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Reliures islamiques : spécificités soudanaises

Natalia VIOLA

Consacrer cette prospection aux reliures soudanaises1 peut surprendre : notre démarche dérive essentiellement d’une réaction au fait que ces documents historiques ont été négligés jusqu’à présent et souffrent d’un statut de subordination par rapport aux modèles arabes. Le livre manuscrit et sa reliure restent assurément dans les cultures d’Afrique sub-saharienne un concept importé de la tradition arabe, mais il s’est adapté aux modes de fabrication locaux, générant un style unique. Le but de notre étude est de mieux comprendre les spécificités de ces « objets » qui doivent être considérés à la fois comme le produit d’une activité artisanale et comme l’accomplissement d’un objectif culturel des sociétés islamisées d’Afrique sub-saharienne.

L’islam avait commencé à pénétrer en Afrique sub-saharienne dès le IXe siècle, mais il connut son élan suite à l’essor du trafic transsaharien. Les élites citadines furent les premières à se convertir2, et la nécessité de se familiariser avec la langue et l’écriture arabes apparut initialement pour des raisons commerciales. Cependant, le processus d’arabisation avait commencé à se développer de façon progressive, avec des caractéristiques distinctes à chaque région. L’alphabétisation chez les musulmans d’Afrique, comme partout d’ailleurs, fut subordonnée à la transcription et à la transmission du Coran. Malgré quelques contributions littéraires de musulmans africains tels que Abū Ishāq Ibrāhı̄m al-Kānēmı̄ ou Ibn al-Mukhtar Ka’ti, qui avaient commencé à écrire en arabe dès la période médiévale, la production du livre manuscrit se développa plutôt tardivement dans l’Afrique islamisée. En conséquence de ce retard, les sources historiques représentant l’héritage culturel des musulmans d’Afrique n’ont pas rencontré l’intérêt d’historiens, et encore moins de paléographes, qui les ont considérées comme trop récentes pour être dignes d’attention.

Comme l’Afrique sub-saharienne a été productrice de reliures et livres manuscrits jusqu’au XXe siècle, une étude approfondie de leurs procédés de fabrication pourrait se révéler très fructueuse pour retracer les techniques du travail du cuir au sein du monde arabe.

Pour nous faire une idée des modèles qui ont servi d’inspiration aux artisans locaux et pour établir les grands traits de l’évolution des reliures soudanaises, nous nous sommes principalement basé sur les reliures des manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale de France. Dans l’espoir d’établir un ordre chronologique, nous avons choisi de procéder d’abord à l’analyse des exemplaires datés. Nous avons constaté que toutes les reliures contenues dans le corpus à notre disposition étaient datées du XIXe siècle, et qu’elles présentaient une grande variété de types, sans qu’aucun modèle spécifique ne marque cette période ; nous avons donc opté pour une analyse directe des caractéristiques matérielles afin d’établir des groupes possédant des caractéristiques communes.

Le travail de définition des caractéristiques matérielles que nous avons commencé repose sur une sélection d’exemplaires qui présentent des indices communs en raison de leur provenance d’une même zone géographique ; on pourra sur cette base créer une première classification qui nous permettra, dans le futur, des parallèles avec d’autres reliures produites dans des aires géographiques différentes dont elles peuvent partager les techniques, l’histoire ou les matériaux. Les résultats de ces apports comparatifs nous serviront à mieux comprendre l’évolution des reliures et à retracer les réseaux d’influences qui ont orienté leur production. Puisque les reliures antérieures au XIXe siècle sont peu nombreuses et qu’elles ne partagent pas la provenance des reliures de notre corpus nous considérons qu’il est trop hasardeux de formuler des hypothèses quant à leurs prototypes.

Nous sommes tenté de tenir les reliures « simples » – celles formées initialement par deux ais en carton et qui, dans un deuxième temps, furent revêtues en cuir – pour les plus anciennes. Il nous paraît également logique de penser que les ais rigides laissèrent la place aux plats souples et que ceux-ci furent supplantés par les reliures à lanières.

En ce qui concerne le format, il semblerait que le grand format fut supplanté par le petit et que les décors des diagonales furent remplacés par des décors géométriques plus complexes. Mais tant qu’aucun particularisme ne se manifeste dans un axe de temps précis, aussi bien dans l’emploi des matériaux que dans les décors, la réponse à la question de l’origine et l’évolution des reliures soudanaises ne pourra pas être éclaircie entièrement.

La dénomination de « reliures soudanaises » évoque, en général, l’image de reliures souples formées d’une seule pièce de cuir, sans carton, avec un rabat passant au-dessus du plat supérieur et se prolongeant par une lanière qui s’enroule autour du volume. Cependant, il existe aussi d’autres types de reliures ayant une structure différente. On trouve ainsi des reliures formées par deux plats cartonnées ou en cuir, des reliures avec ou sans lanière, d’autres munies d’un rabat, et d’autres encore qui mériteraient un chapitre à part entière, vu la richesse et la diversité qui les caractérisent : les reliures-étuis.

