Book Title

1911-2011. Gallimard. Un siècle d’édition, dir. Alban Cerisier, Pascal Fouché

Paris, Bibliothèque nationale de France, Gallimard, 2011, 392 p., ill.

Frédéric Barbier

Nouans-les-Fontaines

Le centenaire de la librairie Gallimard a fait l’objet, en 2011, de nombreux articles, publications et commémorations diverses, mais le catalogue de l’exposition consacrée par la Bibliothèque nationale de France à cette maison évidemment emblématique marque d’autant plus un temps fort qu’il est relativement rare d’assister, en France, à la reconnaissance pratiquement officielle du rôle d’une maison d’édition, si prestigieuse soit-elle. Saluons, d’abord, l’élégance du volume, qui se présente dans un format légèrement à l’italienne, avec un très grand nombre d’illustrations, souvent à pleine page (dont une longue série, sous le titre de « Portfolio », aux pages 65 et suiv.), et une pléiade de textes de qualité (malgré certaines faiblesses, par ex. dans les intertitres : « Une politique éditoriale volontaire », p. 15, puis « Des diversifications nécessaires », p. 25, etc. ; malgré la médiocre mise en page des illustrations, p. ex. p. 20-21 ; et malgré beaucoup de reproductions en trop petit format, reproductions pourtant extrêmement intéressantes par elles-mêmes).

En tête de l’ouvrage, une monographie de ses deux responsables, Alban Cerisier et Pascal Fouché, reprend le titre général « Un siècle d’édition ». Les origines sont connues, La NRF, qui est réellement créée en février 1909, se développera deux ans plus tard sous forme d’une maison d’édition, dont Gaston Gallimard est l’un des trois co-fondateurs (avec André Gide et Jean Schlumberger). Mais la réussite de l’entreprise est avant tout due à Gallimard, partout sur la brèche, et qui apprend réellement le métier d’éditeur sur le tas (p. 15), voire celui de directeur de théâtre. Pendant la Guerre, il parvient à détacher Proust de Grasset, rachète les invendus du tome I de la Recherche et publiera le tome II, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, dès 1918. Et, l’année suivante, c’est la fondation de la Librairie Gallimard, qui se substitue aux « Éditions de La NRF » et qui, bientôt, ouvre un magasin au coin de la rue de Grenelle et du boulevard Raspail. À partir des années 1922-1923, les résultats financiers commencent à se stabiliser puis à s’améliorer. Le rôle des prix littéraires est stratégique : même si Gaston regrette la montée en puissance des « nouvelles méthodes » d’édition et de diffusion (il parlera encore, en 1946, de l’« épicerie par nécessité »), il explique n’en rechercher pas moins son Atlantide, par référence au best-seller de Pierre Benoît publié chez Albin Michel en 1919 (p. 25). Il n’est pas du propos d’une note de compte rendu de rappeler les grandes dates d’une saga éditoriale exemplaire, de l’organisation du comité de lecture (1925) à la reprise de la Pléiade (1933), sans oublier la période de la Seconde Guerre mondiale, le lancement du « Livre de poche » en 1953/1957…

Le portfolio est des plus intéressants, avec des pages comme celles consacrées à « L’évolution graphique de la collection Blanche », à « Quelques hauts-lieux », ou encore aux éditions de la Maison (selon les « prix littéraires », puis par grandes périodes). Cinq contributions scientifiques ajoutent au prix du recueil : Anne Simonin revient sur la problématique de la collection, à propos du cœur de l’activité de la Maison à savoir la littérature française. Gisèle Sapiro présente le rôle de la Maison « à l’international » – cette contribution est particulièrement suggestive, qu’il s’agisse de Kafka, ou des domaines russe et, surtout, anglo-saxon. Familière aux historiens du livre, la problématique de la « mise en livre » est développée par Olivier Bessard-Banquy (la « Fabrique du livre ». On apprécie particulièrement la maquette de la p. 150). Les problèmes de la commercialisation sont traités par Hélène Serry. Enfin, Virginie Meyer revient, dans un article bien documenté (le titre n’est pas explicite : « Dans les marges de l’édition »), sur la question de l’impératif majeur : pour publier, il faut être financièrement en équilibre, il faut donc que les pertes éventuelles soient compensées par des gains sur d’autres titres (le succès de Détective, p. 189 !). La dernière partie du volume est consacrée au catalogue de l’exposition, dont pratiquement toutes les pièces sont tirées des Archives des Éditions Gallimard.