Book Title

Édition et traduction à Paris et à Lyon 1500-1550 : la chose et le mot

William KEMP

Chercheur associé au Centre Gabriel Naudé, Enssib, et à l’Université McGill

Mathilde THOREL

Maître de conférences, Université de Provence Aix-Marseille I

TRADUIRE : UNE PRATIQUE

L’imprimerie constitue une innovation technologique à multiples composantes. Malgré cette complexité, à partir de l’Allemagne, elle s’est répandue rapidement en Europe : elle a pénétré d’abord en Italie, avant de s’étendre vers la France, les anciens Pays-Bas, l’Espagne, l’Angleterre et les pays du Nord et de l’Est1. L’organisation des ateliers est donc très souvent assurée au XVe siècle par des étrangers qui ne parlent pas couramment le latin et qui ne maîtrisent pas parfaitement la langue du pays où ils exercent. Dans certains cas, ils survivent bien en n’imprimant que des textes latins. Dans d’autres cas, le typographe a dû s’appuyer, au moins en partie, sur des intermédiaires. Cependant, il peut arriver qu’un Allemand, comme Mathias Huss installé à Lyon, devienne un des premiers propagateurs de la littérature française2.

Mobilité de biens et de gens. Tous sont attirés par l’Italie, l’Église, la culture, la chaleur. On vient dans la péninsule par curiosité ou en pèlerinage, mais aussi pour étudier ou pour faire des affaires3. On y vient même pour conquérir : on sait que les armées françaises sont en Italie pendant les années 1495-1496, 1500 à 1512, et de nouveau de 1515 à 1524. Suite à la captivité du roi et à son transfert en Espagne, plusieurs missions diplomatiques françaises séjournent à la cour de Charles Quint. Or, il faut rappeler que le premier traducteur de San Pedro et de Caviceo, François Dassy, a fait le voyage d’Italie avec l’armée du roi François Ier en 1515. C’est là qu’il a rencontré le traducteur du Cárcel de amor de San Pedro, Manfredi, qui lui a donné un exemplaire de sa version italienne, à partir de laquelle lui-même a élaboré La Prison d’amour, publiée dix ans plus tard chez Du Pré à Paris4. De son côté, René Bertault, seigneur de La Grise, a accompagné Gabriel de Gramont en 1527-1528 lorsque celui-ci a été envoyé comme négociateur auprès de Charles Quint en Espagne. Emprisonné avec son maître, il a pris connaissance du manuscrit de Guevara, qu’il fera passer en français sous le titre Livre doré de Marc Aurèle, paru chez Du Pré en 15315.

Circulation des textes imprimés et des idées6. L’impact de la Réforme luthérienne, ses idées, ses textes, ses pratiques religieuses, est immense dans toutes les langues, on l’a bien dit7. Quelques années auparavant avait lieu la première diffusion des découvertes géographiques récentes de Colomb et Vespucci : la compilation de récits de voyages par Fracanzano da Montalboddo, Paesi novamente ritrovati, voit ainsi le jour à Vicence en 1507 avant d’être traduite en latin, en portugais et en français (1517)8. Déjà, au XVe siècle, on a imprimé des centaines d’éditions de textes de l’Antiquité, de textes théologiques, de sermonnaires, etc. ; une partie de tous ces textes s’est retrouvée traduite dans une autre langue9. Ce mouvement concerne les classiques de l’Antiquité, mais aussi ceux du Moyen Âge, pour peu que l’on estime que tel ou tel texte pouvait se vendre10. Bien entendu, un texte qui se vend bien dans une langue devient susceptible d’être traduit dans la langue du voisin, à condition qu’il se trouve un traducteur compétent ou du moins disponible. Parfois, les fonctions d’imprimeur ou de libraire et de traducteur sont assumées par le même homme : pour la première moitié du XVIe siècle, mentionnons Wigand Koeln à Genève, Étienne Dolet à Lyon, ou encore Geoffroy Tory et Gilles Corrozet à Paris11. Cette tendance concerne principalement des libraires qui ont favorisé des publications en français ; il y en a sûrement eu d’autres.

Prenons quelques exemples de traductions vernaculaires. Le texte des Historiae Romanae decades de Tite-Live, retravaillé par Pétrarque, a été imprimé à Rome en 146912. La traduction française de Pierre Bersuire, faite sous Jean Le Bon, est publiée à Paris en 1486-148713. La version castillane, réalisée vers 1400 à partir du texte français, est imprimée à Salamanque en 1497. Une traduction allemande suit en 1505, tandis qu’une version partielle est publiée en anglais en 1544. Des sermons en allemand de Luther des années 1519 à 1522 sont traduits en latin, puis de là en français, néerlandais, anglais, danois et tchèque14.

En général, les traductions se font à partir du latin. Mais la traduction d’un texte original en langue vernaculaire devient de plus en plus courante. Le texte italien du Décaméron de Boccace, publié initialement vers 1470, a été traduit et imprimé en allemand vers 1476. La version française, terminée par Premierfait en 1414, a été imprimée à Paris en 1485. Une traduction castillane est parue à Séville en 1496. L’anglais arrive en queue de peloton avec une traduction publiée en 1620. De l’allemand, citons le cas du Narrenschiff de Brant, publié à Bâle en 1494. Cette œuvre a été traduite en latin par Locher et publiée à Bâle en 1497. A partir du latin est élaborée une version française, parue à Paris et à Lyon en 1498. Des versions en néerlandais sont imprimées en 1500 et 154815. Une version anglaise est parue à Londres en 1509. Enfin, du castillan, notons l’exemple de La Prison d’amour de San Pedro, parue initialement à Séville vers 1492. Ce texte a été converti en catalan et publié à Barcelone en 1493, avant d’être traduit en italien par Manfredi et imprimé à Milan en 1514. C’est sur la traduction italienne que Dassy a fait sa version, parue à Paris en 1525. Le texte a ensuite été transposé en anglais et publié à Londres vers 1549, bien avant la traduction allemande de 162516. La diffusion des textes du Moyen Âge concerne aussi le corpus des anciennes chansons de geste et des romans de chevalerie. L’histoire de Renaud de Montauban, connue également comme celle des « quatre fils Aymon », bénéficie dès les débuts de l’imprimerie d’une diffusion européenne qui amplifie celle qu’elle avait eue sous forme manuscrite ; là encore, des versions et des adaptations en néerlandais, en allemand, en anglais et en italien sont imprimées dès la fin du XVe siècle17.

Les raisons pour lesquelles on traduit sont évidemment multiples. Le libraire qui choisit de publier une traduction le fait d’abord dans le but de gagner un peu d’argent : la publication d’une traduction peut s’avérer rentable, en relançant la demande d’un texte déjà connu et éprouvé dans une autre langue. Mais le libraire-éditeur va aussi au-devant de lecteurs qui ont envie d’apprendre ou de se divertir, d’être au courant des idées et des nouveautés appréciées par leurs voisins. Le traducteur, lui, travaille tantôt par amour du texte original, tantôt pour satisfaire à la demande d’un grand ou sur commande d’un libraire. Bien souvent, le texte choisi pose à son traducteur des problèmes de langue et de style : comment rendre en vernaculaire l’Énéide de Virgile, le latin de Tacite, ou le style des discours de Thucydide, le vocabulaire politique d’Aristote ? Cette question concernant la capacité de la langue cible à rendre compte du texte source, d’un point de vue tant linguistique que stylistique, est inhérente à celle de la traduction, mais elle prend une acuité singulière à l’époque de l’essor des langues vulgaires et du renouveau humaniste de l’étude des langues grecque et latine. La migration des textes d’une langue à l’autre, et surtout d’une langue plus développée à une autre qui l’était moins, offre ainsi au traducteur la possibilité d’expérimenter, d’éprouver les ressources de sa propre langue. A la suite des traducteurs du XIVe siècle, en particulier de ceux qui avaient œuvré sous le roi Charles V18, Claude de Seyssel se montre bien conscient de l’écart entre le latin classique et le français, mais en travaillant celui-ci par rapport à celui-là, il pensait pouvoir améliorer la langue commune. C’est ce qu’il écrit à Louis XII au début du siècle :

Si je vay imitant le style latin, ne pensez point que ce soit par faute que ne l’eusse peu coucher en autres termes plus usitez, à la façon des histoires françaises ; mais soyes certain, sire, que le langage latin de l’auteur a si grande venusté et elegance que d’autant qu’on l’ensuit de plus pres, il en retient plus grande partie. Et c’est le vray moyen de communiquer la langue latine à la françoise.