Toutes restent mal connues et peu étudiées, principalement parce que les catalogues des manuscrits arabes ne font pas mention de la présence des reliures. Quelques rares exceptions concernent des collections conservées en Occident : le catalogue des manuscrits arabes de Yale3, par exemple, fait mention de la présence des reliures mais sans en fournir une description précise. A l’inverse, les catalogues des musées ethnographiques, dans lesquels l’« objet » reliure est traitée par les ethnologues comme une importante sources d’information sur les cultures d’origine, proposent parfois des descriptions détaillées qui s’avèrent précieuses.

D’un point de vue terminologique, le terme même de « soudanais » que nous avons emprunté pour définir ce genre de production n’est pas satisfaisant, car il ne permet pas de donner une indication distincte qui puisse nous aider à caractériser le style de chaque exemplaire avec plus d’exactitude en fonction de sa provenance ethno-géographique. Toutefois la vision des reliures fabriquées en Afrique sub-saharienne est, dans l’état actuel, encore tellement générale qu’elle ne permet pas de les classer autrement. Ainsi, afin de progresser vers une connaissance plus fine de leur morphologie et de leur codicologie, il nous a paru utile de proposer de distinguer quatre groupes de reliures soudanaises. Ces derniers sont de simples outils d’orientation, destinés à ne pas s’exclure mutuellement : chaque exemplaire peut ressortir à plusieurs groupes et présenter les caractéristiques de plusieurs d’entre eux.

(a) Les reliures à lanière (fig. 1). Ces reliures sont, dans la plupart des cas, des reliures souples qui présentent une grande ressemblance avec les reliures coptes de Nag Hammadi4. La lanière qui sert de fermoir est employée aussi bien sur le petit que sur le grand format. Elle peut se présenter comme une seule bande en cuir ou être obtenue par l’assemblage de plusieurs bandes nouées entre elles ; elles se terminent souvent avec un cauri, solution à la fois pratique et décorative5. La lanière est parfois fixée entre les deux pièces de cuir contrecollées qui forment le rabat ; dans d’autres cas, elle est cousue au-dessus du plat supérieur. Il n’est pas rare qu’elle soit renforcée, à ce même endroit, par l’ajout d’une pièce en cuir6. Les rabats des reliures à lanière peuvent être de forme triangulaire, ogivale ou rectangulaire.

(b) Les reliures simples (fig. 2). Nous appelons « simples » ces reliures qui ne comportent qu’un plat supérieur et un plat inférieur, et qui sont réalisées en carton aussi bien qu’en peau d’agneau ou de vache. Dans le cas de plats en peau, l’un d’entre eux est souvent muni d’une ficelle qui sert à entourer le manuscrit7. Généralement, c’est la surface écrite qui reste en contact avec le côté poil de la peau. Ce type de reliure était conçu pour des manuscrits – de préférence un seul manuscrit – que l’on se proposait d’habiller plus tard en les insérant dans des sacoches/étuis. Les manuscrits placés entre les plats et destinés à être conservés dans les étuis pouvaient être protégées auparavant par une mousseline. Dans le cas des manuscrits de plus grand format8, ils pouvaient être entourés par de véritables couvertures se composant de peaux d’animaux maladroitement coupées en forme d’enveloppe qui, elles aussi, pouvaient être placées dans un étui.

(c) Les reliures étui (fig. 3). Ce groupe est sans doute le plus intéressant, car il comprend des reliures qui nous parlent, plus que les autres, des habitudes et des rapports qu’entretenaient les êtres humains qui les fabriquaient et les portaient. Ce genre de reliures varie énormément d’un pays à l’autre. La variété des motifs de décors utilisés permet de se différencier à l’intérieur de sa propre communauté ou par rapport aux autres sociétés en fonction des circonstances et des rôles sociaux. A l’intérieur de cette famille, une distinction majeure devrait être faite entre les sacoches réservées au transport du Coran9 et les étuis destinés à protéger des prières manuscrites (laya) que l’on portait sur soi10. Nous avons également exclu les sacoches qui se portent en bandoulière et qui finissent par des longues franges multicolores11, car leur emploi n’est pas strictement lié au transport du livre.

(d) Les reliures peintes (fig. 4). Cette dénomination s’applique à toutes les reliures ayant des motifs de décor peints sur un des deux plats, ainsi qu’aux exemplaires de reliures où les pigments sont employés pour rehausser en couleurs un estampage à froid12. On ne connaît guère de reliures souples qui soient peintes. Les quelques exemplaires connus ont des ais rigides et ont tous été exécutés en Mauritanie. Les décors qui remplissent le champ des plats de ces types de reliures se distinguent des autres par des motifs végétaux coloriés, même si la palette employée est assez limitée : rouge, vert et jaune. Nous sommes tenté de croire que les reliures peintes étaient conçues pour des livres destinés aux bibliothèques13. Jusqu’à présent, nous n’avons pas rencontré d’exemple de reliure peinte pourvue d’une lanière.

Cette première classification des reliures soudanaises est loin d’être exhaustive. Cependant, elle peut nous aider à établir des typologies et des critères qui nous permettront de mieux classer d’autres exemplaires. Ces distinctions étant faites, il ne faut pas perdre de vue qu’un certain nombre de reliures, tout en ressortissant à deux catégories différentes, peuvent partager des orientations communes.

