575-1579).

135 Arthur Freeman, « To guard His words. The selectivity, conservatism and startlingly personal nature of a bible designed by Henry VIII », dans The Times Literary Supplement 5463, 14 décembre 2007, p. 13s. Le choix du roi est plus singulier encore que ne le souligne Freeman en comparant cette édition avec une édition allemande incomplète publiée à Wittenberg en 1529 : si Les Psaumes et les Prophètes manquaient, c’est que Luther ne les avait pas encore traduits (les fameux Prophètes de Worms de 1527 ayant entre autre réagi au retard de Luther).

136 The Psalter of Henry VIII, [Angleterre, inter 1530 et 1547] (Londres, BL, Royal MS 2 A XVI, f. 63v°). Reprod. dans Sacred. Books of the three Faiths : Judaism, Christianity, Islam, éd. John Reeve et alii, London, 2007, p. 159.

137 Cf. dernièrement David Daniell, The Bible in English. Its history and inf luence, New Haven, London, 2003, ch. 5, pp. 66-95.

138 Ce point reste discuté. L’adresse allemande coïncide avec la reprise des gravures de Sebald Beham, éditées pour la première fois à Cologne en 1533 : A Short-Title Catalogue of Books printed in England, Scotland & Ireland and of English Books printed abroad 1475-1640, 2e éd., London, 1986, n° 2063 (ci-après STC).

139 STC, nos 2063 et suiv.

140 Les reproductions sont nombreuses. Une description de la page de titre chez Daniell, ouvr. cit., pp. 205-207 (ill. 19).

141 The Byble in Englyshe, Londres, Rychard Grafton et Edward Whitchurch, 1539, The thirde parte of the Byble, f° IIr° (Chicago, Newberry Library, Case Folio C 218.539). On trouve cette gravure dans des livres d’heures parisiens contemporains. Il faut d’ailleurs remarquer que ce bois est également présent sur la page de titre de la troisième partie, au milieu d’autres gravures que l’on retrouve en leur lieu dans les livres bibliques (le serviteur a la main sur son chapeau ; sur le bois stylisé, il le tient de la main droite, le long de sa jambe, alors que Bethsabée est assise). En 1541, ce sera le bois de 2 Samuel 11 que l’on retrouve sur la page de titre de la troisième partie et en tête du Psautier.

142 Cf. notre article « Les représentations de l’Écriture dans les Bibles illustrées du XVIe siècle. Pour une herméneutique de l’image imprimée dans le texte biblique », dans RFHL, 1995, 86-87, pp. 118-189, ici pp. 155-157 et ill. 25. Dans la Biblia d’Alberto da Castello, David en pénitent, à genoux, sa couronne et sa lyre sur le sol, ouvre le psautier de manière plus spirituelle (Biblia cum concordantiis veteris et novi testamenti et sacrorum canonum, Venezia, Lucantonio Giunta, 1511, f° 232v°).

143 The Byble in Englyshe, London, Rychard Grafton et Edward Whitchurch, 1539, f° [*v]v°.

144 STC, n° 2067, et Daniell, ouvr. cit., p. 219s. Taverner, au contraire de Coverdale, connaissait l’hébreu et le grec.

145 S. van der Woude, « Dutch Versions », dans Cambridge History of the Bible, vol. 3, pp. 122-125. Les imprimeurs étaient chez Jacob Jacobszoen et Maurits Yemanstszoen (Darlow & Moule, n° 3271, vol. 2, p. 298). Pour les bibles et nouveaux testaments imprimés en Belgique actuelle et aux Pays-Bas, il faut désormais consulter le site Bibliasacra (http://www.bibliasacra.nl).

146 Bibles imprimées, n° 1168, p. 200.

147 Den Hollander, pp. 39 et suiv.

148 Den Hollander, n° 3, pp. 264-267.

149 Den Hollander, n° 20, pp. 314-317 (un mélange de la traduction du travail de Luther publié en 1523 et 1524 et une reprise, pour ce qui manquait, de la vieille traduction de 1477).

150 Den Hollander, n° 24, pp. 326-329.

151 Den Hollander, n°s 32 et 32-a, pp. 350-357.

152 Den Bibel. Tgeheele Oude ende Nieuwe Testament met grooter naersticheyt naden Latijnschen text gecorrigeert, ende opten cant des boecks die alteratie die hebreeusche veranderinge, naerder hebreeuscer waerheyt der boecken die int hebreus zijn, ende die griecsce der boecken die int griecs zijn, ende dinhout voor die capittelen gestelt, Anvers, 1528.

153 Den Hollander, pp. 189-193.

154 Jean-François Gilmont, Le Livre et ses secrets, préf. Francis Higman, Monique Mund-Dopchie, Genève, Louvain-la-Neuve, 2003, ch. 11, « La concurrence entre deux bibles famandes, 1548 », pp. 151-162 (texte sans grand changement par rapport à l’article de 1984).