Geofroy Tory (1529), Antoine Macault (1535) et Saliat (1537) ne présenteront pas autrement le projet d’illustration et d’élévation, disons de relèvement, de la langue vernaculaire, et cela bien avant les critiques et les attaques de Du Bellay en 154919.

A travers le siècle, de Seyssel et Tory à Dolet et Du Bellay, de Macault à Ramus et à Abel Mathieu, il y a bien des théories et des « manières » de traduire20. Le discours théorique ne s’exprime d’abord que dans le cadre des textes liminaires rédigés par les traducteurs eux-mêmes et publiés en tête de leurs ouvrages – du Moyen Âge à la Renaissance, prologues, dédicaces, épîtres…, nous sont à cet égard précieux. Il faut attendre 1540 et le court traité de Dolet pour qu’apparaisse un discours véritablement autonome sur la traduction. Les traducteurs eux-mêmes seront volontiers plus prolixes au sujet de leur propre pratique à partir de cette décennie : que l’on pense aux paratextes abondants des Amadis, aux préfaces développées d’Amyot ou encore de Jean Martin. C’est autour de la notion de « fidélité » que s’articulent fréquemment les remarques ou les prises de position, plus ou moins explicites, des traducteurs par rapport à leur travail. Les formulations reprennent régulièrement les termes de l’opposition topique entre sententia et verbum. A travers elle, le traducteur se montre conscient du double écart et de la tension dans laquelle s’élabore son ouvrage : écart par rapport au texte source d’une part, que tente de réduire un travail d’équivalence voire d’imitation stylistique ; écart par rapport à la langue cible d’autre part, que s’efforce de compenser le travail d’explicitation ou d’adaptation. C’est cet écart, que présuppose en réalité la notion de « fidélité » en traduction, qui rend aussi possible la créativité linguistique et stylistique du traducteur. Il est probable que l’esprit de la Renaissance et de la philologie humaniste ait contribué à renouveler les termes de cette réflexion : le souci alors réaffirmé du respect du texte d’origine ne se départit pas d’une distance critique et réflexive qui favorise une forme de créativité. De plus, le statut du traducteur connaît aussi des mutations au cours du XVIe siècle ; sa pratique et sa conception s’en trouvent sensiblement affectées21.

TRADUIRE : UN MOT

Dans ces conditions, est-il indifférent que les termes qui désignent cette activité aient eux-mêmes été le lieu d’un changement linguistique notable au cours de la même période ? Plusieurs mots étaient alors utilisés (« reduict », « tournez », « extraict » « faict », « mis en »), mais une chose est claire : le principal terme qu’on employait pour se référer à cette activité change : en 1500, c’était translater ; en 1600, c’est désormais traduire. Comment on est passé de l’un à l’autre est le sujet du reste de cet article.

Depuis assez longtemps, on s’est mis à la recherche de « la plus ancienne attestation » de la série traduire. Dans son Dictionnaire de la langue française, Émile Littré a noté que le terme translater s’employait surtout dans l’ancienne langue entre le XIIe et le XVIe siècle, tandis que traduire se rencontrait plutôt à partir du XVIe siècle. Pour le dernier cas, il cite des exemples chez Amyot (1559), Calvin et Joachim Du Bellay (1549). Du côté des lettres françaises, on décrit, au moins depuis Chamard, une sorte de « querelle de la traduction » autour de 1550. Par opposition aux prétentions des traducteurs de la trempe de Seyssel, Macault et Saliat, Du Bellay affirme, dans un passage bien connu de La Deffence et illustration de la langue françoyse (1549), que les traductions et leur auteurs, « les fideles traducteurs », ne peuvent pas avoir la moindre influence sur le style22 :

Et quand à ce poinct, les fideles Traducteurs peuvent grandement servir, & soulaiger ceux, qui n’ont le moyen Unique de vacquer aux Langues estrangeres. Mais quand à l’Eloquution, partie certes la plus difficile, & sans la quelle toutes autres choses restent comme Inutiles, & semblables à un Glayve encores couvert de sa Gayne : (…) & dont la vertu gist aux motz propres, usitez, & non aliénes du commun usaige de parler : aux Methaphores, Alegories, Comparaisons, Similitudes, Energies, & tant d’autres figures, & ornemens, sans les quelz tout oraison, & Poëme sont nudz, manques, & debiles. Je ne croyray jamais qu’on puisse bien apprendre tout cela des Traducteurs, pour ce qu’il est impossible de le rendre avecques la mesme grace, dont l’Autheur en a usé…

Du Bellay parle à deux reprises des « traducteurs », mais dans un autre passage qui reprend la même attaque contre la traduction en tant qu’exercice stylistique, le voici qui emploie le mot « translation » à côté de « traduyre »23 :

Je vous demande donq’ vous autres, qui ne vous employez qu’aux Translations, si ces tant fameux Aucteurs se fussent amusez à traduyre, eussent ilz elevé leur Langue à l’excellence, & hauteur, ou nous la voyons maintenant ? Ne pensez donques quelque diligence, & industrie, que vous puissez mettre en cest endroict, faire tant que nostre Langue encores rampante à terre, puisse hausser la teste, & s’elever sur piedz.

On voit presque pointer ici une opposition entre un traducteur plus créateur, qui, comme le réclamait déjà Dolet en 1540, connaît la nature des deux langues, et le fidèle translateur trop respectueux de la langue de départ24. Mais, on le sait, Du Bellay finit par souligner la futilité de la traduction comme activité littéraire25 :

Mais que diray-je d’aucuns, vrayement mieux dignes d’estre appellés Traditeurs, que Traducteurs ? Veu qu’ilz trahissent ceux, qu’ilz entreprennent exposer, les frustrant de leur gloire, & par mesme moyen seduysent les Lecteurs ignorans, leur montrant le blanc pour le noyr…

Le caractère polémique de ces passages suffirait à montrer combien l’idée inverse devait avoir cours : dans les années 1530, les traductions sont régulièrement présentées comme des modèles d’imitation, y compris stylistique. Citons l’exemple du sous-titre d’une des rééditions du Jugement d’amour parue vers 1530 qui précise «Et par ladicte hystoire ung chascun pourra apprendre et elegantement parler et a orner la langue francoyse »26. Dix ans plus tard, l’Amadis de Nicolas Herberay est reçu comme la « parfaicte Idee de nostre langue françoyse »27.

Sans reprendre toute la présentation de Du Bellay, dans laquelle la série translater se mêle à celle de traduire, il convient de relever la réaction du « Quintil Horatian », Barthélemy Aneau, professeur de rhétorique au Collège de la Trinité à Lyon. Dès le Préambule de son commentaire sur la Deffence et illustration, il remarque en s’adressant directement à Du Bellay :

Telz sont les vers d’Horace. Lesquelz je n’ay pas traduitz (comme tu parles) : car traducteur ne suis, & ne veux estre : mais les ay tournéz ou translatéz, & toute l’Art Poëtique, y a plus de vingt ans, avant Peletier & tout autre.

D’entrée de jeu, Aneau relève le caractère f lottant de la théorie de Du Bellay. Aneau prétend qu’il n’est pas un « traducteur », mais qu’il a « tournéz ou translatéz » les vers d’Horace. Il est, lui, translateur au sens précisé, et depuis longtemps (au delà de vingt ans, donc avant 1530). Il laisse clairement entendre que déjà à cette époque, il savait comment traduire, ou comme on disait à ce moment, comment translater. Contrairement à Du Bellay, Aneau tient pleinement compte de la récente histoire des variantes translater et traduire. Par opposition à l’inconstance de Du Bellay, il adopte tout simplement l’ancienne série translater. Ainsi, sa version des Emblemes d’Alciat, parue en 1549, est « de nouveau translat[ée] en françois ». En revanche, le Quatriesme livre de l’Éneïde (1552), comme Les Deux livres de l’Éneide de Virgile de Du Bellay (1560) ont été « traduicts en vers francois ».