Le manque de sources14 sur l’art de la reliure en Afrique nous empêche de retracer avec certitude les modalités de fabrication de ces objets et nous conduit à fonder notre recherche uniquement sur une observation directe de l’objet dont le résultat pourrait ne pas rendre compte des aspects sociologiques du livre. C’est pourquoi il faudrait reconstruire également le cadre sociologique dans lequel les replacer – l’interaction entre l’objet et l’environnement culturel, économique et social qui l’a produit – afin de leur rendre un statut à part entière. Cette approche nous conduit à prendre en considération tous les aspects indissociables de la réalisation du produit final : les artisans qui l’ont effectivement fabriqué, la production des outils et des matériaux employés, l’utilisation qui en était faite, les possesseurs qui l’ont diffusé, les lecteurs qui l’ont utilisé et conservé.

Quels que soient les décors de ces reliures, leurs formes, les manuscrits qu’elles protègent ou encore les zones géographiques où elles ont été conçues, leur fonction reste la même : celle, évidente, de protection. Mais cette évidence n’est qu’apparente dans le cas du groupe « c » car, comme nous l’avons vu, les reliures qui en relèvent peuvent, plus que les autres, se prêter à une approche sociologique. Elles sont révélatrices des rapports qu’elles entretiennent avec tous les autres aspects de leur culture d’origine : l’économie, la religion, l’esthétique, la sémiologie, même si les fonctions sémiologique et sociale de la reliure ne figurent pas forcément, au moment de sa réalisation, parmi les préoccupations du relieur.

En Afrique comme partout d’ailleurs, les fonctions du livre, qu’il soit sacré ou profane, sont multiples ; et ceux que l’on conserve aujourd’hui témoignent des usages divers pour lesquels ils ont été conçus et employés. Pour mieux comprendre cette fonction, nous devons répondre à une question essentielle : à quel moment le besoin de protéger le manuscrit s’est-il fait sentir ? Ce besoin a pu apparaître lorsque le processus de diffusion du Coran commença. On sait que le processus de compilation écrite du texte est souvent évoqué en faisant allusion aux deux ais entre lesquels le manuscrit coranique fut alors placé. De manière concrète, les copies étaient destinées à être manipulées, à circuler et à voyager. De toute évidence, le fait de disposer d’un support rigide rendait leur maniement plus simple et, en même temps, les préservait de tous les agents externes. Nous pouvons également penser que cacher le manuscrit avec une reliure allait le rendre plus précieux, plus mystérieux, et modifier en quelque sorte le rapport physique avec son lecteur. L’ouverture d’un manuscrit protégé par une reliure peut ainsi être vécue par son lecteur de manière plus consciente. En outre, la reliure, quand elle est de prix, valorise ce qu’elle est chargée de protéger et, dans le cas de copies du Coran, peut également constituer un moyen d’identification.

Partant du fait que le format du manuscrit est un des éléments qui déterminent le type de reliure, nous avons constaté que, dans plusieurs cas, la taille des manuscrits ne correspondait pas vraiment à celle de la reliure, ce qui nous induit à penser qu’en général les reliures souples n’étaient pas créées pour un manuscrit précis mais qu’elles pouvaient être adaptées à l’occasion. Cela pourrait également expliquer l’absence de cahiers fixés à la reliure et le fait que peu de livres aient gardé leur reliure d’origine.

Est-ce que, dans une phase plus tardive, lorsque les manuscrits qui circulaient n’étaient plus uniquement des corans et qu’une littérature autochtone commençait à se développer et à engendrer probablement le désir de posséder l’« objet » livre, la reliure changea sa fonction et sa forme ? Il semble que non, si l’on prend le mode de rangement des livres comme indice pour la compréhension de certaines préférences que manifestent les reliures. Nous avons remarqué que, dans les bibliothèques privées comme dans celles des madrasa, les livres tant à reliure souple que rigides étaient stockés empilés les uns sur les autres de la même façon. On en peut déduire que les reliures souples n’étaient pas conçues pour les livres destinés à voyager mais qu’elles étaient un choix précis reflétant, peut-être, un manque d’équipement et de moyens : la reliure souple est en effet moins exigeante en travail et en matériaux.

Un autre élément fondamental dans la compréhension des caractéristiques des reliures soudanaises est la lanière. L’emploi de la lanière est généralement expliqué comme une solution pour maintenir les feuillets bien en place dans la reliure car, d’habitude, ils ne sont pas fixés à celle-ci. Cette explication est vraie en partie, car la lanière s’enroule autour du volume seulement dans le sens horizontal, de telle sorte que cela n’empêcherait pas de perdre les feuillets une fois le volume placé en position verticale. Une autre hypothèse à considérer est que la lanière, associée comme elle l’est aux reliures souples en général, rendrait ces volumes plus faciles à porter sur soi, par exemple lors d’un déplacement.