155 Ibid., p. 154.

156 Paul Heinz Vogel, « Die niederländische Bibeldruck in Emden 1556-1568 », dans Gut. Jb., 1961, pp. 162-171.

157 Bibles imprimées, n° 1177, p. 201.

158 Chambers, n°s 1-12, pp. 1-13. Cf. sttt Pierre-Maurice Bogaert, Les Bibles en français. Histoire illustrée du Moyen Âge à nos jours, collab. [entre autres] Jean-François Gilmont, Turnhout, 1991. Henri-Jean Martin a écrit quelques pages dans sa Mise en page et mise en texte du livre français. La Naissance du livre moderne (XIVe-XVIIe siècles) (Paris, 2000) sur « Le texte médiateur : la restitution de la Parole divine » (pp. 280-299).

159 Le premier volume de la bible historiee, Paris, Antoine Vérard, [inter 19 août 1494 et 20 mai 1496], f° Aiir° (Chambers, n° 13, pp. 13-18). Épître dédicatoire citée par Bogaert, ouvr. cit., p. 38.

160 Les Choses contenues en ce present livre (Chambers, n° 31, pp. 42-44 ; Bogaert, ouvr. cit., pp. 50-57).

161 On sait que quelques correcteurs impatients ont corrigé des mots selon le grec, non le latin, ce dont des errata témoignent (Bogaert, ouvr. cit., pp. 54 et suiv.).

162 Dans le Prologue de l’auteur de son Pantagruel, éd. de 1532 (éd. crit. V.L. Saulnier, « Textes Littéraires Français », 2, 1965, p. 6), Rabelais osait écrire, à propos des Grandes et inestimables Croniques : «… de ladicte Chronicque Gargantuine, car il en a esté plus vendu des imprimeurs en deux moys qu’il ne sera achepté de Bibles de neuf ans ». Il avait commencé son prologue fièrement en disant que « les avez creues tout ainsi que texte de Bible ou du sainct Evangile » (ibid., p. 3).

163 La Bible Qui est toute la Saincte Escripture, Neuchâtel, Pierre de Wingle, 1535, f° ✼iir°.

164 Comme le dit le préfacier de la Geneva Bible, le 10 avril 1560, à Elisabeth Ière, en lui présentant « the holy Scriptures faithfully and playnely translated according to the langages wherein thei were first written by the holy Gost » (Genève, 1560, f° ***ii v°).

165 Dom Calmet raconte les différentes versions de l’histoire de la rédaction de la Septante dans son Commentaire au début du XVIIIe siècle, sans plus trop y croire. La littérature critique est suffisamment importante pour que je ne renvoie à aucun titre en particulier (on privilégiera toutefois en français les travaux de Marguerite Harl).

166 Le Livre et ses secrets, ouvr. cité, ch. 9, « La Bible d’Olivétan : audaces et limites d’une entreprise pionnière », pp. 125-139 (réécrivant plusieurs articles précédents).

167 Ibid., pp. 135-137.

168 Cf. notre « Cinquante ans de révision de la traduction biblique d’Olivétan : les bibles réformées genevoises en français au XVIe siècle », dans BHR, 53, 1991, pp. 347-377.

169 Heidi-Lucie Schlaepfer, « Laurent de Normandie », dans Aspects de la propagande religieuse, éd. Eugénie Droz et alii, préf. Henri Meylan, Genève, 1957 (THR, 28), pp. 176-230, ici pp. 207-228.

170 1176 in-8° et 360 in-4° (ibid., p. 209).

171 Annie Parent, Les Métiers du livre à Paris au XVIe siècle (1535-1560), Genève, 1974 (« Histoire et civilisation du livre », 6), respectivement pp. 127 et 137.

172 Ibid., pp. 229 et suiv.

173 Sébastien Castellion, La Genèse 1555, éd. Jacques Chaurand, Nicole Gueunier et Carine Skupien Dekens, collab. Max Engammare, Genève, 2003 (« Textes Littéraires Français », 553), pp.117-119.

174 La Bible nouvvellement translatée, Basel, 1555, f° [♣5]v° (entre parenthèses, le texte latin de 1551).

175 « Quant à l’autre partie de l’obscurité des écrittures, laquelle j’ai ditte être ês matieres, je ne me fai pas fort d’avoir telle connoissance de l’esperit, que de la letre » (La Genèse, ouvr. cit., p. 119).

176 Ibid.

177 Cf. les pages éclairantes de Jonathan Sheehan, The Enlightenment Bible, Princeton, Oxford, 2005, ch. 1, « The Vernacular Bible : Reformation and Baroque », pp. 1-25.

178 Jaroslav Pelikan, ouvr. cit., n° 3.17, p. 153, avec le portrait et son cartouche portant tous les titres du roi.

179 « Sante Pagnini, traducteur ad litteram et exégète secundum allegoriam… », art. cit.

180 Une exception : en 1569, Henri Estienne publia l’édition grecque, la traduction syriaque et la traduction latine de Tremellius (2 vol. in-folio), alors que l’Ancien Testament en hébreu dut attendre 1587 et la polyglotte imprimée chez Saint-André. Dans les décennies 1570 et 1580, moins de bibles furent publiées : on attendait la sortie du travail collectif, en français, des pasteurs et professeurs de l’Eglise de Genève (1588).

181 Ce que j’ai confirmé pour sa traduction du Cantique des cantiques.