Par la suite, et pendant longtemps, les dictionnaires, tel le dictionnaire étymologique d’Albert Dauzat (1938), ont retenu une occurrence de la fin des années 1530, celle du Dictionnaire latin-françois de Robert Estienne (1538) et le texte sur la traduction d’Étienne Dolet (1540). Il faut attendre jusqu’en 1967 pour voir Marcel Françon reculer cette date à l’année 1527 : il s’agit du soustitre de la traduction française du Peregrin de Jacopo Caviceo, publiée à Paris par Galliot du Pré28.

Il est possible de trouver quelques autres attestations dans les livres imprimés pendant les années 1520, comme nous le montrerons plus loin. Mais, en 1982, Paul Chavy avancera deux occurrences apparaissant dans le titre et dans le huitain liminaire du Catalogue de Salomon et de Marculphus, publié à Paris en 150929. Dans le titre, le mot translaté est employé d’abord et traduict par la suite :

Le Catalogue de Salomon et de Marculphus translatez du latin en francois, avec les Dictz des sept sages et d’autres philosophes de grece traduits de grec en francois par maistre Jehan Divery.

Chavy extrapole puis conclut :

Rien ne laisse penser qu’en usant par deux fois du mot traduire, le traducteur Divry avait conscience d’introduire un néologisme. (…) Dès les premières années du XVIe siècle, traduire au sens de translater était déjà bien installé dans la langue.

Il est vrai qu’on peut repérer quelques autres occurrences dans des textes de l’Antiquité classique traduits par Claude de Seyssel entre 1505 et 1510, soit dans l’exorde des Histoires de Trogue Pompe30 et dans le Prohème de l’Histoire d’Appien31. Dans ce dernier cas, on relève un emploi de traduire et sept des diverses formes de translater. Dans le Proheme de l’édition imprimée de sa traduction de l’Histoire du voyage que fist Cyrus à l’encontre du Roy de Perse (Paris, 1529), on trouve la phrase suivante : « que Lascary traduit du grec en latin ». Il y a toutes les chances que le mot « traduit » se rencontre dans la version manuscrite qui fut offerte à Louis XII vers 150532. Il existe même une occurrence datant de la fin du XVe siècle. Au premier feuillet d’un manuscrit préparé pour Louise de Savoie vers 1496-1498, on lit le titre suivant : « Les XXI Epistres des Dames illustres traduicttes d’Ovide par le Reverend Pere en Dieu Monseigneur l’Evesque de Angoulesme », c’est-à-dire traduites par Octovien de Saint-Gelais33.

Malgré ces rares occurrences, faut-il vraiment imaginer que la série traduire se soit diffusée principalement à l’oral vers 1510 ? Dans le cas d’un mot faisant référence à une activité intellectuelle, la diffusion par la langue orale a-t-elle vraiment constitué la seule ou la principale voie ? Ne peut-on pas plutôt penser que certains locuteurs-traducteurs aient eu envie de mettre leur néologisme en avant, par exemple, sur une page de titre ? Dans ce contexte, il est à noter qu’aucune des pages de titres dont nous avons connaissance entre 1509 et 1523 ne contient le mot traduit. Si un tel modèle de diffusion souterraine était à l’œuvre, il nous semble qu’il y aurait eu au moins quelques irruptions supplémentaires à la surface. Au début du règne de François Ier, entre 1515 et 1522, l’Inventaire chronologique des éditions parisiennes du XVIe siècle relève 41 traductions. Parmi celles-ci, 27 comportent le mot translaté dans le titre, sept ne présentent aucun des deux mots et pour les sept dernières nous n’avons pas de résultat. Il faut attendre jusqu’en 1523 avant de rencontrer une autre occurrence dans un titre34.

Y a-t-il un autre mode de diffusion possible ici ? Annonçons d’emblée notre hypothèse : la diffusion de la série traduire se serait faite par le biais de certains traducteurs, et par leurs nouvelles traductions elles-mêmes. Ajoutons que les traducteurs non seulement fréquentaient les marchands-libraires, mais travaillaient souvent aussi pour eux, voire en collaboration plus ou moins étroite avec certaines maisons d’édition et imprimeries. Bref, outre les traducteurs et les traductions produites, ceux qui avaient en charge leur composition et tout spécialement celle des pages de titres, ont pu avoir, dans quelques maisons d’édition, une influence bien supérieure à leur nombre réel. Reste à étayer cette hypothèse. Comme nous venons de le voir, traduire et ses dérivés semblent absents des traductions éditées au courant de la décennie large de 1510 à 1522. Mais en 1523, le titre d’une traduction importante, qui a connu cinq rééditions, comporte le mot traduict. Il s’agit de la traduction française du livre d’Ulrich von Hutten sur le traitement de la syphilis par le bois gaïac35 :

L’experience et approbation (…) touchant la medecine du boys dict Guaiacum pour circonvenir et dechasser la maladie indeuement appellée française ainsoys par gens de meilleur jugement est dict la maladie de Neaples, traduicte et interpreté par maistre Jehan Cheradame Hypocrates etudiant en la faculté et art de medecine.

Étudiant de médecine intéressé par les trois langues latine, grecque et hébraïque, Chéradame est présent un peu partout dans le monde de l’édition humaniste à Paris pendant les années 152036. S’il ne produit plus d’autres traductions françaises par la suite, il demeure, parmi d’autres, un personnage qui a pu par son exemple faire la promotion de cette innovation.

Durant les cinq années suivantes, entre 1523 et 1527, le mot traduit se retrouve seulement sur une page de titre, mises à part les réimpressions du Guaiacum de Hutten. C’est celle du Peregrin de Caviceo, publié par Galliot du Pré en 1527, dont nous avons parlé ; cette occurrence est d’autant plus significative que ce titre est l’objet de multiples réimpressions à Paris et à Lyon jusqu’en 1540. Il existe encore quelques autres occurrences révélatrices pendant ces mêmes années. D’abord, une attestation se rencontre dans le titre de départ du texte de la première édition de la Prison d’amour de San Pedro, traduite par François Dassy et publiée par Du Pré en 152537 :

Carcer ou prison d’amour, traduict par magnifique messire Lelie Mandredi ferrarese de langage espaignol en langue tuscane, et depuis retraduict du tuscan en notre maternel francoys.

La première occurrence représente un italianisme, comme on peut le constater en la confrontant au titre original : Carcer d’Amore traducto dal Magnifico Miser Lelio de Manfredi…38 Il faut citer, par la même occasion, une autre occurrence, qui apparaît en principe sous la plume même du libraire parisien Galliot du Pré au début de son édition du 15 mars 1524/25 Des remedes de l’une et l’autre Fortune de Pétrarque. Du Pré s’adresse ainsi à Charles, duc de Vendôme39 :

… de cestuy livre vous fais present Lequel a autrefois esté traduit de Latin en Francois par Nicole oresme chanoine de la saincte chappelle de Paris à la requeste du feu Roy Charles le quint. Et depuis peu de temps recouvert, faict corriger et imprimer par moy Galliot du Pré…

Une autre attestation renforce le lien avec Du Pré : elle se situe à la fin du deuxième volume du Cathalogue des saincts et sainctes de Natalibus, achevé le 3 mars 1525-1526. Si le titre comporte translaté, la souscription du tome deux contient la phrase « Et l’a faict traduyre honneste homme Galiot Du Pré ». Dans la mesure où Du Pré était un libraire bien en vue à Paris pendant les années 1520 et suivantes, on doit prendre bonne note de ces emplois.