Bien que la qualité des exemplaires que nous avons pu étudier ne soit pas excellente, le soin avec lequel certaines reliures ont été réalisées nous montre qu’il existait une certaine familiarité avec le travail du cuir. Riche de nombreuses tribus nomades d’éleveurs (Peuls, Touaregs), le Mali reste encore aujourd’hui un important producteur de peaux en Afrique de l’Ouest (chèvres et vaches essentiellement) et le cuir constitue toujours l’un des principaux produits d’exportation du pays. Ces cuirs constituent le centre de beaucoup d’activités dans les sociétés traditionnelles de l’Afrique sub-saharienne. Aux femmes, par exemple, notamment en Mauritanie, est confié le travail de tannage, de teinture et de décoration15. La fabrication du cuir a toujours été favorisée par l’abondance des acacias tamat et talha16, qui produisent un tannin de très bonne qualité. Ce travail traditionnel du cuir dans certain pays de l’Afrique de l’Ouest est encore aujourd’hui fortement encouragé par les gouvernements17.

Les reliures les plus courantes sont faites à partir de cuir de chèvre (le chagrin) ou de mouton (basane) ; le veau est lisse et se prête à de beaux effets, mais il est assez fragile et pour cette raison écarté. A ce propos, il serait utile d’étudier les sources relatives au commerce caravanier transsaharien, en particulier les correspondances relatives aux activités commerciales, afin de déterminer à qui étaient destinés, et pour quel usage, les principaux produits échangés : cuir, tanné, tissus, papier et poudre d’or, qui constituait le pivot du commerce transsaharien à destination de l’Afrique sub-saharienne, entre Ghadames, Tunis et Tripoli18.

Nous ne croyons pas à l’existence ni à l’organisation en Afrique d’éventuels ateliers de reliure où les tâches auraient été précises et reparties selon l’expertise des relieurs, comme c’était le cas dans le monde arabo-musulman. La figure du relieur en Afrique est plutôt, selon nous, celle d’un artisan du cuir qui en même temps exécutait les fers qu’il employait pour décorer ces travaux19.

Même si on retrouve en Afrique parmi les motifs de décoration employés certains décors qui sont aussi connus dans l’art islamique, cela ne veut pas dire qu’ils soient des imitations de modèles venus d’Orient. Comme nous l’avons déjà dit, le relieur est avant tout un artisan du cuir qui a probablement eu peu d’occasions de manier des manuscrits venus d’autres parties du monde arabe pour pouvoir s’en inspirer. Son travail n’est pas à confondre avec celui du copiste, qui est souvent l’élève d’un savant venant d’Orient ou qui a été exposé à des livres provenant du Moyen-Orient. En Afrique, l’artisan du cuir, devenu à l’occasion relieur, n’a pas forcément fréquenté les écoles coraniques et il n’a pas eu l’occasion non plus de se confronter avec des techniques provenant d’autres pays islamisés. C’est pour cela que nous sommes persuadés qu’il faut rechercher les modèles d’inspiration des décors qui paraissent sur les reliures soudanaises dans d’autres domaines de l’art africain préislamique plutôt que parmi les reliures arabes. Dans cette perspective, il suffit d’établir des parallèles avec les décors de tapisserie ou de broderie locale pour comprendre que derrière le graphisme géométrique s’affiche une volonté de transmission d’un message apparemment illisible mais qui est révélateur de l’esthétique d’une population et qui se base sur une symbolique précise restée relativement inaccessible au chercheur.

Les techniques décoratives employées constituent un élément très important, car elles nous aident à dater et à mieux situer la provenance des reliures. Les décors, les figures géométriques et les couleurs sont les témoins du choix esthétique du relieur, mais ils peuvent aussi être la marque d’une époque ou d’une zone géographique spécifique. Les décors des reliures soudanaises sont, en général, assez simples. Ils sont à caractère géométrique, et leur symétrie est parfois atténuée par de légères irrégularités dues à la disposition des motifs sur le champ du décor. C’est précisément cette irrégularité qui fait la particularité des reliures soudanaises et les rend immédiatement reconnaissables. La manière dont les relieurs opèrent est très accessible du point de vue technique. La rapidité d’exécution est mise en évidence par les multiples erreurs de conception. Les coutures faites à la main interviennent de façon irrégulière selon les emplacements et en fonction des bords à joindre. Ce manque de soin dans l’exécution nous confirme que le relieur africain ne peut pas être vraiment considéré comme le s.ah.h.af de la tradition musulmane.

Le relieur organise son travail en cernant le champ de façon symétrique, en mettant en évidence les sections des compositions à décorer avec un double ou triple encadrement mais sans choisir quels seront les décors qui vont être contenus dans ces arrangements ni préméditer l’effet final qu’ils pourront produire. Il nous semble que ce dernier et les éléments décoratifs choisis n’ont pas autant d’importance. Font exception les décors des reliures à sacoche destinées à transporter le Coran car, comme nous l’avons dit, ils signifient une appartenance culturelle ou portent la marque d’une création individuelle.

Étant donné que les reliures à lanières sont obtenues à partir d’une seule pièce de cuir, le relieur commence à les décorer en traçant une subdivision rectangulaire qui fera apparaître des compartiments géométriques, en faisant en sorte qu’ils correspondent aux plats. Ensuite, il en orne une ou plusieurs sections au moyen de fers de petit module, disposés en registres rectangulaires et verticaux couvrant tout le plat, à l’intérieur desquels sont tracés généralement des doubles filets, souvent selon les diagonales, délimités ou flanqués par des cercles pointés et des stries.

Toutes les reliures soudanaises présentent, au niveau du décor, un trait commun : un encadrement de la reliure toute entière, qui est séparé des motifs principaux de l’ornementation par une bordure faite des plusieurs bandes de filets. L’encadrement des deux plats consiste en deux bandes contenant une série de filets qui sont remplis d’un motif en chenille. Les décors sont estampés à l’aide d’instruments en fer ou dessinés à main levée sur des cuirs plus ou moins bruns. Les deux plats sont d’habitude ornés du même motif20, mais il n’est pas rare d’en trouver avec un décor différent à chaque plat21. Le rabat peut présenter un motif analogue à celui du plat ou rester sans décor. Le champ du plat supérieur est souvent décoré par des filets dessinant une croix ou des diagonales ; les espaces qu’ils dessinent peuvent rester sans décor, comme c’est le cas des manuscrits BnF arabe 7140 et BnF arabe 7134, ou être couverts de figures géométriques et d’entrelacs, comme dans le manuscrit BnF arabe 5035.

Le décor central en forme de mandorle, typique de la reliure arabo-islamique classique, est rare. Le seul exemplaire de ce genre rencontré est le manuscrit BnF arabe 7226. La reliure porte sur le plat supérieur une mandorle centrale estampée et bordée de fleurettes à quatre pétales. Il n’est pas à exclure que les exemplaires qui offrent ces décors soient des exemplaires d’importation maghrébine. L’importation de livres et donc des reliures comme activité commerciale est un phénomène qui n’a pas duré longtemps en Afrique, car les acheteurs disposaient de ressources assez limitées et les copies importées individuellement par les privilégiés qui allaient en pèlerinage étaient suffisantes pour satisfaire les besoins des rares possesseurs de bibliothèques.

Les reliures des manuscrits BnF arabe 7136 et BnF arabe 7141 présentent un schéma de décor bien précis, comprenant un encadrement rectangulaire formé par des encadrements de filets reliés aux angles par de petits cercles qui se retrouvent à chaque intersection. Ces petits cercles semblent être un des motifs favoris pour le décor des reliures que nous retrouvons dans toute l’Afrique occidentale mais aussi dans d’autres zones d’Afrique, par exemple sur les reliures éthiopiennes du XIXe siècle22. L’effet décoratif de ces reliures s’harmonise bien avec le style d’écriture des manuscrits qu’elles contiennent. La simplicité du décor semble s’imposer et rester en ligne avec l’allure générale du manuscrit. En partant d’un motif de base créé avec un ou deux fers, le relieur procède de la façon la plus commune pour décorer la bordure. Tous les motifs d’ornementation se ressemblent et les diagonales s’affirment largement comme le motifle plus répandu23.

Parmi les reliures consultées, seule celle du manuscrit BnF arabe 7222 présente un décor reposant sur une forme de cercle disposée au milieu du plat. Ce type de décor récurrent parmi les reliures Mudejar nous ouvre une autre piste à suivre : celle des emprunts venus d’Andalousie à travers le Maghreb.

Dans l’ensemble des reliures observées, nous avons remarqué qu’à chaque zone géographique correspond une variété de techniques de décoration : les motifs de décors et les techniques domestiques nous semblent en être la source prédominante. C’est notamment le cas des reliures du Nigeria, qui portent un décor ressemblant à un zigzag un peu arrondi24 et dont nous n’avons pas trouvé l’équivalent dans le lot des reliures provenant du Mali. Ces reliures n’ont cessé d’évoluer et, en dépit de l’intégration occasionnelle d’influences étrangères, elles ont toujours sauvegardé une identité précise qui nous permet de les reconnaître à première vue en tant que soudanaises. On relèvera par exemple, au sein de l’ensemble étudié, l’absence d’éléments largement répandus dans les reliures maghrébines: les écoinçons carrés dans le décor du plat, l’axe vertical matérialisé par un filet, le rabat mobile ou encore les décors végétaux. Rien de cela ne se rencontre sur les reliures soudanaises, ce qui pourrait être un indice suffisant pour affirmer que leurs techniques de décors ne s’inspirent pas des reliures maghrébines.

De notre tentative de reconstruire l’histoire des reliures soudanaises et d’établir les modèles qui ont servi d’inspiration résulte un portrait encore fragmenté qui appelle à poursuivre l’enquête. Nous espérons que ce premier essai permettra à l’avenir d’élargir la comparaison avec des collections provenant d’autres zones, favorisant ainsi une étude diachronique qui ferait apparaître des variations qui nous serviront à mieux comprendre les particularités codicologiques des reliures soudanaises, et leur évolution.

INVENTAIRE SOMMAIRE DES RELIURES ÉTUDIÉES

BnF arabe 402

Reliure à lanière, avec mandorle centrale polylobée, estampée à froid dans un cadre à double filet aux deux plats. Au dos du plat, marque de possesseur : Mas’ūd bin Yah.yā Mas’ūd ; XVIIIe siècle (?).