Cependant, le poids de la tradition reste fort. Le traducteur le plus productif des années 1520-1540, Guillaume Michel, dit de Tours, garde la forme translaté, du moins jusqu’en 153540. Il en va ainsi également des titres des quatre grandes traductions de Thucydide, Xénophon, Diodore et Eusèbe, composées par Claude de Seyssel sous Louis XII puis imprimées à Paris entre 1527 et 1532. Le Thucydide, qui marque le début de l’impression, sur l’ordre du roi, des traductions de Seyssel (1527), comporte 34 occurrences de la série translater dans les préliminaires. En outre, les traductions de Geofroy Tory, qu’il publie lui-même entre 1529 et 1533, portent à chaque fois translaté sur la page de titre, malgré quelques occurrences de traduire dans les préliminaires et les textes41. Notons que ce n’est pas non plus un dérivé de la mode des romans sentimentaux traduits et publiés à Paris à partir de 1525 : La Prison d’amour de San Pedro (1525), la Celestine de Rojas (1527), le Jugement d’amour de Florès (1529), la Complainte de Flammette de Boccace (1531) ont tous été « translatés » en français ; le Peregrin est le seul à se distinguer par l’emploi de traduit.

C’est pourtant pendant la période qui suit, soit les cinq années allant de 1528 à 1532, qu’une concurrence réelle entre les deux termes se fait sentir sur les pages de titres. Sur la cinquantaine de titres recensés, 25 contiennent translaté, neuf traduit et dans huit cas on ne trouve ni l’un ni l’autre. Traduit apparaît ainsi dans la page de titre de la première publication de Michel d’Amboise, qui est une version des Bucoliques de Spagnuoli parue chez Janot et Lotrian en 1530 ; il en va de même de ses Cent epigrammes, parus en 153342. Enfin, quatre des titres concernés proviennent de Galliot du Pré : Les Offices de Cicéron (1529), Les Vrayes narrations de Lucien (1530), les Fleurs de vertus, et Le Livre doré de Marc Aurele de Guevara (1531)43. Particulièrement significatif est le fait qu’on a substitué le mot traduit dans trois titres qui portaient antérieurement translaté. D’abord, les Offices de Cicéron, texte traduit au début du siècle par Missant et imprimé avec translaté en 1509, portent traduit dans la nouvelle édition Du Pré de 1529. Cette édition fait partie de la nouvelle série de textes « classiques » en français, publiés en caractères romains par Du Pré à partir de 152844. Retenons surtout le cas de La Mer des croniques, traduction française des chroniques de Robert Gaguin : les éditions de 1514, 1515, 1516, 1518, 1519 et 1520 portent translaté dans le titre ; celles de 1525 et 1527 ne comportent aucun des deux termes ; celles de Le Noir de circa 1527 et de 1530 indiquent de nouveau translaté, tandis que l’édition Nyverd pour Girault de 1530 emploie traduict, suivie par celle de Saint-Denis en 1532 et par celle de La Barre en 153645. Bref, en 1530, le titre d’un texte écrit à l’origine par Gaguin et remis régulièrement à jour par la suite, bascule du côté de la série traduire.

Considérons maintenant l’exemple suivant. Parmi les diverses chroniques gargantuines, d’origine lyonnaise mais reprises et remaniées à Paris, il existe un mince texte intitulé La Grande et merveilleuse vie du trespuissant et redoubté roy Gargantua translatée de grec en latin et de latin en francoys, imprimée sans lieu et sans nom à Paris vers 153346. Le bref prologue contient la phrase suivante47 :

Pour demonstrer à chascun populaire les grandes et merveilleuses hystoires du roy Gargantua : j’ay bien voulu prendre la peine et labeur de traduire ou translater ceste presente hystoire de grec en latin, Et de latin en Françoys…

Or, dans les trois autres éditions parisiennes de cette compilation faite par François Girault, qui ont été datées respectivement de 1532, 1533 et 1534, on lit seulement : « la peine de translater »48. Qui est le responsable des deux doublets « peine et labeur » et « traduire ou translater » ? L’auteur ? Peu probable. Celui qui a préparé le texte pour le compositeur, ou bien le compositeur lui-même ? Le procédé est transparent : on insère le nouveau mot traduire, qu’on explicite par la paraphrase translater. Aux environs de 1530, le mot translaté reste donc majoritaire, mais traduit fait une percée significative. Certains traducteurs ont pu jouer un rôle dans cette avancée. Cependant, c’est au sein même des « maisons d’édition » qu’il faut regarder : les choix de ceux qui assuraient la préparation des éditions, et plus particulièrement la composition des pages de titres, semblent bien à un moment donné avoir fait pencher la balance en faveur du second terme.

Il est toutefois intéressant de relever l’existence de quelques occurrences dans des privilèges royaux, signés par des officiers du roi. Geofroy Tory reçoit ainsi pour sa traduction du Summaire de chroniques d’Egnazio un privilège royal signé par Heruoet en date du 18 septembre 1529, dans lequel il est question du texte que Tory « a traduict ». De même, la nouvelle édition de César, traduite par Gaguin et Laigue, paraît chez Du Pré en 1531 sous un privilège royal en date du 21 mars 1530-1531 et signé par Guillaume Bochetel – lui-même traducteur et poète –, qui contient trois fois le mot traduict ou traduit49. Citons deux autres cas, légèrement postérieurs : Jean de La Forest signe un privilège royal pour la traduction de L’Antiquité judaique de Josèphe en 1534, dans lequel il utilise le mot traduire ; et Breton emploie traduction dans celui des Troys premiers livres de Diodore de Sicile signé du 15 juin 1534. Il n’est pas aisé de déterminer qui exactement a rédigé ces textes légaux, qui ne sont pas sans lien avec le libraire auteur de la demande50. Néanmoins, ces emplois indiquent l’implication d’un autre milieu important, celui des secrétaires et notaires royaux, groupe qui par ailleurs comprend des gens directement liés au milieu du livre, comme La Forest et Bochetel51. Relevons un dernier exemple : le privilège du Parlement de Paris pour L’Oraison de Cavalcanti, dont le titre spécifie que le texte a été « translat[é] » par La Forest, est signé par Morin le 19 juillet 1530 ; il est accordé à Galliot du Pré et porte la mention « traduycte en Francoys ».

Examinons maintenant les données pour les pages de titre des années 1536 à 1540. Si nous éliminons les rééditions, nous arrivons aux résultats suivants : 12 cas de la série translater contre 40 pour traduire, et 18 titres sans aucun des deux. Bien que ces données ne soient pas complètes, la tendance est claire : en une quinzaine d’années, traduire s’est imposé face à translater. Bien entendu, il y aura des résistants : nous avons déjà mentionné le cas de Barthélemy Aneau. Il y en aura d’autres, et parmi eux de grands traducteurs : les pages de titre des magnifiques traductions de Jacques Amyot des Vies des hommes illustres de Plutarque (1559) et des Œuvres morales et meslées (1572) contiennent le mot translaté. Cependant, dans l’épître au roi en tête des Vies, translater est employé deux fois et traduire neuf fois.

Regardons maintenant la situation dans la deuxième ville du royaume, Lyon. Prenons le risque d’affirmer que le premier titre dans lequel on se sert de traduire pourrait bien être celui d’un Lyonnais de résidence bien temporaire, l’Allemand Heinrich Cornelius Agrippa, qui demeura au moins trois ans dans la ville rhodanienne. Il s’agit de la De sacramento matrimonii declamatio, qui doit être datée de 1526 : Breve declamation du sainct sacrement de mariage : composé en latin per Henricum Cornelium Agrippam et par luy traduit en vulgaire francoys52. Avant 1530, on peut encore signaler quelques réimpressions lyonnaises d’éditions parues initialement à Paris, comme le Peregrin de Caviceo (Nourry, 1528 et 1529) ainsi que le Guaiacum de Hutten (Nourry, circa 1528).