BnF arabe 5035

Reliure à lanière en cuir brun ; doublée en toile ; avec un rabat de forme ogivale décoré ; 21 x 50 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 6865

Reliure à lanière (1 0 cm, composée de plusieurs morceaux noués entre eux) en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire décoré ; 21.5 x 16.5 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 6866

Reliure à lanière terminée par un cauri, en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire ; décorée ; 55 x 28 cm ; XVIIIe siècle (?).

BnF arabe 6869

Reliure à étui en cuir brun, placée dans un autre étui qui est à la fois destiné à être placé dans un étui pour porter en pendentif ; les trois étuis sont décorés avec des motifs floraux et géométriques ; 1 .5 x 10.5 cm ; provenant de la Côte d’Ivoire, XIXe siècle (?).

BNF arabe 6991

Reliure portefeuille (Arabe 6991a) placée dans un étui destiné à être porté en pendentif (Arabe 6991b), de maroquin brun-rouge. Le rabat de l’étui et sa face supérieure sont décorés de motifs géométriques dessinés par des poinçons estampés à froid. Deux amulettes en cuir sont accrochées aux courroies de l’étui. L’étui mesure 9 x8 cm ; XXe siècle (?).

BnF arabe 7134

Reliure à lanière en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire ; 26 x 61 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7135

Reliure à lanière en cuir orange, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 27 x 53 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7136

Reliure à lanière (disparue) en cuir brun/rouge, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 23 x 52 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7137

Reliure à lanière en cuir brun/rouge, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 21 x 50 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7138

Reliure à lanière en cuir brun, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 25 x 50 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7139

Reliure à lanière en cuir brun; doublée en papier; 24 x 34 cm; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7140

Reliure à lanière en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire ; 18 x 42 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7141

Reliure à lanière en cuir brun, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 21 x 51 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7142

Reliure à lanière en cuir brun-rougeâtre, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 21 x 51 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7144

Reliure à lanière (disparue) en cuir brun, avec un rabat de forme rectangulaire ; décorée ; 22 x 42 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7145

Reliure à lanière en cuir brun clair, avec un rabat de forme trapézoïdale ; décorée ; 20 x 44 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7146

Reliure à lanière en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire ; décorée ; 22 x 40 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7147

Reliure à lanière en cuir brun, avec un rabat de forme arrondie ; décorée ; 18 x 42 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7148

Reliure à lanière en cuir brun ; décorée ; 19 x 14 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7149

Reliure en cuir brun ; décorée ; 18 x 42 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7150

Reliure en cuir brun ; décorée ; 20 x 16 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7151

Reliure à lanière en cuir brun clair, avec un rabat de forme triangulaire ; 17.5 x 33 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7219

Reliure à rabat avec ais rigides ; le champ du plat supérieur est divisé en rectangles irréguliers de bandes rouges avec de petits éléments végétaux. Les deux plats portent la marque : Ahūbad (?) ; le dos et la gouttière sont doublés de cuir ; 18 x 42 cm ; provenant de Mauritanie ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7221

Reliure en cuir avec un rabat de forme triangulaire ; les plats (rigides) sont ornés d’une mandorle centrale bordée de petits demi-cercles estampés ; doublée de papier bleu. L’axe vertical est marqué d’un filet prolongé par deux motifs en forme de cœur, que l’on trouve également sur l’axe horizontal du manuscrit ; 22 x 50 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7222

Reliure à lanière en cuir brun clair, avec un rabat de forme triangulaire ; doublée en toile ; 25 x 65 cm ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7225

Reliure à lanière (disparue) en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire ; décorée ; doublée en papier ; 21.5 x 35cm ; provenant de Mauritanie ; XIXe siècle (?).

BnF arabe 7226

Reliure à lanière, en cuir brun, avec un rabat de forme triangulaire ; doublée de papier blanc au rabat et aux contreplats, et de cuir pour le dos et la gouttière ; le décor estampé sur le plat est en forme de mandorle centrale bordée de fleurettes à quatre pétales – le même motif se retrouvant sur le rabat ; 21.5 x 16.5 cm ; le manuscrit est daté de 1836.

BnF arabe 7261

Reliure à étui en cuir brun ; le Coran contenu dans cette sacoche, protégé par deux cartons épais, se glisse dans une sorte d’étui en cuir à l’intérieur du sac ; 23 x 18 cm ; provenant du Tchad (?) ; XIXe siècle.

BnF ALEP 00104

Reliure étui, en cuir brun, amulettes écrites gainées de cuir suspendues en baudrier à un lacet en cuir tressé ; 18 x 42 cm ; provenant du Sénégal ; XXe siècle (?).

Cambridge, UL Add 3500

Reliure à sacoche en cuir brun, doublée en toile ; 12 x 1 cm ; décorée. Baudrier à doubles lacets en cuir tressés. Le manuscrit contenu est une copie du Dalā’il al-Khayrāt, qui, à son tour, est enveloppé entre deux plats en peau de vache, bloqués par une ficelle. Provenant du Ghana ; XIXe siècle.

Cambridge, UL Add 3501

Reliure à lanière, en cuir brun, avec un rabat de forme ogivale ; doublée en cuir ; un seul plat décoré ; 1 x9 cm ; XIXe siècle (?).

Cambridge, UL Add 3502

Reliure à lanière en cuir brun ; doublée en papier ; 1 x 10 cm ; sur les deux plats, même décor géométrique : deux diagonales entourées de points et d’ondes ; provenant du Nigeria ; XIXe siècle (?).

Cambridge, UL Add Or.413

Reliure étui en cuir brun, avec un rabat décoré de forme triangulaire ayant trois petits lacets, dont un a disparu ; le tout était censé être suspendu en baudrier, mais le lacet a disparu ; le manuscrit contenu dans cet étui est enveloppé dans de la toile bleue ; 12 x 1 cm ; Touareg (?) ; XIXe siècle (?).

Cambridge, UL Add Or. 870(5)

Reliure à lanière en cuir brun/orangé ; doublée en cuir ; avec un rabat de forme triangulaire ; 12 x 10 cm ; sur les deux plats, même décor géométrique : deux diagonales entourées de zigzags ; XIXe siècle (?).

Cambridge, UL Or. 891

Reliure étui en cuir brun, avec un rabat décoré et un lacet en cuir tressé qui sert de fermoir ; le baudrier à lacet d’origine a disparu ; 1 x 8 cm ; XIXe siècle.

Cambridge, St John’s College, Browne 1438

Reliure à lanière en cuir brun et rouge ; doublée en cuir ; avec un rabat de forme triangulaire ; 17 x 12 cm ; sur les deux plats, même décor géométrique : deux diagonales entourées de zigzags ; XIXe siècle.

American Museum of Natural History, NY, 90.2/ 4702 A

Reliure à lanière en cuir ; 26.7 x 33.6 cm ; provenant de Kano, Nigeria ; 1960-1974.

American Museum of Natural History, NY, 90.2/ 4703 AB

Reliure à sacoche en cuir ; 24 x 18 cm ; provenant du Nigeria ; XXe siècle.

American Museum of Natural History, NY, 90.2/ 3417

Reliure à lanière en cuir ; 20.5 x 22.2 cm ; provenant de Kano, Nigeria ; 1960-1974.

American Museum of Natural History, NY, 90.0/ 186

Reliure étui (amulette) en cuir ; 14 x9 cm ; provenant de Lokoja, Nigeria ; XXe siècle.

American Museum of Natural History, NY, 90.0/ 1523 AB

Reliure à sacoche en cuir ; 19 x 18 cm ; provenant du Nigeria ; 1907.

BIBLIOGRAPHIE

K. Chater, « Commerce transsaharien et esclavage au XIXe siècle, dans les régences de Tunis et de Tripoli », dans Cahiers de la Méditerranée, 65, 2005, pp. 187-203 (accessible sur Internet : http://cdlm.revues.org/document39.html).

M. Delarozière, L’Art du cuir en Mauritanie, Aix-en-Provence, Édisud, 2005.

F. Déroche, et al., Manuel de codicologie des manuscrits en écriture arabe, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2000.

M. G. Guédon, A. Vernay-Nouri, L’Art du Livre arabe, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2001.

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D. James, Qur’āns and bindings from the Chester Beatty Library. A facsimile exhibition, London, World of Islam Festival Trust, 1980.

M. Last, « The Book in the Sokoto Caliphate », dans Studia Africana, XVII, 2006, pp. 39-52.

C. Petersen’t, « Early Islamic bookbindings and their Coptic relations », dans Ars Orientalis, I, 1954, pp. 41-64.

L. Prussin, Hatumere : Islamic Design in West Africa, Berkeley (Calif.), Univ. of California Press, 1999.

O. du Puigaudeau, « Arts et coutumes des Maures », dans Hespéris Tamuda, 1980-1981, pp. 169-188.

G. Vajda, « Contribution à la connaissance de la littérature arabe en Afrique occidentale », dans Journal de la Société des Africanistes, XIX-XX, 1949-1950, pp. 229-237.

1. Reliure à lanière, Nigeria, XIXe siècle, 17 x 12 cm (Cambridge, St. John’s College, Browne 1438)

2. Reliure à sacoche, Tchad, XIXe siècle, 23,5 x 18 cm (Paris, BnF, arabe 7261)

3. Reliure à étuis et à boîtes Côte d’Ivoire, XIXe siècle, 1 ,5 x 10,5 cm (Paris, BnF arabe 6869)

4. Reliure peinte, Mauritanie (?), XIXe siècle, 23 x 18 cm (BnF, arabe 7219)

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1 Le terme « soudanais » est ici employé au sens donné avant la colonisation européenne aux régions situées au sud du Sahara. NB. Les références bibliographiques des notes sont données à la fin.

2 Les historiens débattent beaucoup de l’interprétation à donner aux événements souvent confus se rapportant à l’expansion musulmane en Afrique, notamment parce que le Sahara oriental et le Sahara occidental connurent des destins différents ; il est difficile de proposer une date unique pour définir à quel moment l’Afrique fut effectivement islamisée et quel fut le processus d’appropriation de l’écriture arabe.

3 Leon Nemoy, Arabic manuscripts in the Yale University Library, New Haven, 1956.

4 Voir par exemple le manuscrit 10544 conservé au Musée copte du Caire. L’hypothèse d’une origine ou d’une inf luence des reliures coptes sur les reliures soudanaises n’est pas plausible car, outre les problèmes chronologiques, l’origine même des reliures des manuscrits de Nag Hammadi n’a pas encore été éclaircie.

5 Voir par exemple le manuscrit BnF arabe 6866.

6 Voir par exemple le manuscrit BnF arabe 7145.

7 Un exemplaire de ce genre est le manuscrit Add. 3500 conservé à la University Library de Cambridge. Il s’agit d’un manuscrit provenant de la région qui correspond aujourd’hui au Ghana. C’est une reliure très intéressante, car elle présente des caractéristiques plutôt uniques par son format (12 x 11 cm.) ainsi que par son décor et par le fermoir de sa sacoche. Elle a été fabriquée d’une seule pièce de cuir pliée en trois et n’a de coutures qu’aux cotés extérieurs.

8 Cambridge, University Library : Add. 3499.

9 Le mot haussa gafaka désigne un sac en peau de chèvre conçu pour protéger le Coran – mais qui pouvait contenir à la fois autres textes. Le même genre de sacoche en Mauritanie est appelé tilwichet ; elle est souvent doublée de fourrure d’agneau (Du Puigadeau : 1980), alors que le tadarishi est une reliure portefeuille destinée à protéger toute sorte de manuscrit.

10 Les adultes les portent de préférence au cou, les enfants à la taille.

11 Musée du quai Branly, Paris, inv. 74.1962.0.1189.

12 C’est le cas d’un étui à Coran, inv. 71.1962.13.20, provenant également de Mauritanie qui est conservé au Musée du quai Branly à Paris.

13 Cette hypothèse est difficile à soutenir car les manuscrits qui nous sont parvenus avec ce genre de reliure ne sont pas forcément d’origine : le bloc-texte des manuscrits soudanais n’est en effet pas fixé au dos. Entre outre, il vaut mieux rappeler que le concept de livre arabe est différent de celui de la culture occidentale. Le livre est considéré comme un objet divisible. Le Coran, livre par excellence, lui-même est divisé en juz et hizb, et ces parties peuvent exister individuellement et constituer un livre en soi.

14 Le relatif manque d’attention pour les reliures soudanaises peut s’expliquer de plusieurs manières. D’abord, beaucoup de manuscrits soudanais demeurent encore dans des endroits d’accès difficile. Deuxièmement, dans les catalogues de manuscrits conservés en Afrique, il n’est pas forcément fait mention de la présence des reliures ; enfin, le fait que la plupart des reliures soudanaises datent des XIXe et XXe siècles, une période trop récente pour susciter le même intérêt que les reliures arabes beaucoup plus anciennes, a pu également jouer.

15 O. du Puigaudeau, « Arts et coutumes des Maures ».

16 L’une des espèces d’acacias africains répandus en Afrique de la côte atlantique jusqu’en Afrique orientale. Les feuilles et les fruits de cette essence sont employés en médecine traditionnelle, tandis que les fruits riches en tanins sont utilisés dans la tannerie.

17 L’A.F.O.P., par exemple, est une Association de Formation professionnelle, née d’une collaboration entre les gouvernements français et nigérien. Elle a pour fonction de moderniser l’ensemble des métiers du cuir au Niger. Son but est d’arriver à produire des cuirs de qualité, afin de les commercialiser et de donner la possibilité à l’artisanat nigérien de gagner sa place dans le commerce international.

18 K. Chater, « Commerce transsaharien et esclavage au XIXe siècle, dans les régences de Tunis et de Tripoli ».

19 A ce propos, nous avons esquissé un petit répertoire des fers employés au sein des reliures que nous avons examinées. Cette base de données est destinée à s’enrichir des nouvelles identifications que notre recherche est susceptible d’imposer. 1) Une chenille formée par une succession de 2 barres interrompues par un espace médian. 2) Une chenille formée par une succession de 3 barres interrompues par un espace médian. 3) Un petit rond qui peut aussi être entouré d’un anneau en relief et que limitent des cercles martelés en creux. 4) Un petit triangle vide. 5) Un triangle rempli. 6) Un carré rempli avec une grille. 7) Un croissant. 8) Une f leurette quadrilobée.

20 Voir par exemple le manuscrit BnF, arabe 7146.

21 Voir par exemple le manuscrit BnF, arabe 7147.

22 Voir par exemple les manuscrits 926 et 909 de la Chester Beatty Library.

23 Le motif de la diagonale a connu une grande popularité dans l’ensemble des reliures soudanaises ainsi que dans d’autres régions d’Afrique. Par exemple, on le retrouve sur les étuis des livres éthiopiens du XXe siècle (ETHAF 032587) ou de Madagascar (Musée Branly, inv. 71.1990.57.779.1-2 et 71.1990.57.298.1-2).

24 Cambridge, University Library, manuscrit Or. 413.