Néanmoins, le mot traduit se rencontre dans plusieurs impressions autour de 1525 : d’abord dans le colophon de La Practique et cirurgie de Giovanni de Vigo, publiée par Bonyn et Planfoys le 28 août 1525 (privilège du 1er octobre)53 ; puis dans la préface de l’Hystoire evangelique de Nachgall, traduite par Jean de Vauzelles et publiée par Gilbert de Villiers en 1526. En 1530, paraît, « traduyct de vulgaire italien en langue francoyse », une impression d’Olivier Arnoullet pour Romain Morin et lui-même54. Deux autres éditions de Morin portent le mot traduit dans le titre : sa réimpression des Triumphes de Pétrarque, « traduyctz de langaige italien en langue francoyse », est parue en 1531, tandis que Le Grand Olympe des histoires poëtiques a été « traduict de latin en francoys » en 153255. Morin, facteur de Du Pré à Lyon, se mêlait-il des titres des éditions dont il assumait les frais ? Se peut-il que deux libraires, le Parisien Du Pré et le Lyonnais Morin, aient tous deux penché à peu près en même temps du côté du terme traduire ? Enfin, à cette liste préliminaire, ajoutons La Complainte de la Paix d’Érasme, « traduite de latin en francoys » dans l’édition anonyme de Pierre de Vingle et Claude Nourry, parue vers 153156.

Nous voyons donc que cette innovation circulait aussi bien dans le milieu du livre lyonnais qu’à Paris, tendance qui se poursuivra pendant les années 1530 dans bon nombre d’éditions lyonnaises. Du côté romanesque, citons le titre de la version française par Maurice Scève de La Deplourable fin de Flamete, « Elegante invention de Jehan de Flores espaignol, traduicte en Langue francoyse », publiée par François Juste en 1535. Un autre exemple se présente peu après. Denys de Harsy, l’imprimeur de Romain Morin au début des années 1530, entreprend en 1537 de rééditer l’« hystoire » des deux vrais amants de Piccolomini, le futur Pie II. La traduction lyonnaise du De duobus amantibus avait connu des éditions en caractères gothiques vers 1490, vers 1495, vers 1505, en 1515, et vers 1527 sous le titre « L’hystoire des deux amans Eurial et la belle Lucresse ». Les titres ne contiennent ni translatée ni traduicte, mais l’expression « translatée à la prière et requeste des dames » apparaît dans la note du traducteur qui ouvre chaque fois le volume. En 1537, la maison Harsy prépare une nouvelle édition, qui sera publiée sans nom, et cette fois en lettres romaines. En voici le titre57 : L’Hystoire delectable et recreative de deux parfaictz amans, estans en la cité de Sene, redigée en langue Latine par Eneas Silvius, Poete excellent. Nouvellement Traduicts en vulgaire Francoys. Encore une fois, quelqu’un qui a travaillé chez ou pour Harsy a conçu et fixé ce titre : Harsy lui-même, celui qui a préparé le texte pour lui, ou le compositeur58. C’est au même niveau qu’on est intervenu dans une réimpression du premier livre des Métamorphoses d’Ovide en 1534 « traduit de latin en francois par Clement Marot », tandis que la première édition parisienne de Roffet et la réplique lyonnaise de Juste comportent « translaté » dans le titre59.

Considérons maintenant ce qu’il en est de La Maniere de bien traduire d’une langue en aultre d’Étienne Dolet, qu’il publie lui-même à Lyon en 1540. Ce bref texte comporte vingt-huit dérivés de traduire – sans compter le titre – contre une seule occurrence de translation. Mais même cette seule occurrence n’est pas réellement en variation avec traduction. Voici le contexte60 :

Entends, que chascune langue a ses proprietés, translations en diction, locutions, subtilités, et vehemences à elle particulieres. Lesquelles si le traducteur ignore, il faict tort à l’autheur, qu’il traduit : & aussi à la langue, en laquelle il le tourne…

Ici, translation a le sens de changement, de transposition et non pas celui de traduction d’une langue en une autre. Le texte de Dolet comporte donc en réalité vingt-huit dérivés de traduire et aucun de translater. Cet opuscule de Dolet a fait date dans la réflexion sur la traduction au XVIe siècle et dans l’histoire de la traduction elle-même en France au XVIe siècle. En outre, le texte a connu un nombre important de rééditions pendant la décennie suivante61. Mais quelle a été la pratique de Dolet lui-même sur les pages de titre de ses propres éditions ? En 1540 et 1543, les deux éditions de sa traduction des Gestes de Francoys de Valois Roy de France portent le mot translaté dans le titre. Cependant, des 17 autres titres de la production des textes traduits imprimés par Dolet entre 1540 et 1543, 15 contiennent le mot traduict. Seules les éditions de l’Exhortation à la lecture des sainctes lettres de 1542 et la réimpression des Presaiges d’Hippocrate, copiée sur une édition lyonnaise précédente, font exception62.

En arrière-plan des scènes parisienne et lyonnaise, il y avait les langues latine et italienne. Lothar Wolf a proposé de voir dans le changement de translater à traduire surtout un latinisme, qui repose sur le terme traducere du latin de la Renaissance italienne63. Dans certains cas, c’est possible et même probable. Mais d’autres termes se maintiennent parfaitement bien en latin à travers le siècle : interpretare, translatare, etc. En revanche, en italien et en castillan, la transposition vers les dérivés vernaculaires de traducere, était à peu près terminée vers 1520 (it. tradotto, cast. traduzido)64. Le contact avec ces deux langues, surtout avec l’italien, aurait constitué, selon nous, un facteur autrement plus puissant.

Comment comprendre que ce changement, mineur et lexical il est vrai, mais changement tout de même, ait progressé si rapidement en quinze ou vingt ans ? Sans doute la langue orale a-t-elle pu jouer un rôle, mais dans une culture où le traducteur et la traduction occupaient une si grande place, le texte imprimé, les colophons, les départs du texte et surtout les pages de titre ont dû être des facteurs décisifs dans cette évolution du fait de leur visibilité. Ainsi, il existait un réseau d’échanges unissant le petit groupe des traducteurs aux hommes du livre, parmi lesquels des libraires influents tels Du Pré à Paris et Morin à Lyon, sans oublier Janot à Paris et Harsy à Lyon, et allant jusqu’aux secrétaires et notaires du roi. C’est cela qui permet seul de rendre compte de la rapidité avec laquelle cette innovation s’est propagée dans l’univers livresque à Paris, mais aussi à Lyon. Nous pouvons identifier quelques-uns de ces individus, mais d’autres restent dans l’ombre. Nous pensons que l’innovation traduire existait potentiellement au début du siècle, mais que c’est seulement dans les années 1520-1530 qu’elle a été effectivement relayée par les traducteurs, les hommes du livre et les secrétaires royaux, trois groupes d’individus fortement liés.

En fin de compte, au siècle suivant, on ne peut que constater la disparition complète de la série translater au sens de traduire. Pour le XVIIe siècle, la base de données FRANTEXT fournit 704 occurrences de la série traduire contre seulement cinq occurrences de translater, toutes employées dans des contextes historiques65. La variation que nous avons constatée vers le milieu du siècle chez Du Bellay et Aneau, allant parfois jusqu’à la distinction entre translater et traduire, n’a été qu’une étape dans le processus de changement lexical.

A cet égard, l’exemple de l’anglais est instructif, où il existe des occurrences de traduce / traduced / traduction / traducte à partir des années 1530, sans doute principalement sous l’influence du français : citons le titre du Golden Boke of Marcus Aurelius de Guevara (1533), le Funus d’Érasme (1534), ainsi que la traduction anglaise de l’Arnalte et Lucinda de San Pedro, faite d’après la traduction française de Herberay et publiée pendant les années 1540. Il en existe quelques autres emplois plus tardifs, mais en anglais, cette innovation lexicale n’aura jamais dépassé le stade du gallicisme rarissime, exotique voire comique66. Par contraste, en français, les premières occurrences, qui étaient tout aussi rares, ont fini par faire partie d’une vague de changement qui, déjà vers 1540, était très avancée, et cela grâce à la préférence que certains hommes et ouvriers du livre, généralement anonymes, ont montrée pour la série traduire. Tout indique que c’est pendant la deuxième moitié du siècle que la série translater devient réellement archaïque et démodée.

ANNEXE

Occurrences de translater et de traduire dans les titres des traductions françaises publiées à Paris en 1535 et 1540.

DatesAuteurTitreTs ou TdTraducteurRéf. ICPÉd. < 1540
1535ÉsopeAesopus en fr.Ø4, 1172ancien
1535DesconfitureTD4, 1281
1535DiodoreTroys livresTSMacault4, 12881540
1535François IerLettresTS4, 1315-16
1535SullyExpositions4, 1371
1535PlatonL’AxiochusØ4, 1405
1535PlutarqueDu gouvernementTDLode4, 1406Suit 1514
1536Alain de LilleLes parabolesØ5, 4Cf Brunet
1536AlciatLivretØ5, 8
c1536Ps-AristoteL’histoireØ5, 25
1536CicéronL’oraisonTSCuzzi5, 89Besançon seul
1536FloresFin de FlameteTDScève5, 165Lyon
1536LettreØ5, 220BNF seule
1536Morgant le geantØ5, 253
1536Livre d’amoursØ5, 267
1536PlutarqueGouvernementTD5, 282
1536Regine de santéØ5, 291
1536RoesslinEnfantemensØ5, 2961540
1536SagredoArchitectureTD5, 2981539
1536SallusteL’hystoireTSParmentier5, 300? 1528
1536UlenspiegelTS5, 322
1536VégèceGuerreTDVolcyr5, 328
1537BarbaroMariageTDDu Pin5, 362BArs seul
1537BruniVertus moralesGrivel5, 390Autun seul
1537CastiglioneLe CourtisanTDJean Colin, etc.5, 396-97
1537CicéronAmytieTS-TDJean Colin5, 420
1537CicéronEpistres familieres1TDMichel5, 430
1537Cure de medecineTS5, 4651535TS
1537ÉrasmeDeclamationTSSaliat5, 492
1537ÉrasmePreparatif?-TDMorin5, 499
1537Galien4e LivreCanape5, 523Lyon, 37
1537GersonConfessionalØ5, 5281538
c1537Grand Marial ITS5, 531
1537OvideGrand OlympeTD5, 602Lyon
1537PlutarqueEducationTD5, 624
1537PlutarqueTouche naifveØDu Saix5, 626-71538
1537SallusteL’oraisonTSSaliat5, 664
1537SophocleElectraTDBaïf5, 670
1538BoccaceCleres damesTDPremierfait5, 7421493TS
1538GiovioEmpereurs turcsTDA. Du Pré5, 902
1538JordanContemplationsTDLa Lande5, 953
1538JustinŒuvresTDMichel5, 956
1538PétrarqueTriumphesTSLa Forge5, 1018MC, ROTH
1538PlutarqueTranquillitéTDJean Colin5, 1027
1538PlutarqueFemmes vertueusesTDDes Monstiers5, 1028
1539AlbertiDeiphireTDBnF
1539BöhmDiverses histoiresTDBöhm5, 1175
1539CicéronLa vieillesseTSPremierfait5, 1217
1539CicéronL’AmytieØJean Colin5, 1224HCL
1539CicéronLes paradoxesTD5, 1538
1539CicéronLes paradoxesTS5, 1239
1539CicéronEpistres familieres2TDMichel5, 1250
1539CicéronSonge de ScipionØ5, 1252HCL
1539CicéronSonge de ScipionTD5, 1253
1538EpictèteLe ManuelØ5, 849
1539ÉrasmeApophthegmesTSMacault5, 12991540
1539ÉrasmePreparatifØ-TDMorin5, 1311-12
1539LettreTD5, 1415
1539OvideGrand OlympeTD5, 1455Lyon
1539OvideLes XV livresTD5, 1456
1539PétrarqueSix sonnetsTDMarot5, 1462
1539PétrarqueTriumphesØLa Forge5, 1463
1539PétrarqueTriumphesTDMaynier5, 1464
1539PhilonL’hystoireØMeigret5, 1466
1539San PedroL’AmantØHerberay5, 1492
1539TérenceLe grand TerenceØ5, 1504
1540Les AbusezTDCh. Estienne5, 1537
1540Amadis de GauleTDHerberay5, 1550-51
1540CicéronLa vieillesseØ5. 1643
1540Columella3e et 4e livresTDMeigret5, 1676
1540Du ClercColloque familierTD5, 1718
1540GuevaraLorloge des princesTDBertaut5, 1823
1540HomèreCombat des ratzTDMacault5, 1842
1540JustinTroge PompéeTDMichel5, 1851
1540Paulus AeginetaLa chirurgieTDTolet5, 1905Lyon
1540Pline l’AncienHistoireTDMeigret5, 1921
1540RicherCoutumes turcsTD5, 1930
1540SchotteniusVie d’honneurØLe Breton5, 1940
1540ScottLa phisionomieTDVolcyr5, 1941

____________

1 Voir l’article et les cartes de Philippe Nieto, « Géographie des impressions européennes du XVe siècle », dans Berceau du livre, pp. 125-174 ; id., « Géographie européenne des incunables lyonnais : deux approches cartographiques », dans HCL, II, 2006, pp. 23-52. Sur les métiers du livre, voir Jean-Dominique Mellot, « Pour une géographie urbaine des métiers du livre. Réflexions sur l’évolution du cas lyonnais (fin XVe-début XIXe siècle) », dans HCL, II, 2006, pp. 53-68.

2 Anatole Claudin, Histoire de l’imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle, t. 3, Paris, Imprimerie nationale, 1904, ch. 49 (et p. 327).

3 Parmi beaucoup d’autres, E. Picot, Les Français italianisants au XVIe siècle, 2 vol., Paris, Champion, 1906-1907 ; et Richard Cooper, « ‘Avec le temps’: le voyage poétique en Italie de trois jeunes Français », dans BHR, 66, 2004, pp. 497-524.

4 Prologue de La Prison d’amours, Paris, Du Pré, 1525, sign. A2r°-v°. Voir Mathilde Thorel, “Langue translative” et fiction sentimentale (1525-1540), thèse de doctorat soutenue en décembre 2006 (à paraître, Genève, Droz), Introduction et II, ch. 1.

5 Bertault raconte son expérience dans le Prologue de sa traduction de L’Horloge des princes (Paris, Du Pré, 1540). Geoffrey Baldwin cite l’exemple de Guevara dans son étude intitulée « The translation of political theory in early modern Europe », dans Cultural Translation, pp. 101-124 (pp. 111-112).

6 Pour un heureux rapprochement entre migration des gens et circulation des textes et des idées, voir Andrew Pettegree, « Translation and the migration of texts », dans The French Book and the European Book World, Leyde, Brill, 2007, pp. 203-218 (pp. 203-204).

7 Voir entre autres l’article d’Andrew Pettegree, « The Reformation and the Book. A Reconsideration » (2004), repris dans The French Book and the European Book World, ouvr. cit., pp. 221-250 ; et Francis Higman, « Idea for export : translation in the early Reformation » (1993), dans Lire et découvrir. La circulation des idées au temps de la Réforme, Genève, Droz, 1998, pp. 531-544 (THR, 326).

8 Sur Fracanzano, voir la mise au point de Dominique Lanni, « De nouveaux horizons » (2004), sur le site africultures.com. Peter Burke a étudié les traductions latines d’ouvrages en langue vernaculaire dans « Translations into Latin in early modern Europe », dans Cultural Translation, pp. 65-80.

9 A propos de la traduction des textes de l’Antiquité, voir l’étude de Rudolf Hirsch, « Classics in the Vulgar Tongues Printed during the Initial Fifty Years, 1471-1520 », dans Papers of the Bibliographical Society of America, 81, 1987, pp. 249-337.

10 Pour le corpus dans son ensemble, voir Paul Chavy, Traducteurs d’autrefois, Moyen Âge et Renaissance : dictionnaire des traducteurs et de la littérature traduite en ancien et moyen français (842-1600), Paris, Genève, Champion, Slatkine, 1988, 2 vol. Il ne faut pas s’imaginer que le Moyen Âge était en reste quant à la traduction, comme en témoigne le projet de recherche sur « Translations médiévales. Cinq siècles de traductions en français (XIe-XVe siècles). Étude et Répertoire » (Turnout, Brepols, 2010).

11 Sur Koeln, voir Jean-François Gilmont et William Kemp, « Wigand Koeln libraire à Genève (1516-1545) : éditeur du Pater noster de Guillaume Farel », dans BHR, 70, 2008, n° 1, pp. 131-146. Pour Dolet, voir la Bibliographie des œuvres d’Étienne Dolet par Claude Longeon (Genève, Droz, 1980). Le volume sur Corrozet, préparé par Magali Vène dans la série Imprimeurs et libraires parisiens du XVIe siècle, fondée par Philippe Renouard, paraîtra bientôt. Dans un article récent, Peter Burke note que les traducteurs, surtout avant 1550, tendent à être marchands, diplomates, pédagogues, et parfois libraires (« The Renaissance translator as go-between » dans Renaissance go-betweens : cultural exchange in early modern Europe, éd. Andreas Höfele, Werner von Koppenfels, New York, De Gruyter, 2005, pp. 17-31).

12 Voir entre autres Mise en page, I, 1-3.

13 Voir l’article classique de Jacques Monfrin, « La traduction française de Tite-Live », dans Histoire littéraire de France, 39, 1962, pp. 358-414. Voir également Peter Burke, « Translating histories », dans Cultural Translation, pp. 125-141 (p. 127).

14 Josef Benzing, Helmut Claus, Lutherbibliographie. Verzeichnis der gedrukten Schriften Martin Luthers bis zu dessen Tod. 2e éd., Baden-Baden, Koerner, 1989, 2 vol. Le De libertate christiana a été traduit en tchèque (1521), en français (1525), en anglais (1535), en espagnol (1540) et en italien (1540).

15 Pour les incunables, nous nous sommes servis du catalogue en ligne de l’ISTC (Incunabula Short Title Catalogue), disponible sur le site de la British Library.

16 Voir Carcer d’amor – Carcer d’amore. Due traduzioni della ‘novela’ di Diego de San Pedro, pub. Vincenzo Minervini et Maria-Luisa Indini, Fasano, Schena, 1986 (« Biblioteca della ricerca. Testi stranieri », 9) ; et La Prison d’amour (1552), éd. Véronique Duché-Gavet, Paris, Champion, 2007, Introduction, pp. XI-XIII.

17 Voir Philippe Verelst, « Renaut de Montauban, textes apparentés et versions étrangères : essai de bibliographie (nouvelle édition, revue et augmentée) », dans Olifant, 18, 1-2, 1993, pp. 94-190.

18 Voir entre autres Serge Lusignan, Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, Montréal, Vrin, Université de Montréal, 1986, ch. IV.

19 C’est Ferdinand Brunot qui le premier souligna les visées langagières seysseliennes dans « Un projet d’“enrichir, magnifier et publier” la langue française », dans RHLF, 1, 1894, pp. 27-37. Voir aussi Mireille Huchon, Le Français de la Renaissance, Paris, PUF, 1988, ch.1-3 ; Danielle Trudeau, Les Inventions du bon usage (1529-1647), Paris, Éd. de Minuit, 1992, ch. 1-2 ; Mise en page, pp. 171, 174-177, ainsi que l’article de Marie-Luce Demonet, « Langue française » dans DLF 16, p. 670.

20 Glyn P. Norton, The Ideology and Language of Translation in Renaissance France and their Humanist Antecedants, Genève, Droz, 1984 (THR, 201).

21 Luce Guillerm, Sujet de l’écriture et traduction autour de 1540, Paris, Aux amateurs de livres, 1988.

22 Henri Chamard, Joachim Du Bellay, 1522-1560, Lille, 1900, pp. 154-155 ; texte cité : Deffence et illustration de la langue françoyse (1549), I.V, éd. F. Goyet-O. Millet, Paris, Champion, 2003, p. 27.

23 Deffence, I.VII, p. 31. Sur Du Bellay et la traduction, voir Norton, The Ideology and Language of Translation in Renaissance France, pp. 290 et suiv. ; et pour une analyse confrontant la Deffence au traité de Dolet, voir le commentaire qu’en propose F. Goyet (Deffence, éd. citée, pp. 101-111).

24 Un peu plus loin, Du Bellay juxtapose à nouveau les deux séries, opposant cette fois le traducteur au paraphraste pour expliciter la tâche qu’il attribue au translateur de textes non littéraires : « Encores seroy’ je bien d’opinion que le scavant Translateur fist plus tost l’office de Paraphraste, que de Traducteur : s’efforceant donner à toutes les Sciences, qu’il voudra traiter, l’ornement, & lumiere de sa Langue … » (Deffence, I.X, p. 37).

25 Deffence, I.VI, p. 29.

26 Voir William Kemp, « Une édition clandestine du Jugement d’amour de Juan de Florès (vers 1530) dans l’univers du livre à Caen et à Rouen », dans Memini. Travaux et documents, 4, 2000, pp. 137-157.

27 L’expression est du traducteur Mathurin Héret en 1553. Voir Mireille Huchon, « Amadis, ‘parfaicte Idée de nostre langue françoise’ », dans Les Amadis en France au XVIe siècle, Cahiers V. L. Saulnier, 17, P.E.N.S., 2000, pp. 183-200.

28 Marcel Françon, « Notes sur le vocabulaire : poète, poésie, humaniste, traduire, cavillation », dans BHR, 29, 1967, pp. 159-161 ; voir aussi Lothar Wolf, « Fr. traduire, lat. traducere und die kulturelle Hegemonie Italiens zur Zeit der Renaissance », dans Zeitschrift für Romanische Philologie, 87, 1971, pp. 99-105 (p. 101), qui cite ce même titre mais sous la date inexacte de 1520. La date de 1520 pour le titre du Peregrin de 1527 est toujours la date retenue par le dictionnaire en ligne du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (TLFi, janvier 2008).

29 Paul Chavy, « Depuis quand traduit-t-on ? », dans BHR, 44, 1982, pp. 361-362.

30 BnF, ms. fr. 715, vers 1509.

31 BnF, ms. fr. 713-714, vers 1507. Voir Paul Chavy, « Les traductions humanistes de Claude de Seyssel », dans L’Humanisme français au début de la Renaissance. Colloque international de Tours…, Paris, 1973, pp. 361-376 (p. 375). Les textes de ces préfaces sont reproduits aux pp. 66-70 et 77-87 en annexe à l’édition moderne de Claude de Seyssel, Monarchie de France et deux autres fragments politiques, éd. Jacques Poujol, Paris, Librairie d’Argences, 1961 : traduire, p. 69, et traduire, p. 85.

32 BnF, ms. fr. 702-701, vers 1505.

33 Pour la datation du ms. fr. 875 de la BnF, voir François Avril et Nicole Reynaud, Les Manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, Flammarion, Bibliothèque nationale, 1993, p. 407, n° 231.

34 Voici deux occurrences qui apparaissent ailleurs qu’à la page de titre. Dans un manuscrit préparé pour François Ier en 1519 ou 1520, il est question de « la traduction du premier lyvre faict à sainct Germain en Laye » en avril 1519 (BnF, ms. fr. 13429, f° 22v°). Une autre se trouve dans le Prologue à Louise de Savoie en tête du Violier des histoires romaines, publié à Paris par Jean de La Garde en 1521 (éd. Hope, Genève, Droz, 2002 (« TLF », 548), p. 7).

35 Un exemplaire de la toute première édition, ou bien de la première conservée, se trouve à la British Library (C.112.aa.12). Sur la suite des éditions, voir William Kemp, « Les éditions de la version Chéradame du Guaiacum de Hutten (c. 1523-1529) et les débuts de l’humanisme médical en français », dans Gut. Jb., 1992, pp. 161-189.

36 Voir sous son nom les index des volumes 2-4 de l’ICP.

37 Soulignons que ces deux occurrences disparaissent dans les éditions suivantes. Voir Mathilde Thorel, “Langue translative” et fiction sentimentale (1525-1540), I, ch. 1, et « L’altérité au principe de l’auctorialité : les enjeux d’une translatio vulgaire dans trois traductions avant 1540 », dans Actes du colloque Langue de l’autre, langue de l’auteur (Amiens, 6-8 juin 2007), à paraître.

38 Pour retraduire, le TLFi indique une première attestation datée de 1556 pour le sens « traduire de nouveau », et seulement de 1672 pour le sens « traduire en une autre langue un texte qui est déjà une traduction » ; c’est clairement dans cette acception qu’il est ici employé en 1525. Aucune forme de ce dérivé n’a été relevée dans les dictionnaires de la Renaissance jusqu’au Thresor (1606) inclus.

39 Description fournie dans le Catalogue of the Petrarch Collection bequaethed by Willard Fiske, Cornell University Library, éd. Mary Fowler, Oxford, Oxford University Press, 1916, p. 18. Voir aussi Brunet, Manuel, 4, col. 567. Le titre de cette édition ne contient aucune référence à la traduction ; le départ du texte ainsi que le colophon spécifient « translaté ». Voir l’ICP, 3, n° 726 (si le privilège date du 23 mars 1524, il doit s’agir de 1525 nouveau style, Pâques tombant le 16 avril).

40 Les éditions des traductions de Michel après 1535 portent « traduict » dans le titre. C’est Du Pré qui publie sa traduction De l’Antiquité Judaique en 1534-1535. Le privilège précise : « Galliot du pré (…) a fait traduire et mettre en francois ung livre … ». Sur certains aspects de la vie de Guillaume Michel, voir Elizabeth Armstrong, « Notes on the works of Guillaume Michel », dans BHR, 31, 1969, pp. 257-281.

41 Dans sa traduction du Summaire de Chroniques d’Egnazio, Tory emploie traduction et traduict dans son Épître du 10 avril 1529/30. Il y a également une occurrence dans le texte de Champ-fleury : « selon la Traduction de Grec en latin que mon seigneur Budé a mis en ses Annotations sus les Pandectes » (fol. 3r°).

42 Les Bucoliques de Frere Baptiste Mantuan (1530) sont disponibles sur le site Gallica.

43 ICP 3, n° 1709 (Cicéron), 1833 (Lucien), 2094 (Fiori) et 4, n° 174 (Guevara). Exemplaires vérifiés.

44 Sur cette série, voir Jean Balsamo, « La collection des anciens poètes français de Galliot du Pré », dans L’Analisi linguistica e letteraria, 8, 2000, pp. 177-194. Cette « collection » comprend quelques titres en prose, dont le Cicéron de 1529 et Les Illustrations de Gaule de Lemaire de Belges de 1531.

45 On peut consulter sur ce point les descriptions de la Bibliotheca Belgica, éd. F. Van der Haeghen, M.-T. Lenger, vol. 3 (Bruxelles, Culture et civilisation, 1964), pp. 77-83.

46 Cette occurrence a d’abord été relevée par Marcel Françon, « Two French Notes », dans Language, 24, 1948, p. 178. L’attribution à l’imprimeur parisien Alain Lotrian a été faite par Brigitte Moreau (ICP, 4, n° 619 ; exemplaire unique conservé à la Bodleian Library à Oxford).

47 Fac-similé et texte reproduits dans Les Chroniques gargantuines, éd. critique par Christiane Lauvergnat-Gagnière et Guy Demerson, Paris, Nizet, 1988, pp. 151 et 153.

48 ICP, 4, n° 366 (c. 1532), 618 (c. 1533) et 921 (c. 1534).

49 Il serait souhaitable d’avoir accès à tous les privilèges émis pendant ces années. Nous en avons consulté seulement un certain nombre. Les privilèges de La Prison d’amour de San Pedro (1525), de la Celestine (1527), du Peregrin (1527), du Thucydide (1527) et du Jugement d’amour de Florès (1529), contiennent le mot translaté ou aucun des deux termes.

50 Un excellent exemple se trouve dans Les Bucoliques (1530) de Spagnuoli, traduites par Michel d’Amboise (disponible sur Gallica). Y est citée la demande de Lotrian et Janot, qui contient le mot traduire, demande que le prévôt de Paris, J. Morin, cite textuellement et entérine.

51 Sur Bochetel, voir V.-I. Comparato, « Guillaume Bochetel, secrétaire d’État, ? -1558 », dans Le Conseil du roi de Louis XII à la Révolution, éd. R. Mousnier, Paris, 1970, pp. 105-129. Jean de La Forêt, élève multilingue de Lascaris, correspondant de Budé, secrétaire de Duprat puis du roi avant d’être nommé premier ambassadeur du roi auprès du Grand Turc, est l’éditeur du texte latin de Thucydide publié chez Bade en 1528 et le traducteur de L’Oraison de Cavalcanti en 1530. Nous remercions Nicole Bingen d’avoir échangé longuement avec nous sur la vie et la carrière de La Forest.

52 Texte de la trad. fr. et analyse dans E. Droz, Chemins de l’hérésie, t. 2, Genève, 1971, pp. 1-27.

53 Baudrier, Bibliographie lyonnaise, t. 10, pp. 424-425.

54 Page de titre reproduite dans Harvard College Library, French Sixteenth Century Books, éd. Ruth Mortimer, Cambridge (MA), Harvard U. P., 1964, 2 vol., p. 26, n° 21 : Typ 515 30.144.

55 Cette page de titre est reproduite dans William Kemp, « Les Petits livres français illustrés de Romain Morin (1530-1532) et leurs dérivés immédiats », dans Il Rinascimento a Lione. Atti del Congresso Internazionale (Macerata, 6-11 maggio 1985), éd. A. Possenti, G. Mastrangelo, Roma, 1988, pl. face à la p. 480. Voir également la page de titre des Triumphes de Pétrarque illustrée dans Mise en page, p. 219.

56 Éd. avec fac-similé et introduction par E. V. Telle, Genève, Droz, 1978 (« TLF », 248).

57 Exemplaire apparemment unique conservé au Musée Condé à Chantilly : III.D.29 (nous l’attribuons à Harsy et non pas à Janot). Nous avons légèrement modernisé le français.

58 Rabelais, qui affectionne sur certains points l’archaïsme, emploie uniquement la famille translater autant dans Pantagruel et Gargantua que dans le Tiers Livre (une fois chaque). Voir la Concordance des Œuvres de François Rabelais, préparée par J. E. G. Dixon et John L. Dawson, Genève, Droz, 1992, pp. 844 et 846 (« Études Rabelaisiennes », 26).

59 Paris, Roffet, 1534 : ICP, 4, n° 1099 ; Lyon, Juste, 1534 : Sybille von Gültlingen, Bibliographie des livres imprimés à Lyon, vol. 4, p. 205, n° 20 ; Lyon, sans nom, 1534 : Paris Bibl. de l’Arsenal, Réserve 8-BL-4782. Marot utilise la série translater jusqu’à 1534 ; à la fin des années 1530, il se convertit plus ou moins à traduire.

60 Étienne Dolet, La Maniere de bien traduire, Lyon, Dolet, 1540, p. 12.

61 Voir Claude Longeon, Bibliographie des œuvres d’Étienne Dolet, écrivain, éditeur et imprimeur. Genève, Droz, 1980, pp. 58-68, nos 93-112 : quatre éditions de Dolet (1540, 1541, 1542, 1543), suivies d’une autre édition lyonnaise (1547), trois éditions parisiennes (1544, 1545 et s.d.), une édition à Caen en 1550 et une autre à Anvers vers 1550. Reste une édition sans date ou sans identification aucune (n° 94), qui a pu sortir d’une presse parisienne ou lyonnaise au début des années 1540.

62 Le Livre des presaiges, translaté en francois, est paru à Lyon chez Nicolas Petit en 1539 (exemplaire à la John Rylands University Library, Manchester).

63 L. Wolf, « Fr. traduire, lat. traducere… », art. cit.

64 Voir Gianfranco Folena, « Volgarizzare e tradurre : idea e terminologia della traduzione dal Medio Evo italiano e romanzo all’umanesimo europeo», dans La Traduzione, saggi e studi, Trieste, Ed. Lint, 1973, pp. 57-120. A la p. 106, Folena affirme : « Certo nel ‘500 translatare con la sua famiglia era sentito comme un arcaismo ».

65 La base textuelle FRANTEXT est gérée par le CNRS et par Nancy-Université.

66 Voir l’entrée sous traduce dans l’Oxford English Dictionary, 2e édition, Oxford, Clarendon Press, 1989, vol. 18, p. 